Prologue
La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
2/ Incendie à Sumatra
Durant les dernières minutes du vol, les adolescents survolèrent les gratte-ciel de Jakarta. Ils étaient très impressionnés par la beauté des structures. Pendant l’atterrissage, Mehdi réveilla Léa et Tom était un peu stressé.
A la sortie de l’avion, il faisait nuit. Le groupe d’amis fit une pause pour manger des plats Indonésien : du riz, des brochettes de viande : appelées du saté et des légumes, des fruits.
Léa prit la parole :
– Le voyage était fatiguant, mais Jakarta, ça à l’air trop cool !
– Pourquoi trop cool ? demanda Mehdi
– T’as pas vu les tours ? On se croirait à Dubaï !! C’est grave éclairé !
Lorsqu’ ils sortirent de l’aéroport. Une personne qui portait une pancarte les attendait avec leurs noms : « Léa,Tom et Mehdi ». Ils se rendirent vers l’affiche et engagèrent la discussion.
– Bonjour, est-ce que vous êtes l’Organisation Protectrice des Forêts ?
– Oui,c’est nous.
– Est-ce que vous savez où est Naomi ? Questionna Léa.
– Nous ne le savons malheurement pas mais nous allons vous accompagner chez des personnes qui ont sûrement des informations.
Les trois amis montèrent dans un taxi commandé par l’O.P.F., ils traversèrent la ville de Jakarta et arrivèrent devant une petite maison.
Qui allaient-ils rencontrer ? À quoi allait ressembler l’interieur ?
Enfin la porte s’ouvrit : ils virent une jeune adolescente. Cette dernière se présenta... en français ! Quel soulagement !
– Salut, je m’appelle Evi, bienvenue chez nous ! J’ai 13 ans et vous ?
– On a tous 13 ans, nous aussi ! Quelle coïncidence ! Moi, c’est Tom, et voici Léa et Mehdi .
– Enchanté, rentrez ! les invita Evi.
Après avoir visité la maison, ils se rendirent dans la chambre d’Evi.
– Connaîtrais-tu une fille qui s’appelle Naomi ? demanda Léa.
– Si je la connais ? Oui ! s’exclama Evi. Nous nous battons pour les mêmes causes toutes les deux !
– Nous la cherchons car nous n’avons plus de nouvelles d’elle.
– Eh bien, si vous voulez la retrouver, venez avec moi sur l’île de Sumatra, je sais où elle se cache ! révéla Evi.
Ils marchaient depuis quelques heures dans la forêt quand tout à coup Mehdi aperçut un sac de couleur rouge fluo. Ils s’en approchèrent pour voir ce qu’il contenait. A l’intérieur ils decouvrirent la carte d’identité de Naomi ! Celle-ci portait un tee-shirt violet et une écharpe bleue sur la photo.
– Attendez ! S’exclama Evi, inquiète. Peut-être qu’elle n’est pas là où je le pensais...
Deux cents mètres plus loin, ils tombèrent sur l’écharpe que Naomi portait sur la carte d’identité. Elle allait probablement les mener à Naomi !!
Après plusieurs heures de marche, Tom commença à se décourager.
– J’ai trop faim ! Quand est-ce qu’on arrive ? se plaignit-il.
– Tu ne vois pas qu’on est pressé ! gronda Mehdi.
Soudain, le groupe d’adolescents entendit une explosion. Ils aperçurent une grosse fumée noire. Les trois jeunes se précipitèrent en direction de la fumée. Ils mirent leur main sur le nez tout en observant des animaux fuir. C’est alors qu’ils virent des personnes lourdement armées en train de dissimuler des carcasses d’animaux. Qui étaient ces hommes ? Avaient-ils volontairement provoqué cet incendie ? Qu’allait-ils faire de ces animaux morts ? Ils n’eurent pas de réponse à leurs questions car ils furent bloqués par les énormes flammes qui se trouvaient à quelques mètres d’eux.
Mehdi,Tom et Léa tentaient d’échapper à l’incendie quand ils aperçurent une caravane et entendirent du bruit. Mehdi s’approcha du véhicule, ouvrit la porte et se retrouva nez à nez avec les trois mêmes hommes. Il hurla :
– Courez vite !!! Il faut fuir.
