Prologue
La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.
1/ Chapitre 1
Salomé n’avait pas vu sa mère de la journée. A peine l’avait-elle entendue quitter la maison, le moteur de sa voiture vrombissant à l’aurore, les roues du véhicule crissant sur le gravier blanc de l’allée, avant de s’élancer à l’extérieur. Elle s’en allait tôt pour éviter les embouteillages, traverser la ville, passer à temps le pont qui la coupait en deux, être la première arrivée au dispensaire. En réalité, elle n’était jamais vraiment la première sur les lieux. Des malades se bousculaient déjà aux portes. Des femmes portant leurs enfants sur la hanche. Jeunes gens atteints de paludisme chronique. Des vieillards dont il faudrait retirer des vers de Cayor ou traiter les filaires. Une foule dont il faudrait se charger jusqu’à la tombée de la nuit. C’était lundi. La semaine serait longue et harassante.
Rentrée du collège où elle venait d’entrer en classe de sixième après avoir été brillamment reçue au concours national sans lequel la chose n’était pas envisageable, Salomé tournait en rond dans la maison. Le chauffeur était passé la prendre comme toujours, et l’avait ramenée sans faire de détour. Elle ne l’avait pas prié de s’arrêter pour acheter des soyas, ces brochettes de bœuf vendues aux abords des rues, dont la consommation lui était interdite. Elle ne lui avait pas non plus demandé d’attendre qu’elle s’offre un cône d’arachides grillées, dont un marchand faisait sauter les pelures en l’air avant de servir ses clients. En temps normal, Salomé ne reculait pas devant ces manquements aux lois parentales, dépensant allègrement son argent de poche, afin de se sentir appartenir au peuple de son pays. Vivre comme les autres. Etre un temps parmi eux, pas seulement à côté.
La chambre de sa cousine Sephora se trouvait à côté de la sienne. Elle eut envie d’y pénétrer pour l’attendre comme elle le faisait souvent, préparant une partie de Monopoly ou de Scrabble. Elles aimaient jouer avant de se consacrer à leurs devoirs. Sephora ne tarderait plus, à présent. La perspective de ces amusements ne suscita qu’une joie éphémère chez Salomé. Elle resta interdite devant la porte, se remémorant les paroles de sa mère. C’était de Sephora et de son frère Abel qu’elle parlait, lorsqu’elle avait dit : « Ce sont nos gens. » Hier, Abel était passé voir sa sœur. Il était aussi porteur d’un message envoyé par ses parents à ceux de Salomé. Le contenu de la missive était un mystère. Tout ce que Salomé savait, c’était que sa mère s’était emportée, qu’elle avait crié, que son mari lui avait demandé pourquoi parler sur ce ton à un enfant. C’était là qu’elle avait lancé : « Ce sont nos gens, je leur parle comme il me sied… »
Salomé tourna les talons, se dirigea vers sa chambre, se laissa choir sur son lit. La bonne avait pris soin de mettre en marche le climatiseur. Une fraîcheur apaisante enveloppait les lieux. Elle laissa errer son regard dans la pièce. Un revêtement rose couvrait les murs. Il y avait un bureau en acajou, des étagères supportant des livres et, sur la table de chevet, un ghetto blaster reçu à Noël. Une épaisse moquette tapissait le sol, si bien qu’elle n’entendait jamais le bruit de ses propres pas, quand elle se trouvait dans cette pièce. Face au lit, une porte donnait sur une salle de bain, avec un dressing mitoyen. C’était là que Sephora venait faire sa toilette. Sa chambre à elle ne disposait pas des mêmes commodités. Ses vêtements étaient rangés dans une malle, comme s’il lui fallait se tenir prête à s’en aller à tout moment.
