Prologue
La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
Un écran de fumée.
Arrivés à l’aéroport de Jakarta, nos trois amis prirent un taxi pour se rendre au plus vite dans le vieux quartier chinois de la capitale. Ils allaient enfin retrouver Naomi qui devait prononcer un discours dans le cadre d’une conférence organisée par des ONG à propos de la situation écologique désastreuse du pays.
Ils entrèrent dans une salle comble et silencieuse. Au loin, derrière le pupitre, Naomi démarrait la lecture de son discours :
« Bonjour à toutes et à tous,
Je suis Naomi Lehner, je suis allemande et j’ai parcouru des milliers de kilomètres pour être avec vous aujourd’hui. Dans l’avion, j’imaginais des décors de cartes postales et je me réjouissais à l’avance de découvrir des paysages préservés. Mais, en réalité, j’idéalisais Sumatra : ses forêts tropicales, sa faune et sa flore stupéfiantes où les tigres, les rhinocéros, les orangs-outans vivaient encore en parfaite harmonie. Quel choc et quelle déception ! Une odeur de brûlé, de longs nuages de cendres et un ciel couleur de sang, voilà ce que j’ai découvert ! Oui, en ce moment même, le ciel est rouge de colère. Alors, je vous le demande… La jeune fille regarda l’assemblée avec insistance et continua la gorge nouée.
Comment pouvez-vous laisser, cette année encore, des feux détruire des hectares de forêt ? Comment pouvez-vouslaisser disparaître notre patrimoine naturel ? Les animaux de la forêt de Sumatra disparaissent les uns après les autres à cause de la déforestation et des feux causés par les humains. Comment pouvez-vous, année après année, laisser notre planète partir en fumée ? Notre futur brûle, c’est devenu inimaginable, impensable… Les yeux plein de larmes, Naomi reprit. C’est tellement absurde de laisser notre planète mourir. Notre avenir sur terre va se réduire en cendres. Ces feux aggravent la situation à l’échelle mondiale. C’est à cause de nous que la planète meurt, c’est à cause de nous que nos enfants et nos petits enfants auront une vie désastreuse. IL FAUT QUE CELA CESSE ! »
Son discours avait déclenché une salve d’applaudissements. Nos trois amis, très émus par ce succès partirent triomphants la retrouver dans les coulisses pour la féliciter. Il y avait beaucoup de monde, ça grouillait de tous les côtés, c’était difficile de se frayer un passage et Naomi était introuvable. Ils attendirent que les gens partent pour la chercher. Ils commencèrent par les loges puis derrière la scène, et, enfin examinèrent de nouveau avec attention la salle. Les trois amis s’inquiétaient terriblement. Léa se précipita dehors ; elle crut apercevoir son amie avec deux hommes. Tom et Mehdi la rejoignirent rapidement. Ils étaient paniqués. Pourquoi était-elle partie ? Qu’avait-elle fait de mal ? Ils virent deux hommes monter précipitamment dans une voiture noire où l’on pouvait distinguer la silhouette… d’une jeune fille.
– On ne sait pas où elle va, ni avec qui, ni pourquoi on l’a embarquée, dit Mehdi.
– La situation est grave, nous devons la chercher au plus vite ! s’exclama Tom.
– Et si on essayait de trouver Naomi grâce au système de géolocalisation, proposa Léa.
– Essayons ça ! s’exclamèrent Tom et Mehdi.
Tom réussit à connecter son téléphone à celui de Naomi. La rue où elle se trouvait était assez éloignée. Les adolescents sautèrent dans un taxi et lui demandèrent de les emmener au plus vite à leur destination. Une demi-heure plus tard, ils arrivèrent mais malheureusement ils ne trouvèrent aucune trace de sa présence… Tom décida de questionner les passants à l’aide d’une photo de la jeune fille. Au bout de dix minutes, un homme affirma l’avoir vu entrer dans un grand bâtiment délabré. Les trois amis étaient horrifiés et craignaient le pire. Ils entrèrent dans ce lieu qui semblait abandonné de longue date. Leurs pas résonnaient dans l’obscurité. Ils empruntèrent un long couloir lugubre qui débouchait dans une vaste salle. Des chauves-souris, perturbées dans leur repos, s’envolèrent en poussant des cris stridents ce qui ne manqua pas de glacer encore un peu plus leur sang. A la lueur de leur smartphone, ils découvrirent une suite de livres éparpillés au sol tels les petits cailloux du jeune Poucet.
– C’est peut-être un fou, dit Medhi fébrile, on ferait mieux de partir.