– Non, intervint Léa, il faut leur demander où est Naomi.
Ils se retournèrent et demandèrent aux trois braconniers où etait Naomi.
– Je ne vous dirai rien du tout, barrez vous ! répondit le braconnier
Léa sortit un couteau de sa poche et dit :
– Si vous ne me dites pas où est Naomi, je n’hésiterai pas à utiliser ce couteau, répondit Léa.
– Je ne vous dirai rien : nous sommes payés vingt mille euros par le propriétaire de Badronx Corporation pour garder en otage cette protéctrice de la nature.
Les braconniers tentèrent de s’enfuir, Léa sortit le couteau et le lui jeta sur la jambe. Ils disparurent.
Les trois amis avaient enfin réussi à se dégager du danger du feu et des braconniers.
Tout à coup, Tom s’écria :
– Eh les amis j’ai trouvé quelque chose !
C’était un téléphone : celui de Naomi ?
Ils rappliquèrent, se réunirent autour de Tom, qui réussit à dévérouiller le télpéhone. Ils purent écouter un enregistrement dans lequel les braconniers se démasquaient et indiquaient où ils allaient emmener Naomi, leur captive !
3/ La cavale
Alors ils se sont mis à courir. A courir, courir, à pousser leurs corps tout au bout de leurs forces. Tom s’arrête un moment, hors d’haleine, il se tourne et il voit. Le feu plus grand qu’un immeuble, les immenses flammes ravageant les tuks et les palmiers.
– Viens, putain ! lui crie Léa en lui tendant la main.
La grande vague de chaleur les poursuit tous les trois, ils la sentent dans leurs jambes, dans leur cou, partout.
Dix minutes plus tard, le cœur au bord des lèvres, ils parviennent à sortir de la jungle et tombent sur la petite route asphaltée où se sont groupées quelques personnes du village voisin, abasourdies de voir des adolescents sortir de là.
– Une voiture, qui a une voiture ? demande Mehdi dans son anglais approximatif.
Personne ne comprend. Il fait le geste du volant : ça marche mieux. Un homme leur montre une épave, là-bas, dans laquelle ils montent. La jungle disparaît derrière eux.
Ils roulent depuis dix minutes déjà quand le type enfin leur demande :
– Where ?
– To Medan.
Tom se ronge les ongles.
– Les gars, qu’est-ce qu’on a fait…
– C’est trop tard pour se lamenter maintenant, dit Léa. On retrouve les autres, et on file ensemble chercher Naomi avant qu’ils l’emmènent en Colombie au siège de Badronx. On n’a plus de temps à perdre.
Lorsque Marc, Jeanne et les autres membres de l’ONG voient les trois amis débarquer sur le pas de la maison, sales, les yeux exorbités, le souffle court, ils hésitent entre la colère et le soulagement.
Après une courte et nécessaire engueulade, ils les font s’asseoir, leur donnent de l’eau et à manger. Mais déjà Tom leur dit :
– Il faut qu’on fasse vite. Ils ont enlevé Naomi.
– C’est qui Naomi ?
Les trois se regardent.
– Ok, il faut qu’on vous explique.
Marc et Jeanne roulent de grands yeux. Ils ont laissé s’échapper trois volontaires mineurs qui étaient sous leur responsabilité, lesquels ont failli être avalés par un incendie provoqué par une bande de braconniers. Tout va bien.
– La police vous cherche, dit Jeanne, dont les yeux lancent des éclairs. On a été obligés de les avertir.
– Qu’ils continuent, dit Léa. Nous il faut qu’on –
– J’ai une idée, la coupe Marc.
Tout le monde monte à bord du mini-bus d’Arka. Jeanne et Rashid ne voulaient pas, mais pas de temps pour tergiverser.
– Quand on est arrivés, j’ai vu une petite piste d’atterrissage derrière la grande route, vers la forêt, dit Marc. C’est peut-être là qu’ils ont emmené votre amie.
Le chauffeur fonce. Une heure plus tard, toujours rien.
– Est-ce qu’il a bien compris où c’était ? demande Tom.
– Visiblement pas.
Et alors, tout à coup, l’espace s’ouvre : un fin ruban d’asphalte entouré de grillages apparaît. Tom, Léa et Mehdi sont déjà dehors. Il courent vers la carcasse de l’avion, qu’on aperçoit tout au bout là-bas. Les hélices commencent à tourner.
– Par là ! dit Marc, qui se glisse par une petite ouverture sous le grillage, suivi par les autres.
Tous courent vers l’avion. Qui vrombit, vrombit, et s’élance sur la piste.
Léa, Tom et Mehdi et les adultes se tiennent en bout de piste, les bras ballants.
L’avion décolle. Mehdi prend sa tête entre ses mains.
Et alors, derrière eux, une voix légèrement fêlée se fait entendre : - Je peux vous aider ?
Ils se retournent. Cinq militaires se tiennent debout devant eux.
4/La rencontre : Octavia, une alliée pleine de charme
Léa, Tom et Mehdi, complètement surpris, regardent les militaires sans bien comprendre ce qui arrive. Ils sentent le stress monter et se demandent d’où vient la voix qui leur proposait de l’aide à l’instant. Les militaires crient :
« Stop ! Your document please ! »
C’est alors que surgit de derrière un container une jeune femme à la voix rauque qui intervient et parlemente avec les soldats dans la langue du pays. Les jeunes n’y comprennent vraiment plus rien. Medhi est subjugué par Octavia. Tom et Léa s’interroge, est-elle des leurs ?
Octavia vient d’apparaître et Medhi n’a d’yeux que pour elle. Il est fasciné par sa coiffure : elle a des cheveux noirs avec des tresses plaquées aux reflets bleutés, un maquillage qui souligne ses yeux bleus où brillent des paillettes dorées autour de la pupille. Elle porte un anneau à la narine gauche, elle est grande et élancée.
Elle parle français mais avec un accent très mignon qui la rend encore plus charmante. Les militaires laissent les adolescents partir avec Octavia qui a promis aux militaires de les ramener le plus vite possible avec leurs papiers d’identité restés à l’hôtel. Elle a réussi à berner les soldats de belle manière et à sauver les trois amis d’une situation compliquée.
Sur le trajet en direction de la planque d’Octavia, Mehdi lui demande pourquoi elle les aide. Octavia leurs explique comment elle a rencontré Naomi dans une manifestation, elle sont devenues amies, et alors qu’elle allait la rejoindre chez elle, elle a vu des agents de Badronx Corporation la kidnapper. Elle sait où la trouver : il leur faut aller à la filiale de cette grande société située à proximité. Arrivés à la planque, Octavia leur explique son plan et donne ses consignes :
« Il nous faudra du matériel : des cordes, deux tenues de chimiste, un flacon de chloroforme, des chiffons, deux talkies-walkies, une bombe au poivre pour se défendre et bien sûr, nous répartir les rôles. Je rentrerai dans le bâtiment, qui est volontaire pour être à mes côtés ? » A ces mots, Medhi saisit l’occasion de passer du temps avec elle et peut être même de la protéger :
« Moi ! dit-il les yeux pétillants.
– Ok, donc Léa et Tom, vous ferez le guet. Chaque binôme a un talkie-walkie ? »
Les affaires sont rassemblées à toute vitesse et le groupe se met en route, direction le siège de Badronx Corporation où se trouve Naomi.
Le groupe arrive devant un immense bâtiment, prêt à suivre le plan à la lettre. Medhi et Octovia enfilent les tenues de chimiste et les masques. Medhi essaye de faire la courte échelle à Octavia mais ils n’atteignent pas le haut du mur. Ils font le tour du bâtiment et aperçoivent un chimiste fumant une cigarette vers l’issue de secours. Ils s’approchent de lui. Octavia lui adresse la parole tandis que Medhi, qui se tient derrière, l’endort avec un chiffon imbibé de chloroforme. Ils récupèrent la carte magnétique de ce dernier et entrent sans problème dans le bâtiment. Ils croisent d’autres employés, les saluent sans se faire repérer et arrivent au poste de sécurité. La chance est avec eux, il est désert. Ils peuvent donc chercher où se trouve Naomi sur les écrans. Ils l’aperçoivent ligotée sur une chaise, dans la salle des coffres, au niveau -2. Reste à présent à la délivrer…
Une amitié à tout épreuve.