La fillette se mit à songer, pour la première fois, à toutes les différences qu’elle n’avait jamais interrogées. Sephora vivait dans la même maison, mais fréquentait une école publique, dans un des quartiers populaires de la ville. Le chauffeur ne l’y conduisait pas. Elle prenait un taxi de ramassage [1] pour s’y rendre, rentrait quelquefois à pied pour économiser un peu d’argent. Le samedi, alors que Salomé faisait la grasse matinée, il n’était pas rare que sa mère envoie Sephora au marché ou ailleurs, faire quelque commission. Il n’y avait là rien qui ressemble à de la torture, Sephora n’était pas maltraitée. D’ailleurs, elle ne se plaignait de rien. Ses parents l’avaient confiée à ses oncle et tante, parce qu’ils pensaient qu’elle aurait, grâce à eux, de meilleures chances dans la vie.
Au fond d’elle Salomé entendait une petite voix lui dire qu’il y avait quelque chose. Ce n’était pas uniquement parce que Sephora n’était pas leur enfant, que ses parents ne s’adressaient jamais à elle en français, ne lui parlant que cette langue ancestrale qu’ils ne transmettaient pas à leur fille. Ce n’était pas pour cette seule raison que ses vêtements n’étaient jamais commandés à la Redoute, ni achetés dans les magasins hors de prix où se rendaient les expatriés européens pour maintenir leur style de vie. Et si elle ne s’autorisait à regarder un film sur le magnétoscope qu’à l’invitation de Salomé, ce n’était pas, là non plus, parce que cette maison n’était pas celle de ses géniteurs. C’était parce qu’elle appartenait à cette caste mystérieuse, celle des « nos gens ».
Le cœur de Salomé se glaça, lorsqu’elle entendit grincer le portail. Sephora rentrait. Elle l’entendit prendre gaiement congé d’une camarade de classe. Le gravier blanc de l’allée bruissa sous ses pieds comme tous les jours, et comme tous les jours, elle s’arrêta pour humer le parfum des fleurs du frangipanier planté dans la cour, face au manguier, à quelques pas d’un arbre du voyageur dont on prenait grand soin. Sephora avait l’âge d’être en troisième, mais elle n’était qu’en cinquième à cette année, ayant échoué à deux reprises au concours d’entrée en sixième. C’était après son second échec à l’examen national qu’elle était venue vivre avec eux. Salomé se souvenait du conseil de famille qui avait entériné la décision. Puisqu’on ne lui disait jamais rien ou pas grand-chose d’important, elle avait écouté aux portes. Ses parents l’ignoraient, mais elle comprenait parfaitement la langue secrète, la langue non transmise des ancêtres.
Bientôt, on frappa trois coups guillerets à la porte de sa chambre. Le sourire de Sephora illumina la pièce, et son accent d’enfant des quartiers envahit l’espace : « Tu es déjà là ! Je t’ai gardé. » Ces derniers mots signifiaient qu’elle avait pensé à sa cousine, et lui avait rapporté quelque friandise proscrite, afin de partager avec elle la saveur du pays réel. Salomé se redressa, incapable, toutefois, de lui rendre son sourire. Devant la mine étonnée de cette cousine dont elle n’était plus certaine de connaître le statut, elle dit simplement : « Il faut qu’on parle. »
2/ Chapitre 2
Salomé fit un signe de la tête pour indiquer à Sephora que fermer la porte serait préférable. Cette dernière s’exécuta sans lui tourner le dos, d’un geste lent, le regard plongé dans celui de son interlocutrice. Elle ne cilla pas, ne détourna pas les yeux un instant avant de la rejoindre sur le lit, s’asseyant sur le rebord, prête à bondir si nécessaire. C’était la première fois que Salomé s’adressait à elle sur ce ton et, bien que ne sachant pas de quoi il retournait, Sephora sentait que l’heure n’était pas aux réjouissances. Toutes deux gardèrent le silence un long moment. Il fallut la dispute quotidienne de femmes du quartier pour les décrisper. Peu avant que le soleil ne quitte sa position céleste afin d’entamer la traversée du monde souterrain où il lui faudrait triompher du monstre Sipopo sous peine de ne jamais reparaître, ces deux harpies se jetaient l’une sur l’autre, se menaçant de mort pour les beaux yeux d’un homme. L’époux de l’une. L’amant de l’autre. Une affaire vieille comme le monde, qui ravageait les cœurs depuis l’avènement sur terre de l’humanité.
