Histoire 7

Prologue

La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.

Histoire 7
Pierre Ducrozet

Le grand départ

2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
 J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
 Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.

Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
 Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
 Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
 Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.

Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.

 T’es folle, Léa, dit Tom.
 Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
 Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
 Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
 On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
 Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.

Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
 C’est bon les gars, dit-il.
 Quoi, demande Mehdi.
 On part en Indonésie.
 Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
 Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
 On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
 Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?

Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.

Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !

Histoire 7
Collège Laurent Mourguet

2/ Pour quelques pots de Nutella de plus

 Il faut qu’ont retrouve Naomi au plus vite ! crie Mehdi rompant le silence qui enveloppe tous les passagers endormis.
- Chut ! Crie pas débile !!! On vient jusqu’ici pour ça !
- Ouais, t’es bête, constate Tom.
Mehdi met sa capuche, boude et se demande pourquoi il a des amis comme ces deux-là.
Après plus de 15 heures, exactement plus de 900 minutes, de vol, ils arrivent enfin ! Les trois adolescents sont encore tout endormis quand l’accompagnateur de l’ONG Youth for future, qui a financé leur vol, leur annonce que ce voyage exténuant a pris fin.
Apres avoir récupéré leurs affaires, Mehdi, Léa et Tom décident d’aller manger un morceau dans un stand qui fait des plats typiques de la région, comme le Soto, sorte de potage accompagné de pousses de soja et de viande émincée que Léa s’empresse de commander d’un air gourmand.
Puis ils se dirigent vers un car en piteux état pour rejoindre l’hôtel dans lequel Tom et Mehdi ont décidé de se reposer. Mais Léa les rappelle à l’ordre :
 Levez-vous, on est venu pour chercher Naomi, et puis vous avez déjà dormi dans l’avion ! D’après son dernier message, elle devrait se trouver vers la forêt de Sumatra, explique-t-elle, en ouvrant son sac pour prendre son téléphone, je vais lui envoyer un dernier message...
Les deux garçons râlent mais finissent par se lever et, en récupérant leurs affaires, attendent patiemment la réponse de Naomi ... 1, 5, 10, 15 minutes, rien. Les adolescents décident de se rendre sur les lieux...
Tom, Léa et Mehdi contemplent les montagnes recouvertes de forêts qui s’étendent devant eux et les oiseaux qui volent au loin. Sur le chemin, le paysage d’une Indonésie cendrée leur apparaît, le décor témoigne d’un incendie récent. Leur accompagnateur, voyant qu’ils fixent tous cet endroit meurtri, leur lance sans les regarder :
 Des feux illégaux sont déclenchés pour nettoyer les forêts déjà défrichées pour ensuite les transformer en terres agricoles. C’est fréquent ici. Des organisations clandestines veulent planter des palmiers pour vendre de l’huile, tout ça sans perdre de temps, alors le seul moyen qu’ils trouvent, c’est de tout brûler.
– Il faut que l’on ait un rendez-vous avec le Président de la république, s’enflamme Medhi.
– Oui c’est vrai c’est une bonne idée mais comment ?! demande Léa.
– Il faut lui faire une lettre bien écrit sans fautes sinon il ne nous prendras pas au sérieux et notre projet ne sera pas accepté... déclare Tom.
Léa s’exclame, révoltée :
 Bon écoutez tout le monde, il faut aller dans les palmeraies afin d’arrêter tout ça ! On n’a qu’à empêcher les bulldozers de poursuivre leur destruction en se mettant devant les arbres. Ce sera notre opération pour le climat ! Les bulldozer s’arrêteront, les conducteurs appelleront leurs patrons, !es négociations auront enfin lieu… Ce sera plus efficace qu’une lettre, non ?
 Oui, mais il faut d’abord trouver Naomi ! l’interrompt Medhi.
Les trois collégiens accompagnés du membre de l’ONG se dirigent vers la forêt, à la recherche de leur amie, mais à la place, ils découvrent une forêt dévastée par différents camps illégaux surveillés par des gardes armées. L’angoisse commence alors à gagner le groupe, différentes questions assaillent leurs esprits : et si Naomi avait été capturée, ou pire encore...
Ils ont tellement peur qu’ils se jettent au-devant des Indonésiens, qu’ils croisent sur le chemin en faisant de grands gestes, qui leur lancent à toute allure :
 Tetap di belakang kami, kami melindungi Anda
Léa les coupe :
 We don’t speak indonesian, you speak french or english ?
 Oui nous parlons français, mais une question que faites-vous ici ?
 Nous sommes à la recherche de notre amie Naomi.
C’est alors que Tom remarque une petite entrée dans l’un des camp, et dans un élan de courage, il explique à ses amis et à l’accompagnateur :
 Vous savez quoi ? Je vais y aller et vérifier si elle n’est pas là-bas.
 Tu es fou ! lui lance Léa en baissant la voix, regarde tous ces gens armés ! Tu risques de te faire capturer toi aussi, pour quelque chose dont on n’est même pas sûr...
 Elle a raison Tom, acquiesce l’accompagnateur, mieux vaut rentrer à l’hôtel et en parler avec notre ONG.
 D’accord, allons-y, répond Tom tout en tirant derrière lui Mehdi, scotché au triste spectacle des troncs calcinés.
Le groupe reprend alors le chemin inverse, mais Tom, se retournant encore tout en suivant ses amis, ouvre la bouche, comme s’il voulait dire quelque chose... Les mots sortent alors : “Et si personne ne le fait, qui va le faire ?” Il se met à courir vers l’entrée improvisée. Et ce qu’il découvre le laisse bouche-bée : sur un rayon de un à trois kilomètres, des centaines de trous témoignent d’une déforestation récente, contrastant avec la forêt luxuriante à l’arrière. Mais surtout, il distingue la silhouette d’une femme, qui lui semble familière.