Mais non, s’écria Léa, il doit bien y avoir un indice !
Ils se mirent à chercher. Tous les ouvrages traitaient de la déforestation. Un livre vert attira plus particulièrement leur attention car il semblait plus récent.
– Ces jeunes qui changent le monde, lu Léa.
– Qu’est-ce que ces livres font ici ? s’écria Tom.
– Ça a peut-être un lien avec Naomi, dit Léa.
– Peut-être mais cela ne nous aide pas à savoir où elle est, dit Mehdi.
Léa continuait à feuilleter le livre. Elle trouva une note : « mission accomplie, direction Jayapura ». On a une piste, dit Léa.
Un ennemi sans visage..
Tom et Mehdi se tournèrent vers Léa le regard satisfait : enfin un signe de vie ! Naomie avait en effet disparu à la fin de la conférence sur la déforestation et l’accroissement des plantations de palmiers pour produire ce Nutella qu’on aime tant !
« Go ! Qu’est-ce qu’on attend pour y aller ?? » crièrent en cœur Tom et Medhi.
Ils prirent leur portable pour regarder le trajet à suivre jusqu’à Yapura et le temps nécessaire. Le prochain avion était à quatre heures du matin ; ils avaient donc le temps de se reposer pour se remettre de leurs émotions. Après une courte nuit, ils filèrent en taxi sans prendre le temps d’avaler une bouchée de pain et à peine arrivés à Yapura, ils repensaient à cet enlèvement soudain et en direct. Incroyable !
– « Je revois encore cette scène surréaliste, dit Mehdi
– Moi aussi, s’exclama Tom, d’ailleurs qui est cette Mélanie appelée au secours par Naomie ?
– Mélanie et Isabelle, je crois, dit Léa, les deux jeunes filles luttant contre les sacs plastiques à Bali.
– Of course ! , dit Tom, Oh, regarde ce que je vois sur mon portable : un message vidéo de Naomie en compagnie de Mélanie ! »
Interloqués, les trois amis visionnèrent attentivement la vidéo essayant de détecter le moindre indice. Stupéfaction ! Medhi venait de découvrir un code : celui de l’adresse de Mélanie. Ils ne comprenaient ni la situation ni le traquenard dans lequel ils étaient tombés. Fallait-il se fier à Mélanie ?
Elle n’habitait pas très loin de l’aéroport bizarrement. Que faire ? Était-ce un piège ou un appel au secours ? Ils décidèrent de s’y rendre car ils n’avaient plus rien à perdre de toute façon. Mais avant d’affronter les dangers, ils voulaient manger car cela faisait un jour qu’ils avaient le ventre vide : ce qui les empêchait aussi de rester concentrés et lucides.
Nos trois gloutons restaurés, ils se mirent en marche tout en surveillant ce qui se passait autour d’eux ; ils n’étaient pas tranquilles mais il fallait sortir Naomie de ce guet-apens. Ils arrivèrent devant une maison de gardien, très austère, avec un toit en taule rouillée et une espèce de porte en bois. Ils toquèrent, une petite dame aux cheveux noirs leur ouvrit le sourire jusqu’aux oreilles et les fit entrer. Très accueillante, elle proposa du thé avec du Kueh Lapis fait maison à nos aventuriers. Alléchés par ce goûter, ils baissèrent la garde : attitude fatale ! Ni une ni deux : porte fermée à clé, envie soudaine de sommeil, poignets liés et trois silhouettes malveillantes face à eux ….le danger était là mais que faire ? Ils étaient neutralisés. A leur réveil, un espèce de hangar ou d’usine désaffectée devenait leur nouveau repaire. Difficile de se repérer dans ce lieu hostile mais Medhi, silencieux, essayait de se remémorer où il avait vu cet endroit. Cet endroit n’était pas inconnu : la vidéo avait été tournée là ! Un bruit… des chuchotements… une présence humaine… son esprit lui revenait et il pouvait discerner un peu plus loin Naomie, Mélanie ligotées et un peu plus loin une autre fille ; Tom et Léa encore comateux n’étaient d’aucun secours. Il tenta une approche pour rejoindre les filles. Quelle ne fut pas sa surprise de voir qu’il y avait aussi Isabelle ! Les deux jeunes filles font partie de l’ONG « Bye Bye Plastic Bags » qui lutte contre la prolifération des sacs plastiques à Bali ; action soutenue par le gouvernement Indonésien puisqu’il a voté une loi pour leur interdiction. Donc, les actions menées par nos prisonnières dérangent mais qui se cache derrière ces enlèvements ? En accord avec les filles, Medhi envoya un message codé à Daniel pour leur venir en aide et les sortir de cette usine désaffectée qui semblait pouvoir être utilisée pour contourner les lois du pays en faveur de l’environnement…