Les cousines partirent d’un grand rire, lorsque ces mots vinrent ponctuer une salve d’injures : « Ma chère, tu peux m’insulter tant qu’il te plaît. Sache seulement une chose : si cet homme est bien ton mari, il ne l’était pas la nuit dernière. » Elles ne surent si elles riaient parce qu’une fois adultes, il leur faudrait accepter soit d’être quittées au petit jour, soit d’être abandonnée la nuit entière, et qu’il valait mieux s’en amuser. Apprendre à avoir une vie, une existence à soi, qui ne dépende pas de la présence d’un homme. Apprendre à aimer sans rien attendre. Salomé prit la parole, en même temps que les mains de Sephora, qu’elle emprisonna dans les siennes : « Je voudrais te demander quelque chose, mais j’ignore comment m’y prendre. » Sa cousine répondit qu’il suffisait de poser la question. Si elle en connaissait la réponse, elle la lui donnerait. Les choses étaient simples.
Encouragée par tant de tranquillité, Salomé rappela les événements de ce jour-là, quand Abel était venu. Elle dit avoir été intriguée, perturbée même, par les mots que sa mère avait prononcés. Sephora ne la laissa pas poursuivre. « Je sais ce que tu as entendu, ce qui te dérange. Ce n’est pas à moi de te répondre. Tu dois parler à tes parents. » Salomé voulut s’assurer qu’elles avaient la même chose à l’esprit, mais une fois de plus, sa cousine l’interrompit : « Ne répète pas ces paroles atroces. Ces mots qui disent que nous ne pourrons plus nous aimer comme des sœurs, à présent que tu les as entendus. Ils dressent entre nous une barrière vieille de plusieurs décennies, si ce n’est davantage. Nous devions vivre cet instant. J’avais espéré qu’il n’arriverait pas si tôt… Tiens, je t’avais gardé. »
Elle lui tendit une boule de papier journal que Salomé défit, pour y trouver trois beaux rochers d’arachides caramélisées. On les débarrassait de leur coque, puis on les faisait cuire dans du sucre, encore enveloppées de leur peau violette, ce qui donnait cette couleur au caramel. Salomé était friande de cette douceur interdite. Les yeux baissés vers les gros cailloux violacés, elle ne les toucha pas encore, se contentant d’interroger Sephora qui s’était levée : « Pourquoi parler comme si nous ne nous verrions plus ? » Sa cousine déclara : « Il en sera ainsi, d’une façon ou d’une autre. Même si tes parents acceptent que je reste chez eux, tu ne pourras plus me voir. Je ne serai plus tout à fait une personne à tes yeux. Je deviendrai ce que les mots de ta mère font de moi. » Salomé pensait qu’elle en avait trop dit ou pas assez, mais Sephora avait déjà tourné les talons, lorsqu’elle trouva les mots pour l’inviter à préciser sa pensée.
La fillette quitta son lit, en proie à un tremblement impossible à maîtriser. Que faire ? La réaction de sa cousine lui avait fait saisir la gravité de la situation. Ainsi, son intuition ne l’avait pas trompée. Cette expression, « nos gens », recouvrait une sombre réalité, quelque chose de sismique, puisque d’après Sephora, leurs relations en seraient modifiées pour toujours. « Ce sont nos gens… » Comme on dirait « nos chaussures », « nos serviettes de toilettes ? » C’était tellement curieux. S’approchant de la fenêtre ouverte sur le jardin, Salomé posa les rochers de caramel sur son bureau, se demanda comment procéder pour obtenir une réponse, et surtout, ne pas perdre l’affection de Sephora. Cette dernière lui avait donné le dos comme pour dire adieu. Alors que toutes ces questions et émotions se bousculaient en elle, un klaxon retentit derrière le portail. Salomé reconnut à sa stridence la voiture de son père, et s’apaisa un peu. Il était, de loin, plus doux que sa mère. Jamais il ne refusait de lui parler, quel que soit le sujet. Elle sortit de la chambre pour aller l’attendre devant la maison.