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Collège Laurent Mourguet

3/La fin du combat ?

Au fur et à mesure que la femme se rapproche, son visage se précise, malgré la fumée qui brûle les yeux et brouille la vue. Elle dit être Malika de Youth for Future, qui lui a fait visiter le camp de l’ONG. Soulagé, il court vers elle.
 Où sont les autres ?
 Ils ne doivent pas être loin, sûrement au campement. Je peux tous vous y emmener si vous voulez.
Ils la suivent sans crainte. Fermant la marche, Léa sort son téléphone portable, vérifie l’état de la batterie et prend discrètement plusieurs photos de ceux qui tronçonnent les arbres. Elle zoome pour qu’on puisse voir leur visage.
Quelques instants plus tard, les amis s’installent dans la voiture de leur bienfaitrice, contents de cette rencontre qui leur permettra sûrement de retrouver le groupe. Seul Mehdi est méfiant. Ça lui paraît bizarre que comme par enchantement cette personne surgisse de nulle part en leur disant les connaître.
En voiture, les minutes passent puis la jeune femme quitte la piste ; Tom et Léa qui n’ont pas voulu écouter Mehdi sont inquiets. L’angoisse atteint son paroxysme au moment où ils se rendent compte que les portières de la voiture sont verrouillées. La ravisseuse se gare devant un hangar. Ils voient, impuissants, des hommes en sortir, s’avancer vers eux, échanger un mot avec la conductrice et ouvrir les portières. Ils sont sortis de force et poussés dans le hangar, encerclés par une dizaine de braconniers.
 Pergi, jangan pernah kembali.
À l’intonation, ils comprennent qu’ils sont en danger.
Le leader se met à l’écart pour téléphoner.
- Que faites-vous là ? demande-t-il en anglais
 Nous sommes venus pour défendre la nature grâce à une association, articule Léa.
 Laissez-nous tranquilles, laissez-nous vivre ! Pour vivre, il faut de l’argent et la forêt, c’est de l’argent. 
 Et qu’en ferez-vous sur une planète inhabitable ? rétorque Tom
On entend le moteur d’une voiture se rapprocher du hangar puis s’arrêter. Et en un temps record les amis sont emmenés par quelqu’un qui doit être un autre membre du groupe des ravisseurs. Léa se rend compte qu’il y a déjà un otage dans ce véhicule :
 Qu’est-ce que vous faites là ? chuchote l’inconnue .
 Qui es-tu ? On a été enlevés par ces malades, tu sais qui ils sont ?
 Je m’appelle Rose et je viens du Cameroun où nous avons une équipe qui contribue à la reforestation, répond calmement la jeune femme. Je suis venue pour convaincre la population d’ici de participer à des campagnes de reboisement. Ces pauvres gens n’ont pas conscience de l’état alarmant de leur forêt, ne se rendent pas compte de la gravité de la situation et des conséquences pour les générations futures. Les feux ne cessent de s’amplifier. On brûle les arbres pour les remplacer par des palmiers. Nous devons tous lutter contre ce fléau qui modifie le climat et expliquer que l’agriculture et la forêt peuvent fonctionner ensemble. Mais c’est dangereux car nous devons affronter les producteurs d’huile de palme qui n’aiment pas nos actions. Voyez ce qui se passe en Amazonie ! Les différents moyens de sensibilisation et les projets proposés, c’est vraiment très mauvais pour leurs affaires !
 Mais qu’est-ce qu’ils vont faire de nous maintenant ? se lamente Mehdi.
 À mon avis, étant donné que vous êtes mineurs, ils vont vous confier à la police locale. Quant à moi...
À cet instant, la voiture s’arrête devant l’aéroport où leur avion avait atterri quelques jours auparavant. Les adolescents sont dans l’incompréhension. Serait-ce la fin du combat pour eux ?