4/ Quiproquo à Bornéo
Tom et Léa étaient encore profondément endormis sous l’effet du sédatif contenu dans le Kueh Lapis. Mehdi se lamentait de ne pouvoir compter que sur lui-même dans ce hangar rouillé qui semblait être abandonné. L’air très humide saturé par une odeur de moisi lui soulevait le coeur. Il faisait tellement sombre qu’il avait du mal à percevoir ses amis allongés sur le sol. Inquiet, il essaya de les réveiller, en vain. Il commença en leur parlant, mais aucune réaction. Alors il leur donna des petites claques et leur aspergea le visage avec une bouteille d’eau laissée par leurs ravisseurs, ce qui les réveilla enfin. En se penchant un peu, il se prit les pieds dans un cordon au bout duquel se trouvait un badge. C’était celui de Naomie. Elle était donc là elle aussi ! Comme eux, elle avait dû être droguée. Où était-elle retenue prisonnière ? Il entendit un bref bip qui provenait d’un téléphone égaré. En un instant, il comprit que c’était leur seul échappatoire et s’empressa de le récupérer.
– Vu le niveau de la batterie, on ne peut envoyer qu’un seul message, murmura-t-il. Il y a un numéro écrit sur le badge, on peut toujours essayer.
Le hangar était une vraie fournaise. Le temps commençait à être long et Medhi décida d’explorer les lieux à la recherche d’une sortie, en attendant un hypothétique secours. Soudain, un bruit. Mehdi, stoppé dans son élan, prit peur. Les ravisseurs seraient-ils revenus ? Rien. Fausse alerte. Il se dirigea vers le fond de ce hangar : un amas de fûts rouillés, un bulldozer qui semble avoir déjà bien servi, une étroite fenêtre à plusieurs mètres de hauteur, en partie dissimulée par un entassement d’objets protégé de lourdes bâches.
Pendant ce temps, Daniel avait réussi à déchiffrer le message et compris qu’il était urgent d’intervenir. Il avait échafaudé un plan pour sortir les adolescents de cette usine désaffectée : grâce aux contacts de l’ONG sur l’île, il s’était procuré un plan précis. En l’étudiant, il avait repéré l’usine et remarqué qu’un conduit d’aération menait tout droit à l’extérieur du bâtiment.
Mehdi fit un pas en arrière : le grincement recommençait et semblait venir des bâches. Il en souleva une . Apeuré, un petit singe dans une minuscule cage, à peine plus grande que lui s’agitait en tous sens. Tom le rejoignit, s’approcha de la cage et libéra l’animal qui courut se cacher.
– C’est un bébé ourang-outan, s’exclama-t-il.
– Nous sommes dans un repaire de braconniers, conclut Léa, en découvrant les cages où somnolaient d’autres victimes des trafiquants.
Quant à Daniel, il n’avait pas perdu une minute et se dirigeait vers l’usine. D’abord, il fit le tour du bâtiment pour se repérer puis alla vers la bouche d’aération, escalada le mur, enleva la grille du conduit et s’y faufila. Au bout de ce tunnel, il distingua l’endroit où se trouvaient les trois amis, sous la surveillance de deux hommes.
Tom recula et s’aperçut que les cages entassées formeraient un parfait escalier vers la fenêtre. Léa se prépara à escalader la première la pile de cages. Au moment d’atteindre la fenêtre, la pile vacilla.
Attiré par le bruit, l’un des deux gardes resté à l’extérieur surgit dans l’entrepôt. Daniel fondit alors sur lui, l’assomma et se dissimula. À l’arrivée du second, Daniel bondit hors de sa cachette , lui donna un coup en pleine poitrine qui lui coupa le souffle. Il libéra ensuite les amis et tous les quatre sortirent du bâtiment.
D’un 4x4 imposant, venu de nulle part jaillirent alors des militaires hurlant « On the ground !
Now ! »
Le singe grimpa sur l’épaule de Mehdi.
MERVEILLES EN DANGER
MERVEILLES EN DANGER
Les cris des orangs-outans nous perçaient les oreilles . Des militaires s’approchèrent pour nous interroger :
– Que faites-vous ici ?
– Nous sommes venus de France dans le cadre d’une mission écologique , répondit Léa
– Ah, c’est vous qui avez participé à ces manifestations ?