Octavia et les jeunes élaborèrent un plan pour délivrer leur amie. Ils se séparèrent en deux groupes. Octavia et Mehdi décidèrent de partir à la recherche de Naomie. Pour les diriger, Léa et Tom leur donneraient des instructions depuis la salle de contrôle via un système de micro- oreillettes.
Octavia remarqua que l’ascenseur était en panne. Léa proposa donc de prendre les escaliers. Heureusement, ils pourraient circuler dans les couloirs tranquillement car ils n’étaient pas surveillés. La jeune indonésienne se rendit compte que de nombreuses salles de l’usine étaient désaffectées et qu’elles étaient en réalité un repaire pour les bandits.
La salle des coffres était située au niveau -2 au bout du couloir de droite et était sous la surveillance constante de deux gardes. Léa conseilla à Octavia et Medhi d’être très discrets. Tom trouva une idée : il demanda à Octavia de lui donner sa bague et, pour faire diversion, il la jeta à l’opposé de là où ils se situaient. Les gardes se dirigèrent immédiatement vers le bruit. Tom et Octavia coururent et les assommèrent avec les chaises laissées vacantes. Ils fouillèrent les corps et prirent les clés de la salle. Octavia proposa à Mehdi de se déguiser en garde pour entrer plus discrètement.
Léa alerta ses amis de l’arrivée d’un fourgon noir sur le parking. Le transfert de Naomie était imminent ; il fallait donc se dépêcher.
Ils trouvèrent leur amie ligotée sur une chaise. Les retrouvailles furent de courtes de durée, ils s’échappèrent aussi rapidement que possible alors qu’Octavia faisait diversion en déclenchant l’alarme incendie. Léa aperçut sur les écrans de la salle de contrôle les ouvriers du premier sous-sol se diriger vers les issues de secours. Au même moment, les forces de l’ordre arrivèrent sur le parking toutes sirènes hurlantes. Heureusement, Tom et Léa avaient eu l’heureuse idée de les prévenir de leur localisation et de la situation de Naomie.
Cette dernière allait enfin pouvoir se rendre sur les lieux du congrès qui se situait à seulement quelques kilomètres de là afin de prononcer son discours devant les représentants des Nations Unies.
La jeune fille monta sur l’estrade avec quelques minutes de retard seulement. Elle ajusta le micro et fixa son regard déterminé vers la salle plongée dans la pénombre. Les quatre amis retenaient leur souffle :
« Bonjour à toutes et à tous,
Je suis Naomi Lehner, je suis allemande et j’ai parcouru des milliers de kilomètres pour être avec vous aujourd’hui. Dans l’avion, j’imaginais des décors de cartes postales et je me réjouissais à l’avance de découvrir des paysages préservés. Mais, en réalité, j’idéalisais Sumatra : ses forêts tropicales, sa faune et sa flore stupéfiantes où les tigres, les rhinocéros, les orangs-outans vivaient encore en parfaite harmonie. Quel choc et quelle déception ! Une odeur de brûlé, de longs nuages de cendres et un ciel couleur de sang, voilà ce que j’ai découvert ! Oui, en ce moment même, le ciel est rouge de colère. Alors, je vous le demande… La jeune fille regarda l’assemblée avec insistance et continua la gorge nouée.
Comment pouvez-vous laisser, cette année encore, des feux détruire des hectares de forêt ? Comment pouvez-vous laisser disparaître notre patrimoine naturel ? Les animaux de la forêt de Sumatra disparaissent les uns après les autres à cause de la déforestation et des feux causés par les humains. Comment pouvez-vous, année après année, laisser notre planète partir en fumée ? Notre futur brûle, c’est devenu inimaginable, impensable… Les yeux plein de larmes, Naomi reprit. C’est tellement absurde de laisser notre planète mourir. Notre avenir sur terre va se réduire en cendres. Ces feux aggravent la situation à l’échelle mondiale. C’est à cause de nous que la planète meurt, c’est à cause de nous que nos enfants et nos petits enfants auront une vie désastreuse. IL FAUT QUE CELA CESSE ! »
Son discours avait déclenché une salve d’applaudissements. Nos trois amis, très émus par ce succès, partirent triomphants la retrouver dans les coulisses pour la féliciter. Ils étaient allés au bout de leur mission et ils étaient désormais unis par une amitié solide et par la force de leur engagement.
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
2/ Incendie à Sumatra
Durant les dernières minutes du vol, les adolescents survolèrent les gratte-ciel de Jakarta. Ils étaient très impressionnés par la beauté des structures. Pendant l’atterrissage, Mehdi réveilla Léa et Tom était un peu stressé.
A la sortie de l’avion, il faisait nuit. Le groupe d’amis fit une pause pour manger des plats Indonésien : du riz, des brochettes de viande : appelées du saté et des légumes, des fruits.
Léa prit la parole :
– Le voyage était fatiguant, mais Jakarta, ça à l’air trop cool !
– Pourquoi trop cool ? demanda Mehdi
– T’as pas vu les tours ? On se croirait à Dubaï !! C’est grave éclairé !
Lorsqu’ ils sortirent de l’aéroport. Une personne qui portait une pancarte les attendait avec leurs noms : « Léa,Tom et Mehdi ». Ils se rendirent vers l’affiche et engagèrent la discussion.
– Bonjour, est-ce que vous êtes l’Organisation Protectrice des Forêts ?
– Oui,c’est nous.
– Est-ce que vous savez où est Naomi ? Questionna Léa.
– Nous ne le savons malheurement pas mais nous allons vous accompagner chez des personnes qui ont sûrement des informations.
Les trois amis montèrent dans un taxi commandé par l’O.P.F., ils traversèrent la ville de Jakarta et arrivèrent devant une petite maison.
Qui allaient-ils rencontrer ? À quoi allait ressembler l’interieur ?
Enfin la porte s’ouvrit : ils virent une jeune adolescente. Cette dernière se présenta... en français ! Quel soulagement !
– Salut, je m’appelle Evi, bienvenue chez nous ! J’ai 13 ans et vous ?
– On a tous 13 ans, nous aussi ! Quelle coïncidence ! Moi, c’est Tom, et voici Léa et Mehdi .
– Enchanté, rentrez ! les invita Evi.
Après avoir visité la maison, ils se rendirent dans la chambre d’Evi.
– Connaîtrais-tu une fille qui s’appelle Naomi ? demanda Léa.
– Si je la connais ? Oui ! s’exclama Evi. Nous nous battons pour les mêmes causes toutes les deux !
– Nous la cherchons car nous n’avons plus de nouvelles d’elle.
– Eh bien, si vous voulez la retrouver, venez avec moi sur l’île de Sumatra, je sais où elle se cache ! révéla Evi.
Ils marchaient depuis quelques heures dans la forêt quand tout à coup Mehdi aperçut un sac de couleur rouge fluo. Ils s’en approchèrent pour voir ce qu’il contenait. A l’intérieur ils decouvrirent la carte d’identité de Naomi ! Celle-ci portait un tee-shirt violet et une écharpe bleue sur la photo.
– Attendez ! S’exclama Evi, inquiète. Peut-être qu’elle n’est pas là où je le pensais...
Deux cents mètres plus loin, ils tombèrent sur l’écharpe que Naomi portait sur la carte d’identité. Elle allait probablement les mener à Naomi !!
Après plusieurs heures de marche, Tom commença à se décourager.
– J’ai trop faim ! Quand est-ce qu’on arrive ? se plaignit-il.
– Tu ne vois pas qu’on est pressé ! gronda Mehdi.
Soudain, le groupe d’adolescents entendit une explosion. Ils aperçurent une grosse fumée noire. Les trois jeunes se précipitèrent en direction de la fumée. Ils mirent leur main sur le nez tout en observant des animaux fuir. C’est alors qu’ils virent des personnes lourdement armées en train de dissimuler des carcasses d’animaux. Qui étaient ces hommes ? Avaient-ils volontairement provoqué cet incendie ? Qu’allait-ils faire de ces animaux morts ? Ils n’eurent pas de réponse à leurs questions car ils furent bloqués par les énormes flammes qui se trouvaient à quelques mètres d’eux.
Mehdi,Tom et Léa tentaient d’échapper à l’incendie quand ils aperçurent une caravane et entendirent du bruit. Mehdi s’approcha du véhicule, ouvrit la porte et se retrouva nez à nez avec les trois mêmes hommes. Il hurla :
– Courez vite !!! Il faut fuir.