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Collège Jean Macé

4/ Enlevés et sauvés

Les amis, pieds et poings liés et à moitié inconscients, sentirent des secousses parcourir leur corps, ce qui les réveilla. C’étaient les ravisseurs qui essayaient sans ménagement de les faire descendre du camion. Malgré leur corps endolori, ils sortirent péniblement du véhicule et se figèrent devant le spectacle qui s’offrait à eux.
Au loin, une chaîne humaine de quelques centaines de personnes bloquait l’entrée de l’aéroport ; à leurs côtés une dizaine d’organisateurs brandissaient des pancartes : « Non à la déforestation », « Les enfants sont innocents » tout en criant leur colère. Légèrement en retrait, se tenaient des journalistes qui photographiaient et filmaient la scène surréaliste qui se déroulait sous leurs yeux.
Une poussée dans le dos des adolescents les ramena à la réalité. Les kidnappeurs voulaient les emmener discrètement dans un endroit où ils pourraient rentrer dans l’aéroport. Ils avaient réussi à se garer loin de la manifestation. Les amis, ayant retrouvé leurs esprits se regardèrent et décidèrent d’une seule voix d’agir. Ils se débattirent, crièrent, frappèrent leurs tortionnaires et essayèrent de s’enfuir mais ils furent rattrapés
- Bordel, restez tranquilles, rugit l’un des ravisseurs.
Mais il était déjà trop tard, les adolescents avaient réussi leur coup : les manifestants et les journalistes alertés par le bruit, se tournèrent vers eux. Les reporters les reconnaissant, commencèrent à filmer et les manifestants à crier leur mécontentement. Ils se frayèrent un chemin parmi la foule qui avait grossi et parvinrent à leur niveau. Tom, Léa et Mehdi fous de joie les suivirent et laissèrent leurs ravisseurs interloqués.
Ils se retrouvèrent au milieu du cortège et un dirigeant, membre de l’ONG fit un discours qui fut retransmis dans les médias :
-Non à tout cela ! Non à la violence ! Non à la déforestation. Alors que Jakarta est en danger à cause de la pollution, que nous connaissons le risque et l’urgence du réchauffement climatique, que nous n’ignorons pas les conséquences sur les animaux et sur la végétation, nous devons empêcher coûte que coûte la production de l’huile de palme. C’est maintenant que nous devons réagir pour protéger notre planète et les générations futures. Nous devons combattre et résister de façon pacifique. Ne répondons pas à la violence par la violence.

