Prologue
La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
2/Rencontre en terre inconnue...
Tom et Léa regardaient par le hublot. Lorsque l’avion entamât sa descente, ils traversèrent une mer de nuages blanche, puis commencèrent à apercevoir l’océan, et toutes les îles d’Indonésie. Quand soudain, quelque chose attira leur regard : une épaisse fumée noire recouvrait en partie ce paysage paradisiaque.
« -Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Mehdi, surpris par leur air inquiet.
« -Regarde...des hectares de forêt partent en fumée. On ne pouvait pas laisser Naomi se battre seule contre ce fléau. »
Quelques secondes plus tard, le voyant demandant de raccrocher sa ceinture clignota. Puis, l’avion se posa sur la piste de l’aéroport de Jakarta ; les passagers descendirent.
« -Ouah !, dit Tom en s’étirant, j’ai cru que je ne pourrai plus jamais me servir de mes jambes !
– Pareil, renchérit Mehdi.
– Bon, on a deux heures à tuer avant de prendre notre correspondance pour Sumatra...On a le temps de se dégourdir les jambes dans le terminal, je vais demander à Daniel si on peut aller se balader un peu, dit Léa. »
Les trois amis s’approchèrent de Daniel, leur accompagnateur. Celui-ci les autorisa à aller marcher un peu, mais en leur recommandant de ne pas trop s’éloigner, et il leur donna rendez-vous une demi-heure plus tard, sous le panneau des départs.
Léa, Mehdi et Tom admirèrent la magnifique architecture de l’aéroport, dont le plafond de verre était soutenu par de splendides arches de bois. En voyant cette structure, tous les trois ne purent s’empêcher de penser aux forêts qui disparaissaient, en Amazonie comme en Indonésie.
Ils croisèrent quelques indonésiens en habits traditionnels aux couleurs vives, qui contrastaient avec les costumes sombres des hommes d’affaires.
Tout à coup, Mehdi demanda aux deux autres : « Euh, vous savez quelle heure il est, ça fait un moment qu’on marche… ? »
Tom regarda sa montre et confirma qu’il ne restait que deux minutes pour rejoindre Daniel. Ils se mirent à courir à travers le terminal et s’aperçurent vite qu’ils étaient perdus. Ils regardaient de tous côtés pour tenter de retrouver leur chemin, lorsqu’un homme, dans la trentaine, s’approcha d’eux.
« Bonjour, dit-il en souriant, Léa, Tom et Mehdi, je suppose ? »
Il parlait français mais il avait un fort accent américain et ne faisait rien pour le cacher. Il avait des cheveux blonds qui lui tombaient en cascade sur les épaules. Il avait les yeux gris clair et un début de barbe poussait sur son menton. Il portait une sacoche noire en bandoulière.
« Je suis un ami de Naomi, vous pouvez m’appeler John. Moi aussi je fais partie de l’organisation « Youth for the future ». Suivez-moi, mais restez discret, nous n’avons pas que des amis dans ce pays...
– Non, répondit Léa d’un hochement de tête, ce n’est pas ce qui était prévu, nous devions partir avec Daniel pour rejoindre Naomi et combattre à ses côtés…
– Justement, Daniel a eu des problèmes avec les autorités, c’est lui qui m’a demandé de venir vous chercher. Il y a un changement de programme, on va rejoindre Sumatra en bateau. »
Les trois amis se questionnèrent du regard, puis Tom pris la parole, rassuré par le logo « Youth for the future » qu’il avait remarqué sur la sacoche de John : « On veut bien vous croire, que devons-nous faire ? »
« - Suivez-moi, un ami nous attend dehors. »
Ils sortirent de l’aéroport et furent surpris par l’humidité tropicale. John les invita à monter dans une camionnette noire.
Quelques instants plus tard, la camionnette démarra. Léa, Mehdi et Tom étaient assis sur de simples banquettes en métal et ressentaient tous les reliefs de la route. John se tenait debout en travers de la porte arrière du véhicule. Une cloison équipée d’une vitre sans teint les séparait du conducteur.
John regardait sa montre.
« Quelle heure est-il ? demanda Mehdi. Nos portables ne fonctionnent plus.
– L’heure de dormir, répliqua sèchement John en sortant un masque à gaz de sa sacoche. »
A ce moment-là, il fit un signe au conducteur. Et tout à coup un léger sifflement se fit entendre.
« J’ai la tête lourde, dit Tom en se tenant les tempes. »
A peine avait-il fini sa phrase qu’il s’écroula sur le sol de la camionnette, suivi de ses deux amis.
3/ Mauvais réveil
– Léa, Léa réveille-toi ! s’écria Tom.
– J’ai un mal de tête, répondit-elle
– On est où là ? s’inquiéta Mehdi.
– Oh, non, ne me dis pas que... dit Léa.
Soudain, une silhouette d’homme apparut derrière une vitre du hangar que les adolescents ne pouvaient distinguer.
– Vous allez vous taire, oui, cria une voix masculine.
Les trois amis se relevèrent et prirent conscience de ce qui leur était arrivé.
– C’est pas vrai, réalisa Mehdi.
Il courut vers le mystérieux individu, se rapprocha de la vitre et cria :
– Qu’est-ce que vous voulez ?