3/ Chapitre 3
Salomé était là, assise sur les pavés de la cour, recroquevillée sur elle-même.
Elle prit sa tête qui la faisait tant souffrir,entre ses mains. Il fallait qu’elle fasse part de ses pensées et de ses sentiments, à son père. Elle ne pouvait plus garder cela pour elle.
Soudain, Salomé entendit la voiture de son père arriver. Elle se releva brusquement. Les larmes envahissaient ses yeux. Dans quelques minutes, son père, celui à qui elle avait toujours pu tout dire, celui à qui elle confiait ses plus grands secrets, serait là devant elle.
Il sortit de la voiture, claqua la portière violemment, se dirigea vers le porche en ignorant complètement sa fille. Il avait l’air énervé. Salomé n’osait pas faire un geste, elle tremblait de tout son corps.
Elle finit par se relever, et le vit sortir un papier de sa sacoche. Pour attirer son attention, elle toussota. Cela marcha, mais pas exactement comme la jeune fille l’avait imaginé.
Son père baissa les yeux, tendit le papier à Salomé, s’assit et fondit en larmes....
4/ Chapitre 4
Déterminée à connaître la raison de cette soudaine tristesse, Salomé ne perdit pas un instant. Elle prit le papier et le lut à voix haute :
Cher époux,
Je t’écris cette lettre pour en finir. Tous tes mensonges sont découverts. Je suis au courant. Ton commerce de cacahuètes est en faillite. J’ai également trouvé plusieurs lettres de dettes. Notre maison peut être saisie à tout moment. La famille est ruinée !
Je t’écris cette lettre d’adieux. Je n’ai pas le courage de te dire les choses en face. Et puis, j’ai trouvé un homme plus riche que toi ! Tu diras à notre fille que je suis partie au septième ciel.
Ta femme
Salomé resta comme paralysée. Aucun son ne sortit de sa bouche. Elle était choquée par ce qu’elle venait de découvrir. La fuite de sa mère la bouleversa malgré leurs différends et leurs rivalités. Elle restait sa mère, celle qui l’avait mise au monde, nourrie, élevée.
Son père n’avait pas cessé de pleurer. Mais peu à peu le sentiment de trahison l’envahit. La douleur céda la place à la fureur. Il se leva subitement et saisit la statuette africaine protectrice de la famille. Il la jeta contre le mur. La déesse fracassa le portrait de famille.
Salomé poussa un hurlement. Elle n’avait jamais vu son père dans un tel état de colère. Son père, cet homme si doux et si discret. Après quelques minutes, la jeune fille brisa le silence :
Papa...
Va dans ta chambre !
Mais papa...
J’ai dit va dans ta chambre !
Pourquoi ? Explique-moi...
Son père ne dit mot. Furieuse, Salomé sortit de la pièce, la lettre à la main. Elle s’enferma dans sa chambre. Allongée sur son lit, elle relut la lettre des dizaines de fois pour essayer de comprendre. Comment sa famille en était-elle arrivée là ? Pourquoi n’avait-elle rien remarqué ? Qui était vraiment sa mère ? Qu’allait-elle devenir à présent ?... Les questions tournaient dans sa tête en rafales.
En début de soirée, son père fut pris de remords. Il voulait s’excuser. Il frappa doucement à la porte de la chambre de sa fille. N’obtenant aucune réponse, il poussa la porte et alluma la lumière. Hélas, il était trop tard. La jeune fille était déjà loin. D’elle, il ne trouva qu’un mot chiffonné, abandonné sur le lit. Un sentiment de solitude s’empara de lui. A présent, il était vraiment seul.