Histoire 7
Pierre Ducrozet

5/ Rentrer

Le discours s’est achevé, tout le monde a applaudi. Les quatre amis se tiennent la main. Ils se détendent enfin, le pire est derrière eux. Mehdi prend Tom dans ses bras. Quand alors :
 Regardez, là-bas, souffle sèchement Léa aux trois autres.
Ils tournent leurs visages vers la droite. Une masse de militaires se rapproche de la foule. Ils sont juste derrière les journalistes à présent, qui se sont groupés autour des manifestants pour couvrir l’événement.
Tom regarde Mehdi, qui regarde Naomi, qui regarde Léa ; pas la peine de se parler, on est tous d’accord. Ils marchent vers le côté gauche de la foule. Là, ils montent dans la première voiture qu’ils trouvent :
 Roulez, vite !
Le chauffeur, qui s’appelle Salemat, se met en route – vers Médan ? Pas de problème. Il slalome entre les obstacles pendant trois heures, évitant les scooters en contre-sens, les motos avec enfant derrière et devant, les charrettes, les voitures japonaises et amochées. Ils arrivent enfin à l’aéroport. Les amis sortent de la voiture, mais ce qu’ils voient devant eux les refroidit immédiatement : une nouvelle rangée de militaires armés est postée devant l’entrée.
 Ils sont là pour nous ? demande Tom.
 C’est possible, dit Naomi.
 En tout cas, on peut pas prendre le risque, dit Léa.
Ils expliquent la situation à Salemat. Qui commence à rire, à rire. Naomi le dévisage.
 J’ai peut-être une solution, dit-il finalement en reprenant ses esprits. Attachez votre ceinture.
Ils traversent l’aéroport dans l’autre sens, arrivent devant une petite piste de décollage isolée. Un homme sort de l’entrepôt, bonnet d’aviateur en cuir sur le crâne, à l’ancienne.
 Mon ami Ilham, dit Salemat. C’est un très bon aviateur. Amateur.
 Ah, dit Mehdi.
Les deux hommes discutent un moment. Naomi a beau trouver joli le bahasa, la langue d’Indonésie, elle n’en comprend pas le moindre mot.
 Vous allez où ? dit le pilote en s’approchant.
 A Djakarta, puis à Paris.
 Ah ça, c’est pas possible. Mais on peut traverser le détroit de Malacca jusqu’à Kuala Lumpur. Et de là, vous prenez un avion pour l’Europe. Ça va être un peu serré à l’intérieur, mais ça devrait aller.
 Non moi je monte pas là-dedans, dit Tom devant la minuscule carlingue.
Les amis se regardent. L’aventure, c’est l’aventure : ils embarquent dans le petit avion.
Pour être serré, ça l’est. Les amis se cramponnent les uns aux autres. Tom a le vertige, il ferme les yeux. Léa attrape sa main – ça va aller.
L’avion s’élance et décolle dans un immense fracas. Aaaaargh ! Ils sont en l’air. Dans un cockpit comme celui-ci, on sent absolument tout, la froideur de l’air, les secousses, les nuages qu’on traverse.
C’est incroyable, pense Naomi en regardant autour d’elle. C’est beaucoup trop, pense Tom, les yeux fermés. Tout tremble. Ils survolent la mer, le détroit de Malacca. Ils crient et sourient.
Mehdi voit apparaître de l’autre côté du bleu une bande de terre.
 La Malaisie ! crie Ilham.
Ils commencent lentement à descendre, et alors il vaut mieux pas se pencher sur les côtés, car ça secoue drôlement de partout.
Tom tient si fort la main de Léa que ça lui fait mal.
Après vingt minutes d’une descente à pic, ils atterrissent sur une petite piste de l’aéroport de Kuala Lumpur. Ilham sort pour aller s’expliquer avec les autorités. La conversation est tendue, mais au bout d’un moment, il appelle les quatre amis pour qu’ils présentent leurs passeports au douanier. Lequel les regarde, les passe dans la machine. Qui bipe. Ok, vous pouvez passer, mais c’est la dernière fois, dit-il au pilote.
 Merci, merci infiniment, disent les amis à Ilham, qui s’éloigne en les saluant de la main – à bientôt !
Les quatre adolescents courent dans les allées de l’aéroport. On y est arrivés ! Ils esquissent un pas de danse. Quelques heures plus tard, ils sont assis dans un avion de KLM pour Paris, des boissons fraîches à la main. Tom s’allonge sur le siège, il peut enfin souffler. Et toi Naomi, tu vas faire quoi maintenant ? demande Mehdi. Tu viens avec nous à Lyon ? Oui, pourquoi pas… Je connais pas, vous me montrerez, dit-elle dans un sourire à Mehdi. Génial ! L’avion survole à présent l’Inde. Naomi prend la main de Mehdi, qui avalerait le monde s’il pouvait. Il fait frais dans les allées de ce long-courrier. Léa se lève et retient un cri. Il est minuit.

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Pierre Ducrozet

Le grand départ

2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
 J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
 Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.

Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
 Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
 Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
 Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.

Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.

 T’es folle, Léa, dit Tom.
 Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
 Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
 Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
 On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
 Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.

Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
 C’est bon les gars, dit-il.
 Quoi, demande Mehdi.
 On part en Indonésie.
 Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
 Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
 On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
 Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?

Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.

Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !

Histoire 7
Collège Laurent Mourguet

2/ Pour quelques pots de Nutella de plus

 Il faut qu’ont retrouve Naomi au plus vite ! crie Mehdi rompant le silence qui enveloppe tous les passagers endormis.
- Chut ! Crie pas débile !!! On vient jusqu’ici pour ça !
- Ouais, t’es bête, constate Tom.
Mehdi met sa capuche, boude et se demande pourquoi il a des amis comme ces deux-là.
Après plus de 15 heures, exactement plus de 900 minutes, de vol, ils arrivent enfin ! Les trois adolescents sont encore tout endormis quand l’accompagnateur de l’ONG Youth for future, qui a financé leur vol, leur annonce que ce voyage exténuant a pris fin.
Apres avoir récupéré leurs affaires, Mehdi, Léa et Tom décident d’aller manger un morceau dans un stand qui fait des plats typiques de la région, comme le Soto, sorte de potage accompagné de pousses de soja et de viande émincée que Léa s’empresse de commander d’un air gourmand.
Puis ils se dirigent vers un car en piteux état pour rejoindre l’hôtel dans lequel Tom et Mehdi ont décidé de se reposer. Mais Léa les rappelle à l’ordre :
 Levez-vous, on est venu pour chercher Naomi, et puis vous avez déjà dormi dans l’avion ! D’après son dernier message, elle devrait se trouver vers la forêt de Sumatra, explique-t-elle, en ouvrant son sac pour prendre son téléphone, je vais lui envoyer un dernier message...
Les deux garçons râlent mais finissent par se lever et, en récupérant leurs affaires, attendent patiemment la réponse de Naomi ... 1, 5, 10, 15 minutes, rien. Les adolescents décident de se rendre sur les lieux...
Tom, Léa et Mehdi contemplent les montagnes recouvertes de forêts qui s’étendent devant eux et les oiseaux qui volent au loin. Sur le chemin, le paysage d’une Indonésie cendrée leur apparaît, le décor témoigne d’un incendie récent. Leur accompagnateur, voyant qu’ils fixent tous cet endroit meurtri, leur lance sans les regarder :
 Des feux illégaux sont déclenchés pour nettoyer les forêts déjà défrichées pour ensuite les transformer en terres agricoles. C’est fréquent ici. Des organisations clandestines veulent planter des palmiers pour vendre de l’huile, tout ça sans perdre de temps, alors le seul moyen qu’ils trouvent, c’est de tout brûler.
– Il faut que l’on ait un rendez-vous avec le Président de la république, s’enflamme Medhi.
– Oui c’est vrai c’est une bonne idée mais comment ?! demande Léa.
– Il faut lui faire une lettre bien écrit sans fautes sinon il ne nous prendras pas au sérieux et notre projet ne sera pas accepté... déclare Tom.
Léa s’exclame, révoltée :
 Bon écoutez tout le monde, il faut aller dans les palmeraies afin d’arrêter tout ça ! On n’a qu’à empêcher les bulldozers de poursuivre leur destruction en se mettant devant les arbres. Ce sera notre opération pour le climat ! Les bulldozer s’arrêteront, les conducteurs appelleront leurs patrons, !es négociations auront enfin lieu… Ce sera plus efficace qu’une lettre, non ?
 Oui, mais il faut d’abord trouver Naomi ! l’interrompt Medhi.
Les trois collégiens accompagnés du membre de l’ONG se dirigent vers la forêt, à la recherche de leur amie, mais à la place, ils découvrent une forêt dévastée par différents camps illégaux surveillés par des gardes armées. L’angoisse commence alors à gagner le groupe, différentes questions assaillent leurs esprits : et si Naomi avait été capturée, ou pire encore...
Ils ont tellement peur qu’ils se jettent au-devant des Indonésiens, qu’ils croisent sur le chemin en faisant de grands gestes, qui leur lancent à toute allure :
 Tetap di belakang kami, kami melindungi Anda
Léa les coupe :
 We don’t speak indonesian, you speak french or english ?
 Oui nous parlons français, mais une question que faites-vous ici ?
 Nous sommes à la recherche de notre amie Naomi.
C’est alors que Tom remarque une petite entrée dans l’un des camp, et dans un élan de courage, il explique à ses amis et à l’accompagnateur :
 Vous savez quoi ? Je vais y aller et vérifier si elle n’est pas là-bas.
 Tu es fou ! lui lance Léa en baissant la voix, regarde tous ces gens armés ! Tu risques de te faire capturer toi aussi, pour quelque chose dont on n’est même pas sûr...
 Elle a raison Tom, acquiesce l’accompagnateur, mieux vaut rentrer à l’hôtel et en parler avec notre ONG.
 D’accord, allons-y, répond Tom tout en tirant derrière lui Mehdi, scotché au triste spectacle des troncs calcinés.
Le groupe reprend alors le chemin inverse, mais Tom, se retournant encore tout en suivant ses amis, ouvre la bouche, comme s’il voulait dire quelque chose... Les mots sortent alors : “Et si personne ne le fait, qui va le faire ?” Il se met à courir vers l’entrée improvisée. Et ce qu’il découvre le laisse bouche-bée : sur un rayon de un à trois kilomètres, des centaines de trous témoignent d’une déforestation récente, contrastant avec la forêt luxuriante à l’arrière. Mais surtout, il distingue la silhouette d’une femme, qui lui semble familière.

Histoire 7
Collège Laurent Mourguet

3/La fin du combat ?

Au fur et à mesure que la femme se rapproche, son visage se précise, malgré la fumée qui brûle les yeux et brouille la vue. Elle dit être Malika de Youth for Future, qui lui a fait visiter le camp de l’ONG. Soulagé, il court vers elle.
 Où sont les autres ?
 Ils ne doivent pas être loin, sûrement au campement. Je peux tous vous y emmener si vous voulez.
Ils la suivent sans crainte. Fermant la marche, Léa sort son téléphone portable, vérifie l’état de la batterie et prend discrètement plusieurs photos de ceux qui tronçonnent les arbres. Elle zoome pour qu’on puisse voir leur visage.
Quelques instants plus tard, les amis s’installent dans la voiture de leur bienfaitrice, contents de cette rencontre qui leur permettra sûrement de retrouver le groupe. Seul Mehdi est méfiant. Ça lui paraît bizarre que comme par enchantement cette personne surgisse de nulle part en leur disant les connaître.
En voiture, les minutes passent puis la jeune femme quitte la piste ; Tom et Léa qui n’ont pas voulu écouter Mehdi sont inquiets. L’angoisse atteint son paroxysme au moment où ils se rendent compte que les portières de la voiture sont verrouillées. La ravisseuse se gare devant un hangar. Ils voient, impuissants, des hommes en sortir, s’avancer vers eux, échanger un mot avec la conductrice et ouvrir les portières. Ils sont sortis de force et poussés dans le hangar, encerclés par une dizaine de braconniers.
 Pergi, jangan pernah kembali.
À l’intonation, ils comprennent qu’ils sont en danger.
Le leader se met à l’écart pour téléphoner.
- Que faites-vous là ? demande-t-il en anglais
 Nous sommes venus pour défendre la nature grâce à une association, articule Léa.
 Laissez-nous tranquilles, laissez-nous vivre ! Pour vivre, il faut de l’argent et la forêt, c’est de l’argent. 
 Et qu’en ferez-vous sur une planète inhabitable ? rétorque Tom
On entend le moteur d’une voiture se rapprocher du hangar puis s’arrêter. Et en un temps record les amis sont emmenés par quelqu’un qui doit être un autre membre du groupe des ravisseurs. Léa se rend compte qu’il y a déjà un otage dans ce véhicule :
 Qu’est-ce que vous faites là ? chuchote l’inconnue .
 Qui es-tu ? On a été enlevés par ces malades, tu sais qui ils sont ?
 Je m’appelle Rose et je viens du Cameroun où nous avons une équipe qui contribue à la reforestation, répond calmement la jeune femme. Je suis venue pour convaincre la population d’ici de participer à des campagnes de reboisement. Ces pauvres gens n’ont pas conscience de l’état alarmant de leur forêt, ne se rendent pas compte de la gravité de la situation et des conséquences pour les générations futures. Les feux ne cessent de s’amplifier. On brûle les arbres pour les remplacer par des palmiers. Nous devons tous lutter contre ce fléau qui modifie le climat et expliquer que l’agriculture et la forêt peuvent fonctionner ensemble. Mais c’est dangereux car nous devons affronter les producteurs d’huile de palme qui n’aiment pas nos actions. Voyez ce qui se passe en Amazonie ! Les différents moyens de sensibilisation et les projets proposés, c’est vraiment très mauvais pour leurs affaires !
 Mais qu’est-ce qu’ils vont faire de nous maintenant ? se lamente Mehdi.
 À mon avis, étant donné que vous êtes mineurs, ils vont vous confier à la police locale. Quant à moi...
À cet instant, la voiture s’arrête devant l’aéroport où leur avion avait atterri quelques jours auparavant. Les adolescents sont dans l’incompréhension. Serait-ce la fin du combat pour eux ?