– Calme-toi, Mehdi, on veut seulement vous faire lire une histoire... dit l’individu.
– Vous connaissez nos prénoms ?, interrogea Tom.
– Oui ? Tom, mais ce n’est pas le sujet, reprit l’homme. Je compte vous faire changer d’avis à propos de l’huile de palme qui reste une très belle découverte. En effet, on la trouve de partout : dans les gâteaux, dans les sauces, dans les pâtes à tartiner,... N’est-ce pas fantastique ! Que ferait-on sans elle ? Il y en a même dans le carburant. D’ailleurs, c’est bien grâce à elle que vous êtes là, dans notre bel archipel. Enfin, ça suffit, je reviens dans une dizaine de minutes. Surtout, ne bougez pas. Pas de bêtises.
Léa fondit en pleurs.
– Regardez ce qui nous arrive. Personne ne sait où nous nous trouvons. Jamais, on ne rentrera en France.
– Arrête de gémir, la coupa Mehdi, il faut trouver un moyen de sortir d’ici.
Le jeune garçon regarda autour de lui et s’aperçut que le hangar était assez grand mais peu éclairé. Les fenêtres étaient barricadées. Les murs suintaient de saleté. Seule, une porte donnait sur l’extérieur. Des cartons immenses jonchaient le sol. Des véhicules en panne occupaient une grande partie de l’entrepôt. Après avoir jeté un coup d’œil, Mehdi reprit la parole :
– Léa, Tom ! Regardez un couteau sur la table, là-bas !
– On pourrait aller le chercher et s’en servir pour nous détacher... proposa Léa.
Elle ne put terminer sa phrase car la porte grinça et une personne apparut. C’était John qui était accompagné de deux hommes. Ils étaient grands et étaient armés jusqu’aux dents. Les trois amis essayèrent de se détacher, en vain.
– Bonjour, je suis John. Ne tentez pas de vous évader, cela ne fonctionnera pas. Comme je vous l’ai annoncé tout à l’heure, vous devez faire quelque chose pour moi.
Léa, tom et Mehdi se regardèrent horrifiés.
John reprit :
– Je vais donc vous expliquer la suite du programme. Nous allons vous détacher et nous allons nous rendre dans la forêt où vous réciterez le texte que j’ai écrit sur une feuille. Surtout, ne vous amusez pas à me désobéir sinon les hommes qui m’accompagnent ne seront pas aussi bienveillants que moi. Allez on y va.
Les trois adolescents désemparés et surtout terrorisés suivirent les instructions. Ils marchèrent quelques kilomètres et s’arrêtèrent brusquement. John leur tendit le feuillet sur lequel étaient inscrits les mots suivants :
« Bonjour. Nous nous nommons Tom, Léa et Mehdi. Nous sommes actuellement pris en otage par John et ses hommes. Ils demandent l’arrêt immédiat de nos projets. Si vous n’exécutez pas leurs ordres, ils nous tueront. Nous serons libérés si vous répondez à leur demande. »
– Bien, bien, intervint John. C’est tout pour l’instant. On verra ce que fera Daniel.
Il s’adressa à ses deux hommes de main :
– Ramenez-les dans le hangar et surveillez-les.
Pendant ce temps, Daniel qui était resté longtemps inconscient, se réveilla et s’aperçut que les enfants n’étaient pas là. Il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé et où étaient les enfants. Sa tête le faisait horriblement souffrir. Pourtant, il se leva péniblement et regarda autour de lui. Il avait du mal à reconnaître l’endroit. Tout à coup, il se souvint. Il était arrivé quelques heures plus tôt pour récupérer les trois jeunes Français qui allaient les aider dans leur projet. Il avait fait leur connaissance et les avait trouvés enthousiastes. Mais que s’était-il passé ? Comment s’étaient-ils volatilisés ? Aucune explication ne lui venait à l’esprit. Il fallait qu’il prévienne les membres de l’association de la disparition des adolescents. Ce qu’il fit rapidement. Ensuite, il se rendit au poste de police et raconta ce qui s’était passé. L’agent de police qui le reçut lui expliqua que son service mettrait tout en œuvre pour les retrouver. Il le rassura en lui disant :
– Tenez-nous au courant si vous avez des nouvelles. Nous avons des caméras de surveillance qui sont installées dans les endroits stratégiques de la ville. On devrait avoir rapidement de leurs nouvelles.
– Merci. Je vous laisse mes coordonnées. N’hésitez pas à me contacter. J’espère qu’il ne leur est rien arrivé de grave.
Daniel quitta l’aéroport. Il ne pouvait s’empêcher de penser à son parcours, à ce qui l’avait amené à s’installer dans cet immense pays. Le jeune homme s’était engagé dans l’organisation, il y a bien longtemps. Déjà, tout petit, il s’intéressait à la nature, à son environnement, à tous les animaux qui le peuplent, à l’écologie. Il avait au courant de toutes les nouvelles désastreuses et soutenait à sa manière la cause défendue par les ONG. Alors, après des études de markéting à l’université, il s’était rendu dans des zones toujours plus touchées par la pollution ; il avait également été bénévole dans différentes associations. Puis, il y a quelques années, il avait découvert l’association de Naomie et s’y était engagé sans regret. Il avait donc emménagé en Indonésie et être plus actif sur le terrain. Son travail consistait à organiser des campagnes de dons, à mobiliser, à recruter, à intervenir auprès des médias. Il devait ce jour-là distribuer aux Indonésiens des prospectus et récupérer les trois adolescents à leur descente d’avion car l’homme qui devait s’en charger était tombé gravement malade.