– Non, intervint Léa, il faut leur demander où est Naomi.
Ils se retournèrent et demandèrent aux trois braconniers où etait Naomi.
– Je ne vous dirai rien du tout, barrez vous ! répondit le braconnier
Léa sortit un couteau de sa poche et dit :
– Si vous ne me dites pas où est Naomi, je n’hésiterai pas à utiliser ce couteau, répondit Léa.
– Je ne vous dirai rien : nous sommes payés vingt mille euros par le propriétaire de Badronx Corporation pour garder en otage cette protéctrice de la nature.
Les braconniers tentèrent de s’enfuir, Léa sortit le couteau et le lui jeta sur la jambe. Ils disparurent.
Les trois amis avaient enfin réussi à se dégager du danger du feu et des braconniers.
Tout à coup, Tom s’écria :
– Eh les amis j’ai trouvé quelque chose !
C’était un téléphone : celui de Naomi ?
Ils rappliquèrent, se réunirent autour de Tom, qui réussit à dévérouiller le télpéhone. Ils purent écouter un enregistrement dans lequel les braconniers se démasquaient et indiquaient où ils allaient emmener Naomi, leur captive !
3/ La cavale
Alors ils se sont mis à courir. A courir, courir, à pousser leurs corps tout au bout de leurs forces. Tom s’arrête un moment, hors d’haleine, il se tourne et il voit. Le feu plus grand qu’un immeuble, les immenses flammes ravageant les tuks et les palmiers.
– Viens, putain ! lui crie Léa en lui tendant la main.
La grande vague de chaleur les poursuit tous les trois, ils la sentent dans leurs jambes, dans leur cou, partout.
Dix minutes plus tard, le cœur au bord des lèvres, ils parviennent à sortir de la jungle et tombent sur la petite route asphaltée où se sont groupées quelques personnes du village voisin, abasourdies de voir des adolescents sortir de là.
– Une voiture, qui a une voiture ? demande Mehdi dans son anglais approximatif.
Personne ne comprend. Il fait le geste du volant : ça marche mieux. Un homme leur montre une épave, là-bas, dans laquelle ils montent. La jungle disparaît derrière eux.
Ils roulent depuis dix minutes déjà quand le type enfin leur demande :
– Where ?
– To Medan.
Tom se ronge les ongles.
– Les gars, qu’est-ce qu’on a fait…
– C’est trop tard pour se lamenter maintenant, dit Léa. On retrouve les autres, et on file ensemble chercher Naomi avant qu’ils l’emmènent en Colombie au siège de Badronx. On n’a plus de temps à perdre.
Lorsque Marc, Jeanne et les autres membres de l’ONG voient les trois amis débarquer sur le pas de la maison, sales, les yeux exorbités, le souffle court, ils hésitent entre la colère et le soulagement.
Après une courte et nécessaire engueulade, ils les font s’asseoir, leur donnent de l’eau et à manger. Mais déjà Tom leur dit :
– Il faut qu’on fasse vite. Ils ont enlevé Naomi.
– C’est qui Naomi ?
Les trois se regardent.
– Ok, il faut qu’on vous explique.
Marc et Jeanne roulent de grands yeux. Ils ont laissé s’échapper trois volontaires mineurs qui étaient sous leur responsabilité, lesquels ont failli être avalés par un incendie provoqué par une bande de braconniers. Tout va bien.
– La police vous cherche, dit Jeanne, dont les yeux lancent des éclairs. On a été obligés de les avertir.
– Qu’ils continuent, dit Léa. Nous il faut qu’on –
– J’ai une idée, la coupe Marc.
Tout le monde monte à bord du mini-bus d’Arka. Jeanne et Rashid ne voulaient pas, mais pas de temps pour tergiverser.
– Quand on est arrivés, j’ai vu une petite piste d’atterrissage derrière la grande route, vers la forêt, dit Marc. C’est peut-être là qu’ils ont emmené votre amie.
Le chauffeur fonce. Une heure plus tard, toujours rien.
– Est-ce qu’il a bien compris où c’était ? demande Tom.
– Visiblement pas.
Et alors, tout à coup, l’espace s’ouvre : un fin ruban d’asphalte entouré de grillages apparaît. Tom, Léa et Mehdi sont déjà dehors. Il courent vers la carcasse de l’avion, qu’on aperçoit tout au bout là-bas. Les hélices commencent à tourner.
– Par là ! dit Marc, qui se glisse par une petite ouverture sous le grillage, suivi par les autres.
Tous courent vers l’avion. Qui vrombit, vrombit, et s’élance sur la piste.
Léa, Tom et Mehdi et les adultes se tiennent en bout de piste, les bras ballants.
L’avion décolle. Mehdi prend sa tête entre ses mains.
Et alors, derrière eux, une voix légèrement fêlée se fait entendre : - Je peux vous aider ?
Ils se retournent. Cinq militaires se tiennent debout devant eux.
4/La rencontre : Octavia, une alliée pleine de charme
Léa, Tom et Mehdi, complètement surpris, regardent les militaires sans bien comprendre ce qui arrive. Ils sentent le stress monter et se demandent d’où vient la voix qui leur proposait de l’aide à l’instant. Les militaires crient :
« Stop ! Your document please ! »
C’est alors que surgit de derrière un container une jeune femme à la voix rauque qui intervient et parlemente avec les soldats dans la langue du pays. Les jeunes n’y comprennent vraiment plus rien. Medhi est subjugué par Octavia. Tom et Léa s’interroge, est-elle des leurs ?
Octavia vient d’apparaître et Medhi n’a d’yeux que pour elle. Il est fasciné par sa coiffure : elle a des cheveux noirs avec des tresses plaquées aux reflets bleutés, un maquillage qui souligne ses yeux bleus où brillent des paillettes dorées autour de la pupille. Elle porte un anneau à la narine gauche, elle est grande et élancée.
Elle parle français mais avec un accent très mignon qui la rend encore plus charmante. Les militaires laissent les adolescents partir avec Octavia qui a promis aux militaires de les ramener le plus vite possible avec leurs papiers d’identité restés à l’hôtel. Elle a réussi à berner les soldats de belle manière et à sauver les trois amis d’une situation compliquée.
Sur le trajet en direction de la planque d’Octavia, Mehdi lui demande pourquoi elle les aide. Octavia leurs explique comment elle a rencontré Naomi dans une manifestation, elle sont devenues amies, et alors qu’elle allait la rejoindre chez elle, elle a vu des agents de Badronx Corporation la kidnapper. Elle sait où la trouver : il leur faut aller à la filiale de cette grande société située à proximité. Arrivés à la planque, Octavia leur explique son plan et donne ses consignes :
« Il nous faudra du matériel : des cordes, deux tenues de chimiste, un flacon de chloroforme, des chiffons, deux talkies-walkies, une bombe au poivre pour se défendre et bien sûr, nous répartir les rôles. Je rentrerai dans le bâtiment, qui est volontaire pour être à mes côtés ? » A ces mots, Medhi saisit l’occasion de passer du temps avec elle et peut être même de la protéger :
« Moi ! dit-il les yeux pétillants.
– Ok, donc Léa et Tom, vous ferez le guet. Chaque binôme a un talkie-walkie ? »
Les affaires sont rassemblées à toute vitesse et le groupe se met en route, direction le siège de Badronx Corporation où se trouve Naomi.
Le groupe arrive devant un immense bâtiment, prêt à suivre le plan à la lettre. Medhi et Octovia enfilent les tenues de chimiste et les masques. Medhi essaye de faire la courte échelle à Octavia mais ils n’atteignent pas le haut du mur. Ils font le tour du bâtiment et aperçoivent un chimiste fumant une cigarette vers l’issue de secours. Ils s’approchent de lui. Octavia lui adresse la parole tandis que Medhi, qui se tient derrière, l’endort avec un chiffon imbibé de chloroforme. Ils récupèrent la carte magnétique de ce dernier et entrent sans problème dans le bâtiment. Ils croisent d’autres employés, les saluent sans se faire repérer et arrivent au poste de sécurité. La chance est avec eux, il est désert. Ils peuvent donc chercher où se trouve Naomi sur les écrans. Ils l’aperçoivent ligotée sur une chaise, dans la salle des coffres, au niveau -2. Reste à présent à la délivrer…
Une amitié à tout épreuve.
Octavia et les jeunes élaborèrent un plan pour délivrer leur amie. Ils se séparèrent en deux groupes. Octavia et Mehdi décidèrent de partir à la recherche de Naomie. Pour les diriger, Léa et Tom leur donneraient des instructions depuis la salle de contrôle via un système de micro- oreillettes.
Octavia remarqua que l’ascenseur était en panne. Léa proposa donc de prendre les escaliers. Heureusement, ils pourraient circuler dans les couloirs tranquillement car ils n’étaient pas surveillés. La jeune indonésienne se rendit compte que de nombreuses salles de l’usine étaient désaffectées et qu’elles étaient en réalité un repaire pour les bandits.
La salle des coffres était située au niveau -2 au bout du couloir de droite et était sous la surveillance constante de deux gardes. Léa conseilla à Octavia et Medhi d’être très discrets. Tom trouva une idée : il demanda à Octavia de lui donner sa bague et, pour faire diversion, il la jeta à l’opposé de là où ils se situaient. Les gardes se dirigèrent immédiatement vers le bruit. Tom et Octavia coururent et les assommèrent avec les chaises laissées vacantes. Ils fouillèrent les corps et prirent les clés de la salle. Octavia proposa à Mehdi de se déguiser en garde pour entrer plus discrètement.
Léa alerta ses amis de l’arrivée d’un fourgon noir sur le parking. Le transfert de Naomie était imminent ; il fallait donc se dépêcher.
Ils trouvèrent leur amie ligotée sur une chaise. Les retrouvailles furent de courtes de durée, ils s’échappèrent aussi rapidement que possible alors qu’Octavia faisait diversion en déclenchant l’alarme incendie. Léa aperçut sur les écrans de la salle de contrôle les ouvriers du premier sous-sol se diriger vers les issues de secours. Au même moment, les forces de l’ordre arrivèrent sur le parking toutes sirènes hurlantes. Heureusement, Tom et Léa avaient eu l’heureuse idée de les prévenir de leur localisation et de la situation de Naomie.
Cette dernière allait enfin pouvoir se rendre sur les lieux du congrès qui se situait à seulement quelques kilomètres de là afin de prononcer son discours devant les représentants des Nations Unies.
La jeune fille monta sur l’estrade avec quelques minutes de retard seulement. Elle ajusta le micro et fixa son regard déterminé vers la salle plongée dans la pénombre. Les quatre amis retenaient leur souffle :
« Bonjour à toutes et à tous,
Je suis Naomi Lehner, je suis allemande et j’ai parcouru des milliers de kilomètres pour être avec vous aujourd’hui. Dans l’avion, j’imaginais des décors de cartes postales et je me réjouissais à l’avance de découvrir des paysages préservés. Mais, en réalité, j’idéalisais Sumatra : ses forêts tropicales, sa faune et sa flore stupéfiantes où les tigres, les rhinocéros, les orangs-outans vivaient encore en parfaite harmonie. Quel choc et quelle déception ! Une odeur de brûlé, de longs nuages de cendres et un ciel couleur de sang, voilà ce que j’ai découvert ! Oui, en ce moment même, le ciel est rouge de colère. Alors, je vous le demande… La jeune fille regarda l’assemblée avec insistance et continua la gorge nouée.
Comment pouvez-vous laisser, cette année encore, des feux détruire des hectares de forêt ? Comment pouvez-vous laisser disparaître notre patrimoine naturel ? Les animaux de la forêt de Sumatra disparaissent les uns après les autres à cause de la déforestation et des feux causés par les humains. Comment pouvez-vous, année après année, laisser notre planète partir en fumée ? Notre futur brûle, c’est devenu inimaginable, impensable… Les yeux plein de larmes, Naomi reprit. C’est tellement absurde de laisser notre planète mourir. Notre avenir sur terre va se réduire en cendres. Ces feux aggravent la situation à l’échelle mondiale. C’est à cause de nous que la planète meurt, c’est à cause de nous que nos enfants et nos petits enfants auront une vie désastreuse. IL FAUT QUE CELA CESSE ! »
Son discours avait déclenché une salve d’applaudissements. Nos trois amis, très émus par ce succès, partirent triomphants la retrouver dans les coulisses pour la féliciter. Ils étaient allés au bout de leur mission et ils étaient désormais unis par une amitié solide et par la force de leur engagement.