Histoire 7
Collège Jean Macé

4/ Enlevés et sauvés

Les amis, pieds et poings liés et à moitié inconscients, sentirent des secousses parcourir leur corps, ce qui les réveilla. C’étaient les ravisseurs qui essayaient sans ménagement de les faire descendre du camion. Malgré leur corps endolori, ils sortirent péniblement du véhicule et se figèrent devant le spectacle qui s’offrait à eux.
Au loin, une chaîne humaine de quelques centaines de personnes bloquait l’entrée de l’aéroport ; à leurs côtés une dizaine d’organisateurs brandissaient des pancartes : « Non à la déforestation », « Les enfants sont innocents » tout en criant leur colère. Légèrement en retrait, se tenaient des journalistes qui photographiaient et filmaient la scène surréaliste qui se déroulait sous leurs yeux.
Une poussée dans le dos des adolescents les ramena à la réalité. Les kidnappeurs voulaient les emmener discrètement dans un endroit où ils pourraient rentrer dans l’aéroport. Ils avaient réussi à se garer loin de la manifestation. Les amis, ayant retrouvé leurs esprits se regardèrent et décidèrent d’une seule voix d’agir. Ils se débattirent, crièrent, frappèrent leurs tortionnaires et essayèrent de s’enfuir mais ils furent rattrapés
- Bordel, restez tranquilles, rugit l’un des ravisseurs.
Mais il était déjà trop tard, les adolescents avaient réussi leur coup : les manifestants et les journalistes alertés par le bruit, se tournèrent vers eux. Les reporters les reconnaissant, commencèrent à filmer et les manifestants à crier leur mécontentement. Ils se frayèrent un chemin parmi la foule qui avait grossi et parvinrent à leur niveau. Tom, Léa et Mehdi fous de joie les suivirent et laissèrent leurs ravisseurs interloqués.
Ils se retrouvèrent au milieu du cortège et un dirigeant, membre de l’ONG fit un discours qui fut retransmis dans les médias :
-Non à tout cela ! Non à la violence ! Non à la déforestation. Alors que Jakarta est en danger à cause de la pollution, que nous connaissons le risque et l’urgence du réchauffement climatique, que nous n’ignorons pas les conséquences sur les animaux et sur la végétation, nous devons empêcher coûte que coûte la production de l’huile de palme. C’est maintenant que nous devons réagir pour protéger notre planète et les générations futures. Nous devons combattre et résister de façon pacifique. Ne répondons pas à la violence par la violence.