Il se rendit compte qu’il avait à peine discuté avec les trois jeunes gens. Après avoir prévenu la police, il téléphona à l’association et les informa de la disparition de Tom, Léa et Mehdi. Les bénévoles furent abasourdis. Naomie prit le téléphone et demanda des explications que Daniel ne pouvait lui fournir. Il lui précisa qu’il était sur le point de prévenir leurs parents. Naomie ne le laissa pas terminer et lui dit qu’elle allait s’en charger car ils étaient sous sa responsabilité.
En apprenant la nouvelle, les parents furent atterrés. Qui avait kidnappé leur enfant ? Que leur voulait-on ? C’étaient des jeunes qui avaient un idéal et qui s’étaient engagé dans une belle aventure. Ils prirent alors la décision de se rendre en Indonésie et d’être près de leurs enfants. Ici, en France, ils n’étaient d’aucune utilité. Peut-être que là-bas ils pourraient les retrouver. Ils informèrent Naomie de leur prochaine arrivée.
John avait envoyé une vidéo dans laquelle il menaçait la vie des trois adolescents. Daniel qui l’avait reçue s’aperçut que la voix lui était familière. Après l’avoir écoutée, plusieurs fois, il reconnut la voix, c’était celle d’un homme qu’il connaissait et qui se présentait comme un opposant farouche au combat que Naomie et lui-même menaient. Dans la vidéo, John n’hésitait pas à évoquer la mort des enfants si la manifestation prévue de longue date avait lieu. Daniel était abasourdi. Il savait que John mettrait sa menace à exécution. Cet homme n’avait aucun scrupule. Il l’avait déjà rencontré et il était persuadé que rien ne le ferait renoncer à son projet. Après réflexion, il s’empara de son téléphone et tenta de localiser le portable à partir duquel la vidéo avait été envoyée. Ce fut très difficile. Pourtant, il trouva un indice qui lui permit de se rendre dans le lieu où les enfants étaient emprisonnés. Sans tenir compte du danger et sans avoir prévenu personne, il s’arrêta devant le hangar. Il en fit le tour et se rendit compte qu’il serait difficile d’y pénétrer. Tout à coup, il entendit des pas, mais c’était trop tard. Il ne reprit connaissance que quelques heures plus tard. Il était allongé par terre, les poings liés. Il n’arrivait pas à bouger.
4/ Manifestation menacée
Les trois adolescents se réveillèrent petit à petit à côté de Daniel dans une salle sombre. Léa reprit connaissance la première et prit conscience de la situation. Quelques instants plus tard elle se jeta sur Mehdi, Tom et Daniel en criant :
– Les garçons !! Réveillez-vous !
– Hum… Laisse moi dormir, marmonna Mehdi à moitié réveillé.
– Où sommes-nous ? s’interrogea Tom.
– En plus pourquoi on est tous attachés ? demanda Daniel.
– Je ne sais pas ! Je viens de me réveiller comme vous mais… On a l’air d’être seuls, dit Léa en essayent de se lever.
Tous les quatre prirent connaissance du lieu. Il y avait une table, une chaise et une lumière, c’est tout.
Léa, toujours attachée, s’assit sur la chaise. Tom et Daniel cherchèrent toujours une sortie et Mehdi se rendormit.
Ils attendirent pendant de très longues heures, toujours avec les poignets attachés.
Tout à coup, ils entendirent un bruit de serrure. La porte s’ouvrit et Naomi apparut. Les têtes époustouflées firent chaud au cœur de le jeune fille. Sans bruit elle les détacha.
Tom s’adossa alors au mur, ce qui déclencha une sorte de bruit et il se retrouva sur le sol d’une salle inconnue. Tout le monde se précipita vers Tom et ils aperçurent une mystérieuse carte qui semblait indiquer le lieu où ils se trouvaient. Ils se rendirent compte qu’ils se situaient en terrain inconnu.
Plus loin, ils aperçurent un bureau sur lequel de nombreux écrans de caméras de surveillance étaient installés. Ils purent constater que des gardes discutaient. Alors Léa, douée en informatique réussit à activer le son sur son téléphone pour pouvoir écouter leur conversation et comprendre qu’un grand danger planait sur la manifestation.
Tom, Léa, Mehdi et Naomi, toujours accompagnés de Daniel, se dirigèrent en direction de la manifestation le plus vite possible .
Ils étaient déterminés ! Ils atteignirent une petite rue sombre .
Ils marchèrent jusqu’à la grande place et plus ils avançaient, plus la foule était immense ! Et tous ces gens ne savaient pas le danger qu’ils couraient !