5/ Chapitre 5
Il relut le message et soupira. Sur le mot il pouvait lire dans l’écriture de la mère de Salomé « Ma fille chérie, maintenant que je te quitte à cause de la faillite de l’homme que tu pense être ton père il faut que je t’explique quelque chose, ce que j’aurais dû faire il y a longtemps. L’homme qui t’a élevé à mes cotés n’est pas en réalité ton père biologique. Ton vrai père est un servant nommé Arthur qui travaille à la maison avec qui j’ai eu une liaison que je n’ai jamais su assumée. Maintenant que tu sais cela tu sais que tu n’es plus obligée de rester avec l’homme qui t’a élevée et qui vois aujourd’hui sa vie s’échapper de son emprise lentement. Je suis partie et je t’invite à suivre mon geste car je veux que tu puisse avoir un avenir ouvert et enrichissant. Avec tout mon amour ta mère »
Salomé partit dans une cachette, une cabane où son père non-biologique l’avait emmené dans le passé. Elle pleurait. Abel la rejoignit, il voyait la détresse dans ses yeux rouges et gonflés. Avec tendresse ; il la prit dans ses bras, la serra fort et demanda :
Mais pourquoi pleures-tu ?
Ma mère m’a laissé un mot en me disant que mon père, Ferdius, est en faillite et, en plus de cela, il n’est pas mon père biologique.
Comment te sens tu après ces horribles nouvelles ?
Je ne sais pas, je ne sais plus qui je suis. Je ne connais pas mon père. Je ne connais pas un homme au nom d’Arthur qui serait mon père réel.
Arthur ? Ce n’est pas le domestique de ta mère qui travaille chez vous ?
Oui, hélas !
Pendant ce temps, Ferdius cherchait Salomé aux environs de la maison, dans la ville et brusquement il se rappela de l’endroit où il l’amenait petite, près du terrain de football dans un terrain vague. Alors il se dirigea vers la cabane et il entendit des cries de frustration et de sanglots. Il s’approcha et s’accroupit derrière un buisson afin d’écouter la conversation.
Quand ils cessèrent de parler, Ferdius alla les voir et il découvrit que Salomé et Abel voulaient faire leurs bagages et fuir ce monde de mensonges qu’ils méprisaient tant. Mais sans suivre la direction de la mère.
_Mais que faites vous ? Demanda Ferdius.
_On ne peut pas rester ici, répondit Salomé en train de sangloter, ma mère m’a mentie, je ne veux plus la revoir ni tout ce qui est associés à elle. Nous devons partir loin d’ici.
_Vous ne pouvez pas partir !Vous...
_Mais vient avec nous on aura besoin d’un adulte, interrompit Abel
C’est une bonne idée que tu vienne avec nous je ne suis pas encore prête pour accepter que mon père appartienne à une classe inférieure à la mienne. J’ai besoin d’un adulte en qui j’ai confiance car tous les autres m’ont désertés. Je ne veux pas rencontrer Arthur.
_Cet événement sera toujours difficile à affronter, mais il faudra bien le faire un jour. Il vaut mieux le faire avant qu’il ne soit trop tard et que tu ne le regrettes tout le reste de ta vie.Qu’il soit d’une classe inférieure ou non, il est du même sang. De plus cela te permet de faire une nouvelle rencontre. Mais t’inquiète pas je serai la si tu le désire.
_J’imagine que je pourrai le rencontre une fois, je ne sais pas si je pourrai tenir le choc, ce sera un moment dur, mais, je veux bien essayer.
_C’est déjà un bon début.
Salomé sortit de sa cachette et marcha vers son destin. Il pleuvait, le soleil rayonnait dans le ciel grisâtre, un arc-en-ciel donna l’impression de surgir de la terre. Une nouvelle époque se levait pour elle, comme un nouