histoire 10

Prologue

La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.

histoire 10
Leonora Miano

1/ Chapitre 1

Salomé n’avait pas vu sa mère de la journée. A peine l’avait-elle entendue quitter la maison, le moteur de sa voiture vrombissant à l’aurore, les roues du véhicule crissant sur le gravier blanc de l’allée, avant de s’élancer à l’extérieur. Elle s’en allait tôt pour éviter les embouteillages, traverser la ville, passer à temps le pont qui la coupait en deux, être la première arrivée au dispensaire. En réalité, elle n’était jamais vraiment la première sur les lieux. Des malades se bousculaient déjà aux portes. Des femmes portant leurs enfants sur la hanche. Jeunes gens atteints de paludisme chronique. Des vieillards dont il faudrait retirer des vers de Cayor ou traiter les filaires. Une foule dont il faudrait se charger jusqu’à la tombée de la nuit. C’était lundi. La semaine serait longue et harassante.
Rentrée du collège où elle venait d’entrer en classe de sixième après avoir été brillamment reçue au concours national sans lequel la chose n’était pas envisageable, Salomé tournait en rond dans la maison. Le chauffeur était passé la prendre comme toujours, et l’avait ramenée sans faire de détour. Elle ne l’avait pas prié de s’arrêter pour acheter des soyas, ces brochettes de bœuf vendues aux abords des rues, dont la consommation lui était interdite. Elle ne lui avait pas non plus demandé d’attendre qu’elle s’offre un cône d’arachides grillées, dont un marchand faisait sauter les pelures en l’air avant de servir ses clients. En temps normal, Salomé ne reculait pas devant ces manquements aux lois parentales, dépensant allègrement son argent de poche, afin de se sentir appartenir au peuple de son pays. Vivre comme les autres. Etre un temps parmi eux, pas seulement à côté.
La chambre de sa cousine Sephora se trouvait à côté de la sienne. Elle eut envie d’y pénétrer pour l’attendre comme elle le faisait souvent, préparant une partie de Monopoly ou de Scrabble. Elles aimaient jouer avant de se consacrer à leurs devoirs. Sephora ne tarderait plus, à présent. La perspective de ces amusements ne suscita qu’une joie éphémère chez Salomé. Elle resta interdite devant la porte, se remémorant les paroles de sa mère. C’était de Sephora et de son frère Abel qu’elle parlait, lorsqu’elle avait dit : « Ce sont nos gens. » Hier, Abel était passé voir sa sœur. Il était aussi porteur d’un message envoyé par ses parents à ceux de Salomé. Le contenu de la missive était un mystère. Tout ce que Salomé savait, c’était que sa mère s’était emportée, qu’elle avait crié, que son mari lui avait demandé pourquoi parler sur ce ton à un enfant. C’était là qu’elle avait lancé : « Ce sont nos gens, je leur parle comme il me sied… »
Salomé tourna les talons, se dirigea vers sa chambre, se laissa choir sur son lit. La bonne avait pris soin de mettre en marche le climatiseur. Une fraîcheur apaisante enveloppait les lieux. Elle laissa errer son regard dans la pièce. Un revêtement rose couvrait les murs. Il y avait un bureau en acajou, des étagères supportant des livres et, sur la table de chevet, un ghetto blaster reçu à Noël. Une épaisse moquette tapissait le sol, si bien qu’elle n’entendait jamais le bruit de ses propres pas, quand elle se trouvait dans cette pièce. Face au lit, une porte donnait sur une salle de bain, avec un dressing mitoyen. C’était là que Sephora venait faire sa toilette. Sa chambre à elle ne disposait pas des mêmes commodités. Ses vêtements étaient rangés dans une malle, comme s’il lui fallait se tenir prête à s’en aller à tout moment.
La fillette se mit à songer, pour la première fois, à toutes les différences qu’elle n’avait jamais interrogées. Sephora vivait dans la même maison, mais fréquentait une école publique, dans un des quartiers populaires de la ville. Le chauffeur ne l’y conduisait pas. Elle prenait un taxi de ramassage [1] pour s’y rendre, rentrait quelquefois à pied pour économiser un peu d’argent. Le samedi, alors que Salomé faisait la grasse matinée, il n’était pas rare que sa mère envoie Sephora au marché ou ailleurs, faire quelque commission. Il n’y avait là rien qui ressemble à de la torture, Sephora n’était pas maltraitée. D’ailleurs, elle ne se plaignait de rien. Ses parents l’avaient confiée à ses oncle et tante, parce qu’ils pensaient qu’elle aurait, grâce à eux, de meilleures chances dans la vie.
Au fond d’elle Salomé entendait une petite voix lui dire qu’il y avait quelque chose. Ce n’était pas uniquement parce que Sephora n’était pas leur enfant, que ses parents ne s’adressaient jamais à elle en français, ne lui parlant que cette langue ancestrale qu’ils ne transmettaient pas à leur fille. Ce n’était pas pour cette seule raison que ses vêtements n’étaient jamais commandés à la Redoute, ni achetés dans les magasins hors de prix où se rendaient les expatriés européens pour maintenir leur style de vie. Et si elle ne s’autorisait à regarder un film sur le magnétoscope qu’à l’invitation de Salomé, ce n’était pas, là non plus, parce que cette maison n’était pas celle de ses géniteurs. C’était parce qu’elle appartenait à cette caste mystérieuse, celle des « nos gens ».
Le cœur de Salomé se glaça, lorsqu’elle entendit grincer le portail. Sephora rentrait. Elle l’entendit prendre gaiement congé d’une camarade de classe. Le gravier blanc de l’allée bruissa sous ses pieds comme tous les jours, et comme tous les jours, elle s’arrêta pour humer le parfum des fleurs du frangipanier planté dans la cour, face au manguier, à quelques pas d’un arbre du voyageur dont on prenait grand soin. Sephora avait l’âge d’être en troisième, mais elle n’était qu’en cinquième à cette année, ayant échoué à deux reprises au concours d’entrée en sixième. C’était après son second échec à l’examen national qu’elle était venue vivre avec eux. Salomé se souvenait du conseil de famille qui avait entériné la décision. Puisqu’on ne lui disait jamais rien ou pas grand-chose d’important, elle avait écouté aux portes. Ses parents l’ignoraient, mais elle comprenait parfaitement la langue secrète, la langue non transmise des ancêtres.
Bientôt, on frappa trois coups guillerets à la porte de sa chambre. Le sourire de Sephora illumina la pièce, et son accent d’enfant des quartiers envahit l’espace : « Tu es déjà là ! Je t’ai gardé. » Ces derniers mots signifiaient qu’elle avait pensé à sa cousine, et lui avait rapporté quelque friandise proscrite, afin de partager avec elle la saveur du pays réel. Salomé se redressa, incapable, toutefois, de lui rendre son sourire. Devant la mine étonnée de cette cousine dont elle n’était plus certaine de connaître le statut, elle dit simplement : « Il faut qu’on parle. »

histoire 10
Collège Pierre de Ronsard

2/ Chapitre 2

Leur discussion intrigua beaucoup Séphora. En effet quand Salomé lui avait dit trouver une forte ressemblance entre elle et son propre père, la jeune adolescente avait beaucoup ri puis après avoir balancé à Salomé, qu’elle avait beaucoup trop d’imagination, elle avait quitté sa cousine pour vaquer à ses occupations.
Mais au fil des jours, la remarque de Salomé la rongeait. Depuis trois jours elle ne pensait plus qu’à ça. Le matin dès le réveil puis pendant la journée au collège, après les cours quand elle faisait ses devoirs et le soir durant le dîner jusqu’au moment où elle s’endormait. Le dimanche elle passa sa journée sur son lit à y penser. Cette remarque l’obsédait. Pourquoi sa tante parlait aussi mal à sa mère qui était pourtant sa sœur ? Pourquoi ressemblait-elle autant à son oncle ? Qu’avaient-ils en commun ? Toutes ces questions se bousculaient dans la tête de Séphora. Ce doute devenait trop encombrant, demain elle irait faire part de son désarroi à Salomé.
Le soir même Salomé lui en donna l’occasion :
 « Montons dans ma chambre dit-elle à sa cousine ! ».
Salomé et Séphora vivent dans la même maison depuis des années. Cependant, sans qu’elles ne sachent pourquoi, les deux cousines n’avaient pas la possibilité d’entrer dans la chambre l’une de l’autre. Doria, la mère de Salomé l’avait toujours interdit.
Elles ne vivaient de toute manière pas dans la même partie de la maison. Salomé vivait dans la grande bâtisse principale qui ressemblait à une grande maison européenne ce qui ne l’avait jamais choquée puisque son père avait vécu en Europe. Séphora vivait quant à elle dans une dépendance.
Arrivée devant la chambre de Salomé, Séphora s’arrêta...
Elle regardait partout. La Chambre était vaste, remplie de jeux et de peluches.
Salomé, voyant que sa cousine n’osait entrer, lui dit :
« N’aie-pas peur, mes parents ne reviennent que tard ce soir et personne ne leur dira ! »
Mais Séphora restait devant la chambre. Elle n’avait pas fait attention à ce que disait sa cousine. Elle était impressionnée par la taille de la pièce. Les murs avaient de belles couleurs. Le matelas était posé sur un lit avec de jolis pieds et non à même le sol comme le sien. Il y a avait même un grand lustre au plafond qui devait servir à éclairer le soir.
« - Ta chambre n’est pas comme ça ?, demanda Salomé.
- Non........ »
Les deux cousines se posaient beaucoup de questions. L’idée de Salomé se renforçait.
Mais pourquoi ce mensonge ?

Après un moment d’hésitation, Séphora se lança
- j’ai réagi stupidement la dernière fois : ce que tu m’as dit m’angoisse. Je suis hantée par cette discussion et me sens de plus en plus mal, j’ai des doutes. Dorénavant faisons plus attention à ce qu’il se passe dans cette maison.
- D’accord !
Salomé exposa son plan.
Quand elle eut fini sa cousine la regarda, surprise et dit simplement :
- Maintenant ?
- Non, répondit-elle, mais demain soir, sors par ta fenêtre et viens me rejoindre au fond du jardin, je t’y attendrais.
- D’accord, à demain !
« sois discrète » ajouta Salomé en son for intérieur, en regardant la silhouette de sa cousine s’évanouir dans l’ombre du couloir.

 Assise dans le jardin, Salomé regardait le ciel en priant pour que son plan n’attire pas l’attention de ses parents, de sa mère surtout. Soudain des éclats de voix retentissant dans la maison la tirèrent de sa rêverie. Elle s’approcha silencieusement de la fenêtre entrouverte par laquelle les voix furieuses de ses parents se disputant lui parvenaient :
- Mais qu’allons-nous faire d’elle ? dit son père.
Salomé pâlit.

histoire 10
Christelle BARRAGO

3/ Chapitre 3

Salomé ayant passé une nuit agitée, se leva les yeux gonflés de sommeil et de larmes. Elle descendit comme si de rien n’était, anxieuse toutefois à l’idée de se trouver face à ses parents et d’avoir à entendre leurs reproches .
Elle prit alors une grande inspiration et se lança :
 « Je peux tout vous expliquer ; ce n’est pas parce que c’est un garçon « du quartier », qu’il n’est pas fréquentable.
 Comment ça !? Mais de qui parles-tu ?
 Je vous ai entendus hier soir, vous disputer à mon sujet, et je voulais tout vous expliquer... »

Salomé se rendit compte que ses parents et elle n’étaient pas sur la même longueur d’ondes et se sentit prise au piège . Ils ne parlaient vraisemblablement pas de la même chose.
Salomé se sauva dans sa chambre, prétextant son retard à l’école et essaya de joindre Séphora sur le portable qu’elle lui avait offert en secret.
La sonnerie se fit entendre dans la chambre voisine, mais personne ne répondit. Séphora était partie à l’école sans son téléphone.
Salomé avait un besoin impérieux de parler à sa cousine. Elle descendit donc rejoindre son chauffeur qui l’attendait devant la maison, et lui demanda de faire un détour par l’école de Séphora.
Arrivée devant l’établissement, Salomé descendit et la rejoignit alors qu’elle arrivait.
Elle congédia le chauffeur.
Les deux filles passèrent devant le collège mais firent ce jour là l’école buissonnière.

Salomé expliqua à Séphora la dispute entre ses parents entendue la veille, et le quiproquo qui l’avait conduite à parler de son ami du quartier. Salomé s’effondra en larmes.

histoire 10
Collège Daisy Georges Martin

4/ Chapitre 4

Texte à compléter

« Je ne pourrai jamais le revoir » murmura Salomé. « j’ai réussi jusqu’à présent à déjouer leur attention mais depuis qu’ils ont eu connaissance des escapades, ils me font surveiller…
La porte s’ouvrit brusquement. La mère de Salomé se tenait droite, les mains sévèrement posées sur les hanches. Le père de la jeune fille se tenait derrière, silencieux. Il regarda Séphora s’éloigner. Elle n’avait pas sa place dans la conversation.
Ce fut sa femme qui annonça la nouvelle. Pour mettre fin aux mauvaises fréquentations de leur fille, Salomé partirait dans quelques jours pour la France, plus exactement à Paris. Une excellente pension l’accueillerait. Elle y poursuivrait ses études et une cousine l’hébergerait les week end. Salomé reçut cette nouvelle comme un coup de poignard. Ses jambes se dérobaient, la tête lui tournait. Elle était perdue ; elle ne connaissait pas la France et tout ce qu’elle avait entendu dire sur cette cousine lui faisait déjà la détester.
Pendant le repas personne ne parla. Salomé se réfugia rapidement dans sa chambre. Elle feuilleta un livre rempli de photos prises avec Séphora. Elle ne l’avait jamais quittée. Elle fit aussi ses adieux à ses camarades d’école. Ils étaient tristes, bien sûr, mais en même temps, Salomé lisait dans leurs yeux, une expression d’envie, partir en France représentait un rêve inatteignable pour beaucoup.
A présent, Salomé était assise dans l’avion. Elle boucla sa ceinture. L’avion décolla. Elle regardait par le hublot l’aéroport de Yaoundé Nsimalen s’éloigner peu à peu. Malgré quelques nuages et l’altitude, elle pouvait encore distinguer les lumières éclairant les rues de Yaoundé. Des souvenirs jaillirent alors : les jours de marché où elle se rendait avec son père, les expéditions en voiture pour aller visiter une cousine dans le village de Messondo, les vacances à Limbé et ses plages de sable noir. Elle devait dire adieu au Cameroun, à l’Afrique. Beaucoup de tristesse et de nostalgie envahirent Salomé. Elle devait faire face à des sentiments nouveaux,la mélancolie, la peur mais aussi peut-être une excitation de découvrir la France dont on lui parlait si souvent. Un tas de questions assaillaient son esprit : comment serait Paris ? La ville serait-elle aussi belle qu’elle avait pu voir dans des livres ou serait-ce cette ville triste, sans lumière ni couleur dont témoignait la cousine dans ses lettres ?
Après quelques heures d’avion et après avoir ressassé les derniers événements qui avaient bouleversé sa vie, la voix de l’hôtesse la sortit de sa rêverie. L’avion entamait sa descente vers l’aéroport Charles de Gaulle. Elle scrutait avec attention le paysage qui s’offrait à ses yeux à travers le hublot. Le temps était brumeux. Tout au plus arrivait-elle à distinguer des champs bien dessinés entrecoupés de routes et de petites maisons.
Plus tard, une voiture la mena directement à son internat. Elle fut accueillie par la directrice, Madame Letelle , une femme autoritaire qui lui avait expliqué les règles de l’établissement en l’examinant de la tête au pied. Ses cheveux étaient coiffés en un chignon très serré. Elle portait de petites lunettes rondes qui lui donnaient l’air de scruter ses interlocuteurs jusqu’aux tréfonds de leur âme. Elle portait un tailleur foncé qu’aucun bijou ne venait égayer. Elle montra sa chambre à Salomé puis l’abandonna. Cette dernière, livrée à elle-même, s’installa le cœur gros. Elle s’assit sur le lit et se mit à observer les murs. Ils n’étaient pas vétustes mais suffisamment vieux pour que la peinture s’écaille par endroit. Elle sortit de sa valise du papier à lettre et commença : Chère Séphora….

histoire 10
Collège Charles de Foucauld

5/ Chapitre 5

Chère Sephora,
J’espère que tu vas bien. Cela fait trois semaines que je t’ai envoyé ma lettre, mais aucune réponse... Que se passe-t-il ? Je suis vraiment très inquiète ! La semaine dernière, encore, je suis tombée malencontreusement dans les escaliers. J’ai senti quelqu’un me pousser, mais personne à l’horizon. Elle a sûrement dû s’enfuir pendant ma chute. Je ne me sens pas à ma place dans ce pensionnat tout délabré. Mes origines dérangent tout le monde et les moqueries fusent. J’ai le mal du pays, ma famille me manque et le soleil aussi. Je suis désemparée, je n’ai plus le goût de vivre, même les bonnes nouvelles me laissent indifférente. Je reste dans ma chambre toute la journée prétextant une maladie inconnue de ce pays, seule à attendre désespérément l’une de tes lettres. Demande à mes parents pourquoi ils ne me ramènent pas au Cameroun.
J’ai besoin de toi et de leur soutien pour ne pas lâcher prise. Je doute qu’ils tiennent à moi… Te souviens-tu de Marcelin, le garçon que j’avais rencontré juste avant de partir à Paris ? Peux-tu me donner de ses nouvelles ? Il me manque terriblement.
J’espère que tu recevras bien ma lettre et que tu me répondras cette fois-ci.
Bisous
Salomé

Salomé se tenait seule, à l’écart de ses camarades de l’internat, parce qu’elle n’avait reçu aucune réponse aux lettres envoyées à Sephora. En sortie scolaire avec sa classe, elle visitait Paris à bord d’un bus à deux étages pour touristes. Ils arrivèrent au musée du Louvre. Lorsque le bus s’arrêta, Salomé ne descendit pas avec son groupe. Elle se tapit derrière le dernier siège. L’autocar repartit en direction de l’arrêt suivant, rue de Rivoli. Une dizaine de minutes plus tard, il arriva. Elle sortit de sa cachette en courant de toutes ses forces avant d’errer seule, perdue dans les rues de Paris qu’elle ne connaissait pas. Elle changea de ruelle et vit au loin un magasin de vêtements. Elle rentra mais l’un des vigiles l’interpella. Elle se rapprocha de lui et demanda :
« Bonjour monsieur, qu’y a-t-il ?
 Que fais-tu seule pendant ces heures de cours ? répliqua-t-il.
 Euh…
 Viens avec moi au bureau du directeur sans chipoter. »
Il lui attrapa le bras et commença à l’emmener. Suite à l’entrevue, le directeur du magasin prit l’initiative de contacter la police. Lorsque les gardiens de la paix entrèrent, elle se leva et partit avec eux. Ils arrivèrent au commissariat aux environs de 16 heures. Les policiers prévinrent l’internat de la fugue de l’une de ses élèves.
Outré et paniqué le directeur, Mr Dupont, convoqua l’ensemble des éducateurs pour leur transmettre l’information et les réprimanda sévèrement. Suite à cela, Mr Dupont alerta les parents. Ceux-ci restèrent sous le choc de l’annonce, mais le directeur les réconforta en les informant que Salomé avait été retrouvée saine et sauve par la police et qu’elle serait très rapidement ramenée à l’internat.
La mère de Salomé, Geneviève, était opposée à l’idée de son mari qui voulait faire rentrer sa fille au Cameroun. Elle voulait la laisser à Paris, mais dans un nouvel internat car elle n’avait plus confiance en celui-ci. Une énième dispute éclata entres les parents qui n’étaient plus du tout en accord sur l’avenir de leur fille. Finalement le père obtint gain de cause, et à contrecœur, Geneviève accepta que Salomé revienne au pays.
Après avoir bouclé ses valises, Salomé quitta le pensionnat, accompagnée par le directeur, pour rejoindre le Cameroun à sa grande joie. Arrivée à l’aéroport, elle enregistra ses bagages et fit ses adieux au directeur. Elle monta dans l’avion. Une hôtesse de l’air prénommée Christine la prit en charge pour que le voyage soit plus rassurant.
De retour au pays, Jean-René le majordome de la famille récupéra Salomé à l’aéroport et la conduisit à la demeure familiale. Ses parents l’attendaient pour lui annoncer une mauvaise nouvelle : ils allaient divorcer. Ils lui demandèrent de réfléchir. Voulait-elle aller vivre chez son père ou chez sa mère ? Elle se mit à pleurer, puis elle hésita et elle demanda qu’on lui laisse la nuit pour réfléchir.
Le jour se leva et elle réunit ses parents pour leur annoncer sa décision. Elle choisit son père car il lui laisserait sans aucun doute plus de liberté. Sa mère quitta la maison.

histoire 10
Leonora Miano

1/ Chapitre 1

Salomé n’avait pas vu sa mère de la journée. A peine l’avait-elle entendue quitter la maison, le moteur de sa voiture vrombissant à l’aurore, les roues du véhicule crissant sur le gravier blanc de l’allée, avant de s’élancer à l’extérieur. Elle s’en allait tôt pour éviter les embouteillages, traverser la ville, passer à temps le pont qui la coupait en deux, être la première arrivée au dispensaire. En réalité, elle n’était jamais vraiment la première sur les lieux. Des malades se bousculaient déjà aux portes. Des femmes portant leurs enfants sur la hanche. Jeunes gens atteints de paludisme chronique. Des vieillards dont il faudrait retirer des vers de Cayor ou traiter les filaires. Une foule dont il faudrait se charger jusqu’à la tombée de la nuit. C’était lundi. La semaine serait longue et harassante.
Rentrée du collège où elle venait d’entrer en classe de sixième après avoir été brillamment reçue au concours national sans lequel la chose n’était pas envisageable, Salomé tournait en rond dans la maison. Le chauffeur était passé la prendre comme toujours, et l’avait ramenée sans faire de détour. Elle ne l’avait pas prié de s’arrêter pour acheter des soyas, ces brochettes de bœuf vendues aux abords des rues, dont la consommation lui était interdite. Elle ne lui avait pas non plus demandé d’attendre qu’elle s’offre un cône d’arachides grillées, dont un marchand faisait sauter les pelures en l’air avant de servir ses clients. En temps normal, Salomé ne reculait pas devant ces manquements aux lois parentales, dépensant allègrement son argent de poche, afin de se sentir appartenir au peuple de son pays. Vivre comme les autres. Etre un temps parmi eux, pas seulement à côté.
La chambre de sa cousine Sephora se trouvait à côté de la sienne. Elle eut envie d’y pénétrer pour l’attendre comme elle le faisait souvent, préparant une partie de Monopoly ou de Scrabble. Elles aimaient jouer avant de se consacrer à leurs devoirs. Sephora ne tarderait plus, à présent. La perspective de ces amusements ne suscita qu’une joie éphémère chez Salomé. Elle resta interdite devant la porte, se remémorant les paroles de sa mère. C’était de Sephora et de son frère Abel qu’elle parlait, lorsqu’elle avait dit : « Ce sont nos gens. » Hier, Abel était passé voir sa sœur. Il était aussi porteur d’un message envoyé par ses parents à ceux de Salomé. Le contenu de la missive était un mystère. Tout ce que Salomé savait, c’était que sa mère s’était emportée, qu’elle avait crié, que son mari lui avait demandé pourquoi parler sur ce ton à un enfant. C’était là qu’elle avait lancé : « Ce sont nos gens, je leur parle comme il me sied… »
Salomé tourna les talons, se dirigea vers sa chambre, se laissa choir sur son lit. La bonne avait pris soin de mettre en marche le climatiseur. Une fraîcheur apaisante enveloppait les lieux. Elle laissa errer son regard dans la pièce. Un revêtement rose couvrait les murs. Il y avait un bureau en acajou, des étagères supportant des livres et, sur la table de chevet, un ghetto blaster reçu à Noël. Une épaisse moquette tapissait le sol, si bien qu’elle n’entendait jamais le bruit de ses propres pas, quand elle se trouvait dans cette pièce. Face au lit, une porte donnait sur une salle de bain, avec un dressing mitoyen. C’était là que Sephora venait faire sa toilette. Sa chambre à elle ne disposait pas des mêmes commodités. Ses vêtements étaient rangés dans une malle, comme s’il lui fallait se tenir prête à s’en aller à tout moment.
La fillette se mit à songer, pour la première fois, à toutes les différences qu’elle n’avait jamais interrogées. Sephora vivait dans la même maison, mais fréquentait une école publique, dans un des quartiers populaires de la ville. Le chauffeur ne l’y conduisait pas. Elle prenait un taxi de ramassage [1] pour s’y rendre, rentrait quelquefois à pied pour économiser un peu d’argent. Le samedi, alors que Salomé faisait la grasse matinée, il n’était pas rare que sa mère envoie Sephora au marché ou ailleurs, faire quelque commission. Il n’y avait là rien qui ressemble à de la torture, Sephora n’était pas maltraitée. D’ailleurs, elle ne se plaignait de rien. Ses parents l’avaient confiée à ses oncle et tante, parce qu’ils pensaient qu’elle aurait, grâce à eux, de meilleures chances dans la vie.
Au fond d’elle Salomé entendait une petite voix lui dire qu’il y avait quelque chose. Ce n’était pas uniquement parce que Sephora n’était pas leur enfant, que ses parents ne s’adressaient jamais à elle en français, ne lui parlant que cette langue ancestrale qu’ils ne transmettaient pas à leur fille. Ce n’était pas pour cette seule raison que ses vêtements n’étaient jamais commandés à la Redoute, ni achetés dans les magasins hors de prix où se rendaient les expatriés européens pour maintenir leur style de vie. Et si elle ne s’autorisait à regarder un film sur le magnétoscope qu’à l’invitation de Salomé, ce n’était pas, là non plus, parce que cette maison n’était pas celle de ses géniteurs. C’était parce qu’elle appartenait à cette caste mystérieuse, celle des « nos gens ».
Le cœur de Salomé se glaça, lorsqu’elle entendit grincer le portail. Sephora rentrait. Elle l’entendit prendre gaiement congé d’une camarade de classe. Le gravier blanc de l’allée bruissa sous ses pieds comme tous les jours, et comme tous les jours, elle s’arrêta pour humer le parfum des fleurs du frangipanier planté dans la cour, face au manguier, à quelques pas d’un arbre du voyageur dont on prenait grand soin. Sephora avait l’âge d’être en troisième, mais elle n’était qu’en cinquième à cette année, ayant échoué à deux reprises au concours d’entrée en sixième. C’était après son second échec à l’examen national qu’elle était venue vivre avec eux. Salomé se souvenait du conseil de famille qui avait entériné la décision. Puisqu’on ne lui disait jamais rien ou pas grand-chose d’important, elle avait écouté aux portes. Ses parents l’ignoraient, mais elle comprenait parfaitement la langue secrète, la langue non transmise des ancêtres.
Bientôt, on frappa trois coups guillerets à la porte de sa chambre. Le sourire de Sephora illumina la pièce, et son accent d’enfant des quartiers envahit l’espace : « Tu es déjà là ! Je t’ai gardé. » Ces derniers mots signifiaient qu’elle avait pensé à sa cousine, et lui avait rapporté quelque friandise proscrite, afin de partager avec elle la saveur du pays réel. Salomé se redressa, incapable, toutefois, de lui rendre son sourire. Devant la mine étonnée de cette cousine dont elle n’était plus certaine de connaître le statut, elle dit simplement : « Il faut qu’on parle. »

histoire 10
Collège Pierre de Ronsard

2/ Chapitre 2

Leur discussion intrigua beaucoup Séphora. En effet quand Salomé lui avait dit trouver une forte ressemblance entre elle et son propre père, la jeune adolescente avait beaucoup ri puis après avoir balancé à Salomé, qu’elle avait beaucoup trop d’imagination, elle avait quitté sa cousine pour vaquer à ses occupations.
Mais au fil des jours, la remarque de Salomé la rongeait. Depuis trois jours elle ne pensait plus qu’à ça. Le matin dès le réveil puis pendant la journée au collège, après les cours quand elle faisait ses devoirs et le soir durant le dîner jusqu’au moment où elle s’endormait. Le dimanche elle passa sa journée sur son lit à y penser. Cette remarque l’obsédait. Pourquoi sa tante parlait aussi mal à sa mère qui était pourtant sa sœur ? Pourquoi ressemblait-elle autant à son oncle ? Qu’avaient-ils en commun ? Toutes ces questions se bousculaient dans la tête de Séphora. Ce doute devenait trop encombrant, demain elle irait faire part de son désarroi à Salomé.
Le soir même Salomé lui en donna l’occasion :
 « Montons dans ma chambre dit-elle à sa cousine ! ».
Salomé et Séphora vivent dans la même maison depuis des années. Cependant, sans qu’elles ne sachent pourquoi, les deux cousines n’avaient pas la possibilité d’entrer dans la chambre l’une de l’autre. Doria, la mère de Salomé l’avait toujours interdit.
Elles ne vivaient de toute manière pas dans la même partie de la maison. Salomé vivait dans la grande bâtisse principale qui ressemblait à une grande maison européenne ce qui ne l’avait jamais choquée puisque son père avait vécu en Europe. Séphora vivait quant à elle dans une dépendance.
Arrivée devant la chambre de Salomé, Séphora s’arrêta...
Elle regardait partout. La Chambre était vaste, remplie de jeux et de peluches.
Salomé, voyant que sa cousine n’osait entrer, lui dit :
« N’aie-pas peur, mes parents ne reviennent que tard ce soir et personne ne leur dira ! »
Mais Séphora restait devant la chambre. Elle n’avait pas fait attention à ce que disait sa cousine. Elle était impressionnée par la taille de la pièce. Les murs avaient de belles couleurs. Le matelas était posé sur un lit avec de jolis pieds et non à même le sol comme le sien. Il y a avait même un grand lustre au plafond qui devait servir à éclairer le soir.
« - Ta chambre n’est pas comme ça ?, demanda Salomé.
- Non........ »
Les deux cousines se posaient beaucoup de questions. L’idée de Salomé se renforçait.
Mais pourquoi ce mensonge ?

Après un moment d’hésitation, Séphora se lança
- j’ai réagi stupidement la dernière fois : ce que tu m’as dit m’angoisse. Je suis hantée par cette discussion et me sens de plus en plus mal, j’ai des doutes. Dorénavant faisons plus attention à ce qu’il se passe dans cette maison.
- D’accord !
Salomé exposa son plan.
Quand elle eut fini sa cousine la regarda, surprise et dit simplement :
- Maintenant ?
- Non, répondit-elle, mais demain soir, sors par ta fenêtre et viens me rejoindre au fond du jardin, je t’y attendrais.
- D’accord, à demain !
« sois discrète » ajouta Salomé en son for intérieur, en regardant la silhouette de sa cousine s’évanouir dans l’ombre du couloir.

 Assise dans le jardin, Salomé regardait le ciel en priant pour que son plan n’attire pas l’attention de ses parents, de sa mère surtout. Soudain des éclats de voix retentissant dans la maison la tirèrent de sa rêverie. Elle s’approcha silencieusement de la fenêtre entrouverte par laquelle les voix furieuses de ses parents se disputant lui parvenaient :
- Mais qu’allons-nous faire d’elle ? dit son père.
Salomé pâlit.

histoire 10
Christelle BARRAGO

3/ Chapitre 3

Salomé ayant passé une nuit agitée, se leva les yeux gonflés de sommeil et de larmes. Elle descendit comme si de rien n’était, anxieuse toutefois à l’idée de se trouver face à ses parents et d’avoir à entendre leurs reproches .
Elle prit alors une grande inspiration et se lança :
 « Je peux tout vous expliquer ; ce n’est pas parce que c’est un garçon « du quartier », qu’il n’est pas fréquentable.
 Comment ça !? Mais de qui parles-tu ?
 Je vous ai entendus hier soir, vous disputer à mon sujet, et je voulais tout vous expliquer... »

Salomé se rendit compte que ses parents et elle n’étaient pas sur la même longueur d’ondes et se sentit prise au piège . Ils ne parlaient vraisemblablement pas de la même chose.
Salomé se sauva dans sa chambre, prétextant son retard à l’école et essaya de joindre Séphora sur le portable qu’elle lui avait offert en secret.
La sonnerie se fit entendre dans la chambre voisine, mais personne ne répondit. Séphora était partie à l’école sans son téléphone.
Salomé avait un besoin impérieux de parler à sa cousine. Elle descendit donc rejoindre son chauffeur qui l’attendait devant la maison, et lui demanda de faire un détour par l’école de Séphora.
Arrivée devant l’établissement, Salomé descendit et la rejoignit alors qu’elle arrivait.
Elle congédia le chauffeur.
Les deux filles passèrent devant le collège mais firent ce jour là l’école buissonnière.

Salomé expliqua à Séphora la dispute entre ses parents entendue la veille, et le quiproquo qui l’avait conduite à parler de son ami du quartier. Salomé s’effondra en larmes.

histoire 10
Collège Daisy Georges Martin

4/ Chapitre 4

Texte à compléter

« Je ne pourrai jamais le revoir » murmura Salomé. « j’ai réussi jusqu’à présent à déjouer leur attention mais depuis qu’ils ont eu connaissance des escapades, ils me font surveiller…
La porte s’ouvrit brusquement. La mère de Salomé se tenait droite, les mains sévèrement posées sur les hanches. Le père de la jeune fille se tenait derrière, silencieux. Il regarda Séphora s’éloigner. Elle n’avait pas sa place dans la conversation.
Ce fut sa femme qui annonça la nouvelle. Pour mettre fin aux mauvaises fréquentations de leur fille, Salomé partirait dans quelques jours pour la France, plus exactement à Paris. Une excellente pension l’accueillerait. Elle y poursuivrait ses études et une cousine l’hébergerait les week end. Salomé reçut cette nouvelle comme un coup de poignard. Ses jambes se dérobaient, la tête lui tournait. Elle était perdue ; elle ne connaissait pas la France et tout ce qu’elle avait entendu dire sur cette cousine lui faisait déjà la détester.
Pendant le repas personne ne parla. Salomé se réfugia rapidement dans sa chambre. Elle feuilleta un livre rempli de photos prises avec Séphora. Elle ne l’avait jamais quittée. Elle fit aussi ses adieux à ses camarades d’école. Ils étaient tristes, bien sûr, mais en même temps, Salomé lisait dans leurs yeux, une expression d’envie, partir en France représentait un rêve inatteignable pour beaucoup.
A présent, Salomé était assise dans l’avion. Elle boucla sa ceinture. L’avion décolla. Elle regardait par le hublot l’aéroport de Yaoundé Nsimalen s’éloigner peu à peu. Malgré quelques nuages et l’altitude, elle pouvait encore distinguer les lumières éclairant les rues de Yaoundé. Des souvenirs jaillirent alors : les jours de marché où elle se rendait avec son père, les expéditions en voiture pour aller visiter une cousine dans le village de Messondo, les vacances à Limbé et ses plages de sable noir. Elle devait dire adieu au Cameroun, à l’Afrique. Beaucoup de tristesse et de nostalgie envahirent Salomé. Elle devait faire face à des sentiments nouveaux,la mélancolie, la peur mais aussi peut-être une excitation de découvrir la France dont on lui parlait si souvent. Un tas de questions assaillaient son esprit : comment serait Paris ? La ville serait-elle aussi belle qu’elle avait pu voir dans des livres ou serait-ce cette ville triste, sans lumière ni couleur dont témoignait la cousine dans ses lettres ?
Après quelques heures d’avion et après avoir ressassé les derniers événements qui avaient bouleversé sa vie, la voix de l’hôtesse la sortit de sa rêverie. L’avion entamait sa descente vers l’aéroport Charles de Gaulle. Elle scrutait avec attention le paysage qui s’offrait à ses yeux à travers le hublot. Le temps était brumeux. Tout au plus arrivait-elle à distinguer des champs bien dessinés entrecoupés de routes et de petites maisons.
Plus tard, une voiture la mena directement à son internat. Elle fut accueillie par la directrice, Madame Letelle , une femme autoritaire qui lui avait expliqué les règles de l’établissement en l’examinant de la tête au pied. Ses cheveux étaient coiffés en un chignon très serré. Elle portait de petites lunettes rondes qui lui donnaient l’air de scruter ses interlocuteurs jusqu’aux tréfonds de leur âme. Elle portait un tailleur foncé qu’aucun bijou ne venait égayer. Elle montra sa chambre à Salomé puis l’abandonna. Cette dernière, livrée à elle-même, s’installa le cœur gros. Elle s’assit sur le lit et se mit à observer les murs. Ils n’étaient pas vétustes mais suffisamment vieux pour que la peinture s’écaille par endroit. Elle sortit de sa valise du papier à lettre et commença : Chère Séphora….

histoire 10
Collège Charles de Foucauld

5/ Chapitre 5

Chère Sephora,
J’espère que tu vas bien. Cela fait trois semaines que je t’ai envoyé ma lettre, mais aucune réponse... Que se passe-t-il ? Je suis vraiment très inquiète ! La semaine dernière, encore, je suis tombée malencontreusement dans les escaliers. J’ai senti quelqu’un me pousser, mais personne à l’horizon. Elle a sûrement dû s’enfuir pendant ma chute. Je ne me sens pas à ma place dans ce pensionnat tout délabré. Mes origines dérangent tout le monde et les moqueries fusent. J’ai le mal du pays, ma famille me manque et le soleil aussi. Je suis désemparée, je n’ai plus le goût de vivre, même les bonnes nouvelles me laissent indifférente. Je reste dans ma chambre toute la journée prétextant une maladie inconnue de ce pays, seule à attendre désespérément l’une de tes lettres. Demande à mes parents pourquoi ils ne me ramènent pas au Cameroun.
J’ai besoin de toi et de leur soutien pour ne pas lâcher prise. Je doute qu’ils tiennent à moi… Te souviens-tu de Marcelin, le garçon que j’avais rencontré juste avant de partir à Paris ? Peux-tu me donner de ses nouvelles ? Il me manque terriblement.
J’espère que tu recevras bien ma lettre et que tu me répondras cette fois-ci.
Bisous
Salomé

Salomé se tenait seule, à l’écart de ses camarades de l’internat, parce qu’elle n’avait reçu aucune réponse aux lettres envoyées à Sephora. En sortie scolaire avec sa classe, elle visitait Paris à bord d’un bus à deux étages pour touristes. Ils arrivèrent au musée du Louvre. Lorsque le bus s’arrêta, Salomé ne descendit pas avec son groupe. Elle se tapit derrière le dernier siège. L’autocar repartit en direction de l’arrêt suivant, rue de Rivoli. Une dizaine de minutes plus tard, il arriva. Elle sortit de sa cachette en courant de toutes ses forces avant d’errer seule, perdue dans les rues de Paris qu’elle ne connaissait pas. Elle changea de ruelle et vit au loin un magasin de vêtements. Elle rentra mais l’un des vigiles l’interpella. Elle se rapprocha de lui et demanda :
« Bonjour monsieur, qu’y a-t-il ?
 Que fais-tu seule pendant ces heures de cours ? répliqua-t-il.
 Euh…
 Viens avec moi au bureau du directeur sans chipoter. »
Il lui attrapa le bras et commença à l’emmener. Suite à l’entrevue, le directeur du magasin prit l’initiative de contacter la police. Lorsque les gardiens de la paix entrèrent, elle se leva et partit avec eux. Ils arrivèrent au commissariat aux environs de 16 heures. Les policiers prévinrent l’internat de la fugue de l’une de ses élèves.
Outré et paniqué le directeur, Mr Dupont, convoqua l’ensemble des éducateurs pour leur transmettre l’information et les réprimanda sévèrement. Suite à cela, Mr Dupont alerta les parents. Ceux-ci restèrent sous le choc de l’annonce, mais le directeur les réconforta en les informant que Salomé avait été retrouvée saine et sauve par la police et qu’elle serait très rapidement ramenée à l’internat.
La mère de Salomé, Geneviève, était opposée à l’idée de son mari qui voulait faire rentrer sa fille au Cameroun. Elle voulait la laisser à Paris, mais dans un nouvel internat car elle n’avait plus confiance en celui-ci. Une énième dispute éclata entres les parents qui n’étaient plus du tout en accord sur l’avenir de leur fille. Finalement le père obtint gain de cause, et à contrecœur, Geneviève accepta que Salomé revienne au pays.
Après avoir bouclé ses valises, Salomé quitta le pensionnat, accompagnée par le directeur, pour rejoindre le Cameroun à sa grande joie. Arrivée à l’aéroport, elle enregistra ses bagages et fit ses adieux au directeur. Elle monta dans l’avion. Une hôtesse de l’air prénommée Christine la prit en charge pour que le voyage soit plus rassurant.
De retour au pays, Jean-René le majordome de la famille récupéra Salomé à l’aéroport et la conduisit à la demeure familiale. Ses parents l’attendaient pour lui annoncer une mauvaise nouvelle : ils allaient divorcer. Ils lui demandèrent de réfléchir. Voulait-elle aller vivre chez son père ou chez sa mère ? Elle se mit à pleurer, puis elle hésita et elle demanda qu’on lui laisse la nuit pour réfléchir.
Le jour se leva et elle réunit ses parents pour leur annoncer sa décision. Elle choisit son père car il lui laisserait sans aucun doute plus de liberté. Sa mère quitta la maison.