Mehdi remarqua une statue en hauteur et décida d’y grimper pour faire une annonce publique afin de prévenir les gens qu’ils ne devaient pas rester là…
Pendant ce temps,Tom s’éloigna dans la foule. Ses amis ne remarquèrent pas qu’il n’était pas présent, occupés à écouter Mehdi. De son côté,Tom entendit deux personnes échanger ces propos :
« C’est bon ? Tu as tout préparé pour empêcher cette manifestation ?
– Oui.
– Ok, on fait comme ça, alors »
Tom s’interrogea :
« Mais qui sont ces personnes ?ah ! je comprends tout ! La foule, les ravisseurs, tout ça, c’était prévu ! Je vais les suivre pour récolter des informations. »
C’est alors qu’il se rendit compte qu’il s’était trop éloigné et qu’il s’était perdu…
Mehdi, Naomi, Léa et Daniel étaient occupés à prévenir les manifestants sans remarquer l’absence de Tom. Mais au bout d’un moment, Mehdi interrogea ses amis :
« Tiens, c’est bizarre, je n’ai pas entendu Tom râler depuis un moment… Et vous ?
– Non, reprit Léa, tu as raison, je ne l’ai pas vu. »
Ils se regardèrent d’un air inquiet. Après avoir essayé de le contacter sans résultat, ils décidèrent de le géolocaliser. Ils réussirent et s’aperçurent qu’il était parti à l’entrée de la forêt ! Ils décidèrent de suivre sa piste.
Une fois sur place, à première vue, il n’y avait rien, mais rapidement Naomi s’exclama :
« Eh ! Les amis ! J’ai trouvé un téléphone ! »
Ils se regroupèrent et reconnurent celui de Tom. Les 2 amis lyonnais échangèrent un regard complice et se mirent à crier : « Tom ! Tom ! »
Tout à coup, Tom sortit de nulle part : il était torse nu et avait quelques égratignures au visage. Après des retrouvailles chaleureuses, Tom prit un air sérieux et leur expliqua ce qu’il avait découvert.
« Il faut absolument qu’on neutralise cette brigade anti-climat ! s’exclama Naomi.
– Oui ! On doit établir un plan pour empêcher que la manifestation se passe mal, dit Mehdi.
Après avoir neutralisé les ravisseurs, ils se regroupèrent, soulagés et extrêmement fatigués. Les trois amis pouvaient enfin rejoindre la manifestation. Ils réussirent à appeler la police qui les rejoignait immédiatement. Elle expliqua aux policiers qu’elle avait volontairement laissé un téléphone dans l’endroit où ils avaient été kidnappés, afin de retrouver la trace des ravisseurs. Les policiers les firent alors monter dans leur voiture. Ils avaient décidé de leur poser les questions une fois au poste, afin de les laisser souffler. Mais la manifestation bloquait le passage ! Un policier, bienveillant, se retourna pour leur expliquer mais les quatre amis avaient disparus...
5/ Des espions ? !
Mehdi, Tom, Léa et Naomi avaient décidé de fausser compagnie au policier et d’aller au restaurant « Les délices de Sumatra » pour fêter leur réussite, Daniel les attendait là-bas avec impatience, il avait réservé une table pour déguster les spécialités locales. On servait dans cet endroit les meilleurs « Nasi Goreng », du riz frit avec un bonne sauce kécap... un délice !
Un écran diffusait des images de la manifestation, les quatre amis entrèrent à ce moment là et découvrirent avec stupéfaction leurs visages à la Une d’Indo-News, la chaîne d’info la plus regardée. Le bandeau de texte en anglais est sans équivoque, ils sont qualifiés de délinquants, de faux militants écologistes qui agissent pour une puissance étrangère en vue de saboter la manifestation.
Tom et Medhi, complètement figés, les yeux écarquillés par l’étonnement ne prononcent aucun mot. Les 2 filles se demandent comment la brigade Anti-Climat peut diffuser un tel mensonge à des journalistes peu scrupuleux qui sans les rencontrer ni vérifier leurs sources les présentent comme des espions.
Daniel, quant à lui, s’étouffe avec son Nasi-Goreng. Une fois la bouchée avalée, il sort son téléphone pour joindre Batak, un ami journaliste sensible à leur cause.
C’est décidé, les filles partent avec Daniel retrouver le journaliste au siège d’Indo-News. Tom et Medhi appellent de manière anonyme la Police pour demander de l’aide : il faut sécuriser le siège de la chaîne et arrêter les membres de la brigade Anti-Climat pour diffamation.
Léa, Naomi, Daniel et Batak se sont enfermés dans les studios de diffusion du direct. Le démenti est tapé et diffusé aussitôt.
Le téléphone de Léa sonne, elle s’attend à des nouvelles de Tom et Medhi, mais c’est sa maman qui vient de la voir à la télé et qui lui envoie ses félicitations, la voix pleine de fierté et de soulagement. Les messages Whatsapp fusent, le soutien vient de partout, amis, famille et beaucoup d’inconnus, partageant leur combat.
Le lendemain, nos héros se retrouvent à l’aéroport, escortés par les policiers, c’est le grand départ, ils se tracent un chemin dans la foule, nombreuse, venue les remercier.
De retour à Lyon, ils vont avoir tellement d’aventures à raconter à leurs amis… il y aurait même de quoi en faire un livre !
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
2/Rencontre en terre inconnue...
Tom et Léa regardaient par le hublot. Lorsque l’avion entamât sa descente, ils traversèrent une mer de nuages blanche, puis commencèrent à apercevoir l’océan, et toutes les îles d’Indonésie. Quand soudain, quelque chose attira leur regard : une épaisse fumée noire recouvrait en partie ce paysage paradisiaque.
« -Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Mehdi, surpris par leur air inquiet.
« -Regarde...des hectares de forêt partent en fumée. On ne pouvait pas laisser Naomi se battre seule contre ce fléau. »
Quelques secondes plus tard, le voyant demandant de raccrocher sa ceinture clignota. Puis, l’avion se posa sur la piste de l’aéroport de Jakarta ; les passagers descendirent.
« -Ouah !, dit Tom en s’étirant, j’ai cru que je ne pourrai plus jamais me servir de mes jambes !
– Pareil, renchérit Mehdi.
– Bon, on a deux heures à tuer avant de prendre notre correspondance pour Sumatra...On a le temps de se dégourdir les jambes dans le terminal, je vais demander à Daniel si on peut aller se balader un peu, dit Léa. »
Les trois amis s’approchèrent de Daniel, leur accompagnateur. Celui-ci les autorisa à aller marcher un peu, mais en leur recommandant de ne pas trop s’éloigner, et il leur donna rendez-vous une demi-heure plus tard, sous le panneau des départs.
Léa, Mehdi et Tom admirèrent la magnifique architecture de l’aéroport, dont le plafond de verre était soutenu par de splendides arches de bois. En voyant cette structure, tous les trois ne purent s’empêcher de penser aux forêts qui disparaissaient, en Amazonie comme en Indonésie.
Ils croisèrent quelques indonésiens en habits traditionnels aux couleurs vives, qui contrastaient avec les costumes sombres des hommes d’affaires.
Tout à coup, Mehdi demanda aux deux autres : « Euh, vous savez quelle heure il est, ça fait un moment qu’on marche… ? »
Tom regarda sa montre et confirma qu’il ne restait que deux minutes pour rejoindre Daniel. Ils se mirent à courir à travers le terminal et s’aperçurent vite qu’ils étaient perdus. Ils regardaient de tous côtés pour tenter de retrouver leur chemin, lorsqu’un homme, dans la trentaine, s’approcha d’eux.
« Bonjour, dit-il en souriant, Léa, Tom et Mehdi, je suppose ? »
Il parlait français mais il avait un fort accent américain et ne faisait rien pour le cacher. Il avait des cheveux blonds qui lui tombaient en cascade sur les épaules. Il avait les yeux gris clair et un début de barbe poussait sur son menton. Il portait une sacoche noire en bandoulière.
« Je suis un ami de Naomi, vous pouvez m’appeler John. Moi aussi je fais partie de l’organisation « Youth for the future ». Suivez-moi, mais restez discret, nous n’avons pas que des amis dans ce pays...
– Non, répondit Léa d’un hochement de tête, ce n’est pas ce qui était prévu, nous devions partir avec Daniel pour rejoindre Naomi et combattre à ses côtés…
– Justement, Daniel a eu des problèmes avec les autorités, c’est lui qui m’a demandé de venir vous chercher. Il y a un changement de programme, on va rejoindre Sumatra en bateau. »
Les trois amis se questionnèrent du regard, puis Tom pris la parole, rassuré par le logo « Youth for the future » qu’il avait remarqué sur la sacoche de John : « On veut bien vous croire, que devons-nous faire ? »
« - Suivez-moi, un ami nous attend dehors. »
Ils sortirent de l’aéroport et furent surpris par l’humidité tropicale. John les invita à monter dans une camionnette noire.
Quelques instants plus tard, la camionnette démarra. Léa, Mehdi et Tom étaient assis sur de simples banquettes en métal et ressentaient tous les reliefs de la route. John se tenait debout en travers de la porte arrière du véhicule. Une cloison équipée d’une vitre sans teint les séparait du conducteur.
John regardait sa montre.
« Quelle heure est-il ? demanda Mehdi. Nos portables ne fonctionnent plus.
– L’heure de dormir, répliqua sèchement John en sortant un masque à gaz de sa sacoche. »
A ce moment-là, il fit un signe au conducteur. Et tout à coup un léger sifflement se fit entendre.
« J’ai la tête lourde, dit Tom en se tenant les tempes. »
A peine avait-il fini sa phrase qu’il s’écroula sur le sol de la camionnette, suivi de ses deux amis.
3/ Mauvais réveil
– Léa, Léa réveille-toi ! s’écria Tom.
– J’ai un mal de tête, répondit-elle
– On est où là ? s’inquiéta Mehdi.
– Oh, non, ne me dis pas que... dit Léa.
Soudain, une silhouette d’homme apparut derrière une vitre du hangar que les adolescents ne pouvaient distinguer.
– Vous allez vous taire, oui, cria une voix masculine.
Les trois amis se relevèrent et prirent conscience de ce qui leur était arrivé.
– C’est pas vrai, réalisa Mehdi.
Il courut vers le mystérieux individu, se rapprocha de la vitre et cria :
– Qu’est-ce que vous voulez ?