– C’est exact, dit Tom.
– Et pourquoi vous trouvez-vous dans ce hangar ?
– Eh, bien nous cherchions à savoir pourquoi les orangs-outans sont capturés ou tués, dit Medhi
– Ils mangent les fruits sur les arbres et les villageois défendent leurs plantations ; d’autres sont mangés et certains jeunes deviennent des animaux de compagnie
– Bon je comprends mais maintenant, il faut partir à la recherche de Naomie , dit Tom
– Non , il faut d’abord s’occuper d’écologie et poursuivre nos visites . Naomie sait se débrouiller seule .
– Allons-y ! Quant à toi , petit Kinci , nos chemins se séparent ici... Dit Medhi , plus ému qu’il ne voulait le laisser paraître .
De retour à Jakarta , nous fûmes replongés dans l’agitation intense de la ville . Nous avions réservé un guide pour nous la faire découvrir . En milieu d’après-midi , nous sommes donc allés au Taman Mini Indonesia Indah qui est un parc de loisirs miniature . Ensuite , nous sommes allés replanter des arbres puis participer à un nettoyage des rues .
Après cette journée chargée nous sommes repartis au Borneo Hostel . Pour le dîner nous avons dégusté un plat local , le Mee Goreng composé de nouilles , de porc et de légumes , le tout relevé par une sauce pimentée . Un délice !
Le lendemain matin, notre guide nous réveilla pour aller visiter l’History Museum . Nous avons pris un train pour y aller et, une foi arrivés nous avons constaté que le musée était mal entretenu . Il était vieux et sale et il n’y avait que très peu d’informations intéressantes alors, nous avons décidé de nous en aller . Jakarta est une ancienne colonie néerlandaise, une ville agréable à visiter . Le pays possède cent langues différentes ! nous avons donc décidé de nous promener librement dans la ville et de manger un peu .
Le lendemain, lassée de l’agitation de la ville très polluée, Léa proposa d’aller faire une randonnée au mont Kinabalu qui atteint les 4095 mètres d’altitude . Nous nous sommes rendus à l’Office du Tourisme mais nous y avons appris que ça coûtait 200 euros et que l’expédition durait trois jours . Nous avons abandonné l’idée et préféré longer le fleuve Kinabatangar . Là nous avons pu observer toutes sortes d’animaux : des crocodiles , des éléphants , des orangs-outans et des civettes mais nous n’avons pas pu nous baigner car c’était interdit à cause de la pollution .
L’après-midi nous n’avons pas pu résister au plaisir de nous rendre sur l’île de Sipadan l’un des meilleurs spot de plongée du monde ! Après un déjeuner dans un restaurant typique sur la plage, nous avons plongé avec plaisir et avons pu observer un banc de barracudas, des tortues et des raies mantas . Dans ces eaux turquoises évoluaient des carauses magnifiques . Nous avons découvert un autre monde !
En sortant de l’eau, nous avons rencontré Aurélien brûlé, le fondateur de l’association Kalaweit ; il est très investi dans la protection des gibbons en Malaisie et il a particulièrement apprécié l’engagement de jeunes comme nous dans la protection de l’environnement . Discuter avec lui était passionnant mais Tom ne se sentait pas bien et nous avons dû rentrer .
Au petit matin Tom n’étant toujours pas levé, nous avons décidé d’aller le voir dans sa chambre . Il était pâle et fiévreux . Inquiets ( nous avions entendu parler de l’épidémie de Coronavirus en Asie ) nous avons décidé d’aller à l’hôpital . L’attente fut longue : deux heures et demie ! Mais Tom avait juste pris froid ; nous étions rassurés !
Très fatigués, nous avons décidé de nous pour le point . Léa commença :
– Après toutes nos aventures, laissées par nos parents, sont presque épuisées ; bientôt, nous n’aurons plus de quoi nous nourrir ni nous loger . je propose donc que nous rentrions en France.
– Nos économies sont certes épuisées, répondit Medhi plus enthousiaste, mais j’ai entendu dire qu’au Japon il y avait des associations pour les gens comme nous . Je dirai donc qu’aller au Japon est la meilleure solution. Notre ami Pierre Ducrozet s’y trouve avec sa femme ; ils pourront nous aider .
– Je pense que cette aventure très enrichissante peut se poursuivre . J’opte donc pour l’idée de Medhi d’aller au Japon où nous retrouverons Pierre . Nous verrons bien ce que nous ferons là-bas, trancha Tom .
Ils prirent donc le premier bateau pour le Japon.
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
Un écran de fumée.
Arrivés à l’aéroport de Jakarta, nos trois amis prirent un taxi pour se rendre au plus vite dans le vieux quartier chinois de la capitale. Ils allaient enfin retrouver Naomi qui devait prononcer un discours dans le cadre d’une conférence organisée par des ONG à propos de la situation écologique désastreuse du pays.
Ils entrèrent dans une salle comble et silencieuse. Au loin, derrière le pupitre, Naomi démarrait la lecture de son discours :
« Bonjour à toutes et à tous,
Je suis Naomi Lehner, je suis allemande et j’ai parcouru des milliers de kilomètres pour être avec vous aujourd’hui. Dans l’avion, j’imaginais des décors de cartes postales et je me réjouissais à l’avance de découvrir des paysages préservés. Mais, en réalité, j’idéalisais Sumatra : ses forêts tropicales, sa faune et sa flore stupéfiantes où les tigres, les rhinocéros, les orangs-outans vivaient encore en parfaite harmonie. Quel choc et quelle déception ! Une odeur de brûlé, de longs nuages de cendres et un ciel couleur de sang, voilà ce que j’ai découvert ! Oui, en ce moment même, le ciel est rouge de colère. Alors, je vous le demande… La jeune fille regarda l’assemblée avec insistance et continua la gorge nouée.
Comment pouvez-vous laisser, cette année encore, des feux détruire des hectares de forêt ? Comment pouvez-vouslaisser disparaître notre patrimoine naturel ? Les animaux de la forêt de Sumatra disparaissent les uns après les autres à cause de la déforestation et des feux causés par les humains. Comment pouvez-vous, année après année, laisser notre planète partir en fumée ? Notre futur brûle, c’est devenu inimaginable, impensable… Les yeux plein de larmes, Naomi reprit. C’est tellement absurde de laisser notre planète mourir. Notre avenir sur terre va se réduire en cendres. Ces feux aggravent la situation à l’échelle mondiale. C’est à cause de nous que la planète meurt, c’est à cause de nous que nos enfants et nos petits enfants auront une vie désastreuse. IL FAUT QUE CELA CESSE ! »
Son discours avait déclenché une salve d’applaudissements. Nos trois amis, très émus par ce succès partirent triomphants la retrouver dans les coulisses pour la féliciter. Il y avait beaucoup de monde, ça grouillait de tous les côtés, c’était difficile de se frayer un passage et Naomi était introuvable. Ils attendirent que les gens partent pour la chercher. Ils commencèrent par les loges puis derrière la scène, et, enfin examinèrent de nouveau avec attention la salle. Les trois amis s’inquiétaient terriblement. Léa se précipita dehors ; elle crut apercevoir son amie avec deux hommes. Tom et Mehdi la rejoignirent rapidement. Ils étaient paniqués. Pourquoi était-elle partie ? Qu’avait-elle fait de mal ? Ils virent deux hommes monter précipitamment dans une voiture noire où l’on pouvait distinguer la silhouette… d’une jeune fille.
– On ne sait pas où elle va, ni avec qui, ni pourquoi on l’a embarquée, dit Mehdi.
– La situation est grave, nous devons la chercher au plus vite ! s’exclama Tom.
– Et si on essayait de trouver Naomi grâce au système de géolocalisation, proposa Léa.
– Essayons ça ! s’exclamèrent Tom et Mehdi.
Tom réussit à connecter son téléphone à celui de Naomi. La rue où elle se trouvait était assez éloignée. Les adolescents sautèrent dans un taxi et lui demandèrent de les emmener au plus vite à leur destination. Une demi-heure plus tard, ils arrivèrent mais malheureusement ils ne trouvèrent aucune trace de sa présence… Tom décida de questionner les passants à l’aide d’une photo de la jeune fille. Au bout de dix minutes, un homme affirma l’avoir vu entrer dans un grand bâtiment délabré. Les trois amis étaient horrifiés et craignaient le pire. Ils entrèrent dans ce lieu qui semblait abandonné de longue date. Leurs pas résonnaient dans l’obscurité. Ils empruntèrent un long couloir lugubre qui débouchait dans une vaste salle. Des chauves-souris, perturbées dans leur repos, s’envolèrent en poussant des cris stridents ce qui ne manqua pas de glacer encore un peu plus leur sang. A la lueur de leur smartphone, ils découvrirent une suite de livres éparpillés au sol tels les petits cailloux du jeune Poucet.
– C’est peut-être un fou, dit Medhi fébrile, on ferait mieux de partir.
Mais non, s’écria Léa, il doit bien y avoir un indice !
Ils se mirent à chercher. Tous les ouvrages traitaient de la déforestation. Un livre vert attira plus particulièrement leur attention car il semblait plus récent.
– Ces jeunes qui changent le monde, lu Léa.
– Qu’est-ce que ces livres font ici ? s’écria Tom.
– Ça a peut-être un lien avec Naomi, dit Léa.
– Peut-être mais cela ne nous aide pas à savoir où elle est, dit Mehdi.
Léa continuait à feuilleter le livre. Elle trouva une note : « mission accomplie, direction Jayapura ». On a une piste, dit Léa.
Un ennemi sans visage..
Tom et Mehdi se tournèrent vers Léa le regard satisfait : enfin un signe de vie ! Naomie avait en effet disparu à la fin de la conférence sur la déforestation et l’accroissement des plantations de palmiers pour produire ce Nutella qu’on aime tant !
« Go ! Qu’est-ce qu’on attend pour y aller ?? » crièrent en cœur Tom et Medhi.
Ils prirent leur portable pour regarder le trajet à suivre jusqu’à Yapura et le temps nécessaire. Le prochain avion était à quatre heures du matin ; ils avaient donc le temps de se reposer pour se remettre de leurs émotions. Après une courte nuit, ils filèrent en taxi sans prendre le temps d’avaler une bouchée de pain et à peine arrivés à Yapura, ils repensaient à cet enlèvement soudain et en direct. Incroyable !
– « Je revois encore cette scène surréaliste, dit Mehdi
– Moi aussi, s’exclama Tom, d’ailleurs qui est cette Mélanie appelée au secours par Naomie ?
– Mélanie et Isabelle, je crois, dit Léa, les deux jeunes filles luttant contre les sacs plastiques à Bali.
– Of course ! , dit Tom, Oh, regarde ce que je vois sur mon portable : un message vidéo de Naomie en compagnie de Mélanie ! »
Interloqués, les trois amis visionnèrent attentivement la vidéo essayant de détecter le moindre indice. Stupéfaction ! Medhi venait de découvrir un code : celui de l’adresse de Mélanie. Ils ne comprenaient ni la situation ni le traquenard dans lequel ils étaient tombés. Fallait-il se fier à Mélanie ?
Elle n’habitait pas très loin de l’aéroport bizarrement. Que faire ? Était-ce un piège ou un appel au secours ? Ils décidèrent de s’y rendre car ils n’avaient plus rien à perdre de toute façon. Mais avant d’affronter les dangers, ils voulaient manger car cela faisait un jour qu’ils avaient le ventre vide : ce qui les empêchait aussi de rester concentrés et lucides.
Nos trois gloutons restaurés, ils se mirent en marche tout en surveillant ce qui se passait autour d’eux ; ils n’étaient pas tranquilles mais il fallait sortir Naomie de ce guet-apens. Ils arrivèrent devant une maison de gardien, très austère, avec un toit en taule rouillée et une espèce de porte en bois. Ils toquèrent, une petite dame aux cheveux noirs leur ouvrit le sourire jusqu’aux oreilles et les fit entrer. Très accueillante, elle proposa du thé avec du Kueh Lapis fait maison à nos aventuriers. Alléchés par ce goûter, ils baissèrent la garde : attitude fatale ! Ni une ni deux : porte fermée à clé, envie soudaine de sommeil, poignets liés et trois silhouettes malveillantes face à eux ….le danger était là mais que faire ? Ils étaient neutralisés. A leur réveil, un espèce de hangar ou d’usine désaffectée devenait leur nouveau repaire. Difficile de se repérer dans ce lieu hostile mais Medhi, silencieux, essayait de se remémorer où il avait vu cet endroit. Cet endroit n’était pas inconnu : la vidéo avait été tournée là ! Un bruit… des chuchotements… une présence humaine… son esprit lui revenait et il pouvait discerner un peu plus loin Naomie, Mélanie ligotées et un peu plus loin une autre fille ; Tom et Léa encore comateux n’étaient d’aucun secours. Il tenta une approche pour rejoindre les filles. Quelle ne fut pas sa surprise de voir qu’il y avait aussi Isabelle ! Les deux jeunes filles font partie de l’ONG « Bye Bye Plastic Bags » qui lutte contre la prolifération des sacs plastiques à Bali ; action soutenue par le gouvernement Indonésien puisqu’il a voté une loi pour leur interdiction. Donc, les actions menées par nos prisonnières dérangent mais qui se cache derrière ces enlèvements ? En accord avec les filles, Medhi envoya un message codé à Daniel pour leur venir en aide et les sortir de cette usine désaffectée qui semblait pouvoir être utilisée pour contourner les lois du pays en faveur de l’environnement…
4/ Quiproquo à Bornéo
Tom et Léa étaient encore profondément endormis sous l’effet du sédatif contenu dans le Kueh Lapis. Mehdi se lamentait de ne pouvoir compter que sur lui-même dans ce hangar rouillé qui semblait être abandonné. L’air très humide saturé par une odeur de moisi lui soulevait le coeur. Il faisait tellement sombre qu’il avait du mal à percevoir ses amis allongés sur le sol. Inquiet, il essaya de les réveiller, en vain. Il commença en leur parlant, mais aucune réaction. Alors il leur donna des petites claques et leur aspergea le visage avec une bouteille d’eau laissée par leurs ravisseurs, ce qui les réveilla enfin. En se penchant un peu, il se prit les pieds dans un cordon au bout duquel se trouvait un badge. C’était celui de Naomie. Elle était donc là elle aussi ! Comme eux, elle avait dû être droguée. Où était-elle retenue prisonnière ? Il entendit un bref bip qui provenait d’un téléphone égaré. En un instant, il comprit que c’était leur seul échappatoire et s’empressa de le récupérer.
– Vu le niveau de la batterie, on ne peut envoyer qu’un seul message, murmura-t-il. Il y a un numéro écrit sur le badge, on peut toujours essayer.
Le hangar était une vraie fournaise. Le temps commençait à être long et Medhi décida d’explorer les lieux à la recherche d’une sortie, en attendant un hypothétique secours. Soudain, un bruit. Mehdi, stoppé dans son élan, prit peur. Les ravisseurs seraient-ils revenus ? Rien. Fausse alerte. Il se dirigea vers le fond de ce hangar : un amas de fûts rouillés, un bulldozer qui semble avoir déjà bien servi, une étroite fenêtre à plusieurs mètres de hauteur, en partie dissimulée par un entassement d’objets protégé de lourdes bâches.
Pendant ce temps, Daniel avait réussi à déchiffrer le message et compris qu’il était urgent d’intervenir. Il avait échafaudé un plan pour sortir les adolescents de cette usine désaffectée : grâce aux contacts de l’ONG sur l’île, il s’était procuré un plan précis. En l’étudiant, il avait repéré l’usine et remarqué qu’un conduit d’aération menait tout droit à l’extérieur du bâtiment.
Mehdi fit un pas en arrière : le grincement recommençait et semblait venir des bâches. Il en souleva une . Apeuré, un petit singe dans une minuscule cage, à peine plus grande que lui s’agitait en tous sens. Tom le rejoignit, s’approcha de la cage et libéra l’animal qui courut se cacher.
– C’est un bébé ourang-outan, s’exclama-t-il.
– Nous sommes dans un repaire de braconniers, conclut Léa, en découvrant les cages où somnolaient d’autres victimes des trafiquants.
Quant à Daniel, il n’avait pas perdu une minute et se dirigeait vers l’usine. D’abord, il fit le tour du bâtiment pour se repérer puis alla vers la bouche d’aération, escalada le mur, enleva la grille du conduit et s’y faufila. Au bout de ce tunnel, il distingua l’endroit où se trouvaient les trois amis, sous la surveillance de deux hommes.
Tom recula et s’aperçut que les cages entassées formeraient un parfait escalier vers la fenêtre. Léa se prépara à escalader la première la pile de cages. Au moment d’atteindre la fenêtre, la pile vacilla.
Attiré par le bruit, l’un des deux gardes resté à l’extérieur surgit dans l’entrepôt. Daniel fondit alors sur lui, l’assomma et se dissimula. À l’arrivée du second, Daniel bondit hors de sa cachette , lui donna un coup en pleine poitrine qui lui coupa le souffle. Il libéra ensuite les amis et tous les quatre sortirent du bâtiment.
D’un 4x4 imposant, venu de nulle part jaillirent alors des militaires hurlant « On the ground !
Now ! »
Le singe grimpa sur l’épaule de Mehdi.
MERVEILLES EN DANGER
MERVEILLES EN DANGER
Les cris des orangs-outans nous perçaient les oreilles . Des militaires s’approchèrent pour nous interroger :
– Que faites-vous ici ?
– Nous sommes venus de France dans le cadre d’une mission écologique , répondit Léa
– Ah, c’est vous qui avez participé à ces manifestations ?
– C’est exact, dit Tom.
– Et pourquoi vous trouvez-vous dans ce hangar ?
– Eh, bien nous cherchions à savoir pourquoi les orangs-outans sont capturés ou tués, dit Medhi
– Ils mangent les fruits sur les arbres et les villageois défendent leurs plantations ; d’autres sont mangés et certains jeunes deviennent des animaux de compagnie
– Bon je comprends mais maintenant, il faut partir à la recherche de Naomie , dit Tom
– Non , il faut d’abord s’occuper d’écologie et poursuivre nos visites . Naomie sait se débrouiller seule .
– Allons-y ! Quant à toi , petit Kinci , nos chemins se séparent ici... Dit Medhi , plus ému qu’il ne voulait le laisser paraître .
De retour à Jakarta , nous fûmes replongés dans l’agitation intense de la ville . Nous avions réservé un guide pour nous la faire découvrir . En milieu d’après-midi , nous sommes donc allés au Taman Mini Indonesia Indah qui est un parc de loisirs miniature . Ensuite , nous sommes allés replanter des arbres puis participer à un nettoyage des rues .
Après cette journée chargée nous sommes repartis au Borneo Hostel . Pour le dîner nous avons dégusté un plat local , le Mee Goreng composé de nouilles , de porc et de légumes , le tout relevé par une sauce pimentée . Un délice !
Le lendemain matin, notre guide nous réveilla pour aller visiter l’History Museum . Nous avons pris un train pour y aller et, une foi arrivés nous avons constaté que le musée était mal entretenu . Il était vieux et sale et il n’y avait que très peu d’informations intéressantes alors, nous avons décidé de nous en aller . Jakarta est une ancienne colonie néerlandaise, une ville agréable à visiter . Le pays possède cent langues différentes ! nous avons donc décidé de nous promener librement dans la ville et de manger un peu .
Le lendemain, lassée de l’agitation de la ville très polluée, Léa proposa d’aller faire une randonnée au mont Kinabalu qui atteint les 4095 mètres d’altitude . Nous nous sommes rendus à l’Office du Tourisme mais nous y avons appris que ça coûtait 200 euros et que l’expédition durait trois jours . Nous avons abandonné l’idée et préféré longer le fleuve Kinabatangar . Là nous avons pu observer toutes sortes d’animaux : des crocodiles , des éléphants , des orangs-outans et des civettes mais nous n’avons pas pu nous baigner car c’était interdit à cause de la pollution .
L’après-midi nous n’avons pas pu résister au plaisir de nous rendre sur l’île de Sipadan l’un des meilleurs spot de plongée du monde ! Après un déjeuner dans un restaurant typique sur la plage, nous avons plongé avec plaisir et avons pu observer un banc de barracudas, des tortues et des raies mantas . Dans ces eaux turquoises évoluaient des carauses magnifiques . Nous avons découvert un autre monde !
En sortant de l’eau, nous avons rencontré Aurélien brûlé, le fondateur de l’association Kalaweit ; il est très investi dans la protection des gibbons en Malaisie et il a particulièrement apprécié l’engagement de jeunes comme nous dans la protection de l’environnement . Discuter avec lui était passionnant mais Tom ne se sentait pas bien et nous avons dû rentrer .
Au petit matin Tom n’étant toujours pas levé, nous avons décidé d’aller le voir dans sa chambre . Il était pâle et fiévreux . Inquiets ( nous avions entendu parler de l’épidémie de Coronavirus en Asie ) nous avons décidé d’aller à l’hôpital . L’attente fut longue : deux heures et demie ! Mais Tom avait juste pris froid ; nous étions rassurés !
Très fatigués, nous avons décidé de nous pour le point . Léa commença :
– Après toutes nos aventures, laissées par nos parents, sont presque épuisées ; bientôt, nous n’aurons plus de quoi nous nourrir ni nous loger . je propose donc que nous rentrions en France.
– Nos économies sont certes épuisées, répondit Medhi plus enthousiaste, mais j’ai entendu dire qu’au Japon il y avait des associations pour les gens comme nous . Je dirai donc qu’aller au Japon est la meilleure solution. Notre ami Pierre Ducrozet s’y trouve avec sa femme ; ils pourront nous aider .
– Je pense que cette aventure très enrichissante peut se poursuivre . J’opte donc pour l’idée de Medhi d’aller au Japon où nous retrouverons Pierre . Nous verrons bien ce que nous ferons là-bas, trancha Tom .
Ils prirent donc le premier bateau pour le Japon.