Histoire 7
Pierre Ducrozet

5/ Rentrer

Le discours s’est achevé, tout le monde a applaudi. Les quatre amis se tiennent la main. Ils se détendent enfin, le pire est derrière eux. Mehdi prend Tom dans ses bras. Quand alors :
 Regardez, là-bas, souffle sèchement Léa aux trois autres.
Ils tournent leurs visages vers la droite. Une masse de militaires se rapproche de la foule. Ils sont juste derrière les journalistes à présent, qui se sont groupés autour des manifestants pour couvrir l’événement.
Tom regarde Mehdi, qui regarde Naomi, qui regarde Léa ; pas la peine de se parler, on est tous d’accord. Ils marchent vers le côté gauche de la foule. Là, ils montent dans la première voiture qu’ils trouvent :
 Roulez, vite !
Le chauffeur, qui s’appelle Salemat, se met en route – vers Médan ? Pas de problème. Il slalome entre les obstacles pendant trois heures, évitant les scooters en contre-sens, les motos avec enfant derrière et devant, les charrettes, les voitures japonaises et amochées. Ils arrivent enfin à l’aéroport. Les amis sortent de la voiture, mais ce qu’ils voient devant eux les refroidit immédiatement : une nouvelle rangée de militaires armés est postée devant l’entrée.
 Ils sont là pour nous ? demande Tom.
 C’est possible, dit Naomi.
 En tout cas, on peut pas prendre le risque, dit Léa.
Ils expliquent la situation à Salemat. Qui commence à rire, à rire. Naomi le dévisage.
 J’ai peut-être une solution, dit-il finalement en reprenant ses esprits. Attachez votre ceinture.
Ils traversent l’aéroport dans l’autre sens, arrivent devant une petite piste de décollage isolée. Un homme sort de l’entrepôt, bonnet d’aviateur en cuir sur le crâne, à l’ancienne.
 Mon ami Ilham, dit Salemat. C’est un très bon aviateur. Amateur.
 Ah, dit Mehdi.
Les deux hommes discutent un moment. Naomi a beau trouver joli le bahasa, la langue d’Indonésie, elle n’en comprend pas le moindre mot.
 Vous allez où ? dit le pilote en s’approchant.
 A Djakarta, puis à Paris.
 Ah ça, c’est pas possible. Mais on peut traverser le détroit de Malacca jusqu’à Kuala Lumpur. Et de là, vous prenez un avion pour l’Europe. Ça va être un peu serré à l’intérieur, mais ça devrait aller.
 Non moi je monte pas là-dedans, dit Tom devant la minuscule carlingue.
Les amis se regardent. L’aventure, c’est l’aventure : ils embarquent dans le petit avion.
Pour être serré, ça l’est. Les amis se cramponnent les uns aux autres. Tom a le vertige, il ferme les yeux. Léa attrape sa main – ça va aller.
L’avion s’élance et décolle dans un immense fracas. Aaaaargh ! Ils sont en l’air. Dans un cockpit comme celui-ci, on sent absolument tout, la froideur de l’air, les secousses, les nuages qu’on traverse.
C’est incroyable, pense Naomi en regardant autour d’elle. C’est beaucoup trop, pense Tom, les yeux fermés. Tout tremble. Ils survolent la mer, le détroit de Malacca. Ils crient et sourient.
Mehdi voit apparaître de l’autre côté du bleu une bande de terre.
 La Malaisie ! crie Ilham.
Ils commencent lentement à descendre, et alors il vaut mieux pas se pencher sur les côtés, car ça secoue drôlement de partout.
Tom tient si fort la main de Léa que ça lui fait mal.
Après vingt minutes d’une descente à pic, ils atterrissent sur une petite piste de l’aéroport de Kuala Lumpur. Ilham sort pour aller s’expliquer avec les autorités. La conversation est tendue, mais au bout d’un moment, il appelle les quatre amis pour qu’ils présentent leurs passeports au douanier. Lequel les regarde, les passe dans la machine. Qui bipe. Ok, vous pouvez passer, mais c’est la dernière fois, dit-il au pilote.
 Merci, merci infiniment, disent les amis à Ilham, qui s’éloigne en les saluant de la main – à bientôt !
Les quatre adolescents courent dans les allées de l’aéroport. On y est arrivés ! Ils esquissent un pas de danse. Quelques heures plus tard, ils sont assis dans un avion de KLM pour Paris, des boissons fraîches à la main. Tom s’allonge sur le siège, il peut enfin souffler. Et toi Naomi, tu vas faire quoi maintenant ? demande Mehdi. Tu viens avec nous à Lyon ? Oui, pourquoi pas… Je connais pas, vous me montrerez, dit-elle dans un sourire à Mehdi. Génial ! L’avion survole à présent l’Inde. Naomi prend la main de Mehdi, qui avalerait le monde s’il pouvait. Il fait frais dans les allées de ce long-courrier. Léa se lève et retient un cri. Il est minuit.