– Calme-toi, Mehdi, on veut seulement vous faire lire une histoire... dit l’individu.
– Vous connaissez nos prénoms ?, interrogea Tom.
– Oui ? Tom, mais ce n’est pas le sujet, reprit l’homme. Je compte vous faire changer d’avis à propos de l’huile de palme qui reste une très belle découverte. En effet, on la trouve de partout : dans les gâteaux, dans les sauces, dans les pâtes à tartiner,... N’est-ce pas fantastique ! Que ferait-on sans elle ? Il y en a même dans le carburant. D’ailleurs, c’est bien grâce à elle que vous êtes là, dans notre bel archipel. Enfin, ça suffit, je reviens dans une dizaine de minutes. Surtout, ne bougez pas. Pas de bêtises.
Léa fondit en pleurs.
– Regardez ce qui nous arrive. Personne ne sait où nous nous trouvons. Jamais, on ne rentrera en France.
– Arrête de gémir, la coupa Mehdi, il faut trouver un moyen de sortir d’ici.
Le jeune garçon regarda autour de lui et s’aperçut que le hangar était assez grand mais peu éclairé. Les fenêtres étaient barricadées. Les murs suintaient de saleté. Seule, une porte donnait sur l’extérieur. Des cartons immenses jonchaient le sol. Des véhicules en panne occupaient une grande partie de l’entrepôt. Après avoir jeté un coup d’œil, Mehdi reprit la parole :
– Léa, Tom ! Regardez un couteau sur la table, là-bas !
– On pourrait aller le chercher et s’en servir pour nous détacher... proposa Léa.
Elle ne put terminer sa phrase car la porte grinça et une personne apparut. C’était John qui était accompagné de deux hommes. Ils étaient grands et étaient armés jusqu’aux dents. Les trois amis essayèrent de se détacher, en vain.
– Bonjour, je suis John. Ne tentez pas de vous évader, cela ne fonctionnera pas. Comme je vous l’ai annoncé tout à l’heure, vous devez faire quelque chose pour moi.
Léa, tom et Mehdi se regardèrent horrifiés.
John reprit :
– Je vais donc vous expliquer la suite du programme. Nous allons vous détacher et nous allons nous rendre dans la forêt où vous réciterez le texte que j’ai écrit sur une feuille. Surtout, ne vous amusez pas à me désobéir sinon les hommes qui m’accompagnent ne seront pas aussi bienveillants que moi. Allez on y va.
Les trois adolescents désemparés et surtout terrorisés suivirent les instructions. Ils marchèrent quelques kilomètres et s’arrêtèrent brusquement. John leur tendit le feuillet sur lequel étaient inscrits les mots suivants :
« Bonjour. Nous nous nommons Tom, Léa et Mehdi. Nous sommes actuellement pris en otage par John et ses hommes. Ils demandent l’arrêt immédiat de nos projets. Si vous n’exécutez pas leurs ordres, ils nous tueront. Nous serons libérés si vous répondez à leur demande. »
– Bien, bien, intervint John. C’est tout pour l’instant. On verra ce que fera Daniel.
Il s’adressa à ses deux hommes de main :
– Ramenez-les dans le hangar et surveillez-les.
Pendant ce temps, Daniel qui était resté longtemps inconscient, se réveilla et s’aperçut que les enfants n’étaient pas là. Il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé et où étaient les enfants. Sa tête le faisait horriblement souffrir. Pourtant, il se leva péniblement et regarda autour de lui. Il avait du mal à reconnaître l’endroit. Tout à coup, il se souvint. Il était arrivé quelques heures plus tôt pour récupérer les trois jeunes Français qui allaient les aider dans leur projet. Il avait fait leur connaissance et les avait trouvés enthousiastes. Mais que s’était-il passé ? Comment s’étaient-ils volatilisés ? Aucune explication ne lui venait à l’esprit. Il fallait qu’il prévienne les membres de l’association de la disparition des adolescents. Ce qu’il fit rapidement. Ensuite, il se rendit au poste de police et raconta ce qui s’était passé. L’agent de police qui le reçut lui expliqua que son service mettrait tout en œuvre pour les retrouver. Il le rassura en lui disant :
– Tenez-nous au courant si vous avez des nouvelles. Nous avons des caméras de surveillance qui sont installées dans les endroits stratégiques de la ville. On devrait avoir rapidement de leurs nouvelles.
– Merci. Je vous laisse mes coordonnées. N’hésitez pas à me contacter. J’espère qu’il ne leur est rien arrivé de grave.
Daniel quitta l’aéroport. Il ne pouvait s’empêcher de penser à son parcours, à ce qui l’avait amené à s’installer dans cet immense pays. Le jeune homme s’était engagé dans l’organisation, il y a bien longtemps. Déjà, tout petit, il s’intéressait à la nature, à son environnement, à tous les animaux qui le peuplent, à l’écologie. Il avait au courant de toutes les nouvelles désastreuses et soutenait à sa manière la cause défendue par les ONG. Alors, après des études de markéting à l’université, il s’était rendu dans des zones toujours plus touchées par la pollution ; il avait également été bénévole dans différentes associations. Puis, il y a quelques années, il avait découvert l’association de Naomie et s’y était engagé sans regret. Il avait donc emménagé en Indonésie et être plus actif sur le terrain. Son travail consistait à organiser des campagnes de dons, à mobiliser, à recruter, à intervenir auprès des médias. Il devait ce jour-là distribuer aux Indonésiens des prospectus et récupérer les trois adolescents à leur descente d’avion car l’homme qui devait s’en charger était tombé gravement malade.
Il se rendit compte qu’il avait à peine discuté avec les trois jeunes gens. Après avoir prévenu la police, il téléphona à l’association et les informa de la disparition de Tom, Léa et Mehdi. Les bénévoles furent abasourdis. Naomie prit le téléphone et demanda des explications que Daniel ne pouvait lui fournir. Il lui précisa qu’il était sur le point de prévenir leurs parents. Naomie ne le laissa pas terminer et lui dit qu’elle allait s’en charger car ils étaient sous sa responsabilité.
En apprenant la nouvelle, les parents furent atterrés. Qui avait kidnappé leur enfant ? Que leur voulait-on ? C’étaient des jeunes qui avaient un idéal et qui s’étaient engagé dans une belle aventure. Ils prirent alors la décision de se rendre en Indonésie et d’être près de leurs enfants. Ici, en France, ils n’étaient d’aucune utilité. Peut-être que là-bas ils pourraient les retrouver. Ils informèrent Naomie de leur prochaine arrivée.
John avait envoyé une vidéo dans laquelle il menaçait la vie des trois adolescents. Daniel qui l’avait reçue s’aperçut que la voix lui était familière. Après l’avoir écoutée, plusieurs fois, il reconnut la voix, c’était celle d’un homme qu’il connaissait et qui se présentait comme un opposant farouche au combat que Naomie et lui-même menaient. Dans la vidéo, John n’hésitait pas à évoquer la mort des enfants si la manifestation prévue de longue date avait lieu. Daniel était abasourdi. Il savait que John mettrait sa menace à exécution. Cet homme n’avait aucun scrupule. Il l’avait déjà rencontré et il était persuadé que rien ne le ferait renoncer à son projet. Après réflexion, il s’empara de son téléphone et tenta de localiser le portable à partir duquel la vidéo avait été envoyée. Ce fut très difficile. Pourtant, il trouva un indice qui lui permit de se rendre dans le lieu où les enfants étaient emprisonnés. Sans tenir compte du danger et sans avoir prévenu personne, il s’arrêta devant le hangar. Il en fit le tour et se rendit compte qu’il serait difficile d’y pénétrer. Tout à coup, il entendit des pas, mais c’était trop tard. Il ne reprit connaissance que quelques heures plus tard. Il était allongé par terre, les poings liés. Il n’arrivait pas à bouger.
4/ Manifestation menacée
Les trois adolescents se réveillèrent petit à petit à côté de Daniel dans une salle sombre. Léa reprit connaissance la première et prit conscience de la situation. Quelques instants plus tard elle se jeta sur Mehdi, Tom et Daniel en criant :
– Les garçons !! Réveillez-vous !
– Hum… Laisse moi dormir, marmonna Mehdi à moitié réveillé.
– Où sommes-nous ? s’interrogea Tom.
– En plus pourquoi on est tous attachés ? demanda Daniel.
– Je ne sais pas ! Je viens de me réveiller comme vous mais… On a l’air d’être seuls, dit Léa en essayent de se lever.
Tous les quatre prirent connaissance du lieu. Il y avait une table, une chaise et une lumière, c’est tout.
Léa, toujours attachée, s’assit sur la chaise. Tom et Daniel cherchèrent toujours une sortie et Mehdi se rendormit.
Ils attendirent pendant de très longues heures, toujours avec les poignets attachés.
Tout à coup, ils entendirent un bruit de serrure. La porte s’ouvrit et Naomi apparut. Les têtes époustouflées firent chaud au cœur de le jeune fille. Sans bruit elle les détacha.
Tom s’adossa alors au mur, ce qui déclencha une sorte de bruit et il se retrouva sur le sol d’une salle inconnue. Tout le monde se précipita vers Tom et ils aperçurent une mystérieuse carte qui semblait indiquer le lieu où ils se trouvaient. Ils se rendirent compte qu’ils se situaient en terrain inconnu.
Plus loin, ils aperçurent un bureau sur lequel de nombreux écrans de caméras de surveillance étaient installés. Ils purent constater que des gardes discutaient. Alors Léa, douée en informatique réussit à activer le son sur son téléphone pour pouvoir écouter leur conversation et comprendre qu’un grand danger planait sur la manifestation.
Tom, Léa, Mehdi et Naomi, toujours accompagnés de Daniel, se dirigèrent en direction de la manifestation le plus vite possible .
Ils étaient déterminés ! Ils atteignirent une petite rue sombre .
Ils marchèrent jusqu’à la grande place et plus ils avançaient, plus la foule était immense ! Et tous ces gens ne savaient pas le danger qu’ils couraient !
Mehdi remarqua une statue en hauteur et décida d’y grimper pour faire une annonce publique afin de prévenir les gens qu’ils ne devaient pas rester là…
Pendant ce temps,Tom s’éloigna dans la foule. Ses amis ne remarquèrent pas qu’il n’était pas présent, occupés à écouter Mehdi. De son côté,Tom entendit deux personnes échanger ces propos :
« C’est bon ? Tu as tout préparé pour empêcher cette manifestation ?
– Oui.
– Ok, on fait comme ça, alors »
Tom s’interrogea :
« Mais qui sont ces personnes ?ah ! je comprends tout ! La foule, les ravisseurs, tout ça, c’était prévu ! Je vais les suivre pour récolter des informations. »
C’est alors qu’il se rendit compte qu’il s’était trop éloigné et qu’il s’était perdu…
Mehdi, Naomi, Léa et Daniel étaient occupés à prévenir les manifestants sans remarquer l’absence de Tom. Mais au bout d’un moment, Mehdi interrogea ses amis :
« Tiens, c’est bizarre, je n’ai pas entendu Tom râler depuis un moment… Et vous ?
– Non, reprit Léa, tu as raison, je ne l’ai pas vu. »
Ils se regardèrent d’un air inquiet. Après avoir essayé de le contacter sans résultat, ils décidèrent de le géolocaliser. Ils réussirent et s’aperçurent qu’il était parti à l’entrée de la forêt ! Ils décidèrent de suivre sa piste.
Une fois sur place, à première vue, il n’y avait rien, mais rapidement Naomi s’exclama :
« Eh ! Les amis ! J’ai trouvé un téléphone ! »
Ils se regroupèrent et reconnurent celui de Tom. Les 2 amis lyonnais échangèrent un regard complice et se mirent à crier : « Tom ! Tom ! »
Tout à coup, Tom sortit de nulle part : il était torse nu et avait quelques égratignures au visage. Après des retrouvailles chaleureuses, Tom prit un air sérieux et leur expliqua ce qu’il avait découvert.
« Il faut absolument qu’on neutralise cette brigade anti-climat ! s’exclama Naomi.
– Oui ! On doit établir un plan pour empêcher que la manifestation se passe mal, dit Mehdi.
Après avoir neutralisé les ravisseurs, ils se regroupèrent, soulagés et extrêmement fatigués. Les trois amis pouvaient enfin rejoindre la manifestation. Ils réussirent à appeler la police qui les rejoignait immédiatement. Elle expliqua aux policiers qu’elle avait volontairement laissé un téléphone dans l’endroit où ils avaient été kidnappés, afin de retrouver la trace des ravisseurs. Les policiers les firent alors monter dans leur voiture. Ils avaient décidé de leur poser les questions une fois au poste, afin de les laisser souffler. Mais la manifestation bloquait le passage ! Un policier, bienveillant, se retourna pour leur expliquer mais les quatre amis avaient disparus...
5/ Des espions ? !
Mehdi, Tom, Léa et Naomi avaient décidé de fausser compagnie au policier et d’aller au restaurant « Les délices de Sumatra » pour fêter leur réussite, Daniel les attendait là-bas avec impatience, il avait réservé une table pour déguster les spécialités locales. On servait dans cet endroit les meilleurs « Nasi Goreng », du riz frit avec un bonne sauce kécap... un délice !
Un écran diffusait des images de la manifestation, les quatre amis entrèrent à ce moment là et découvrirent avec stupéfaction leurs visages à la Une d’Indo-News, la chaîne d’info la plus regardée. Le bandeau de texte en anglais est sans équivoque, ils sont qualifiés de délinquants, de faux militants écologistes qui agissent pour une puissance étrangère en vue de saboter la manifestation.
Tom et Medhi, complètement figés, les yeux écarquillés par l’étonnement ne prononcent aucun mot. Les 2 filles se demandent comment la brigade Anti-Climat peut diffuser un tel mensonge à des journalistes peu scrupuleux qui sans les rencontrer ni vérifier leurs sources les présentent comme des espions.
Daniel, quant à lui, s’étouffe avec son Nasi-Goreng. Une fois la bouchée avalée, il sort son téléphone pour joindre Batak, un ami journaliste sensible à leur cause.
C’est décidé, les filles partent avec Daniel retrouver le journaliste au siège d’Indo-News. Tom et Medhi appellent de manière anonyme la Police pour demander de l’aide : il faut sécuriser le siège de la chaîne et arrêter les membres de la brigade Anti-Climat pour diffamation.
Léa, Naomi, Daniel et Batak se sont enfermés dans les studios de diffusion du direct. Le démenti est tapé et diffusé aussitôt.
Le téléphone de Léa sonne, elle s’attend à des nouvelles de Tom et Medhi, mais c’est sa maman qui vient de la voir à la télé et qui lui envoie ses félicitations, la voix pleine de fierté et de soulagement. Les messages Whatsapp fusent, le soutien vient de partout, amis, famille et beaucoup d’inconnus, partageant leur combat.
Le lendemain, nos héros se retrouvent à l’aéroport, escortés par les policiers, c’est le grand départ, ils se tracent un chemin dans la foule, nombreuse, venue les remercier.
De retour à Lyon, ils vont avoir tellement d’aventures à raconter à leurs amis… il y aurait même de quoi en faire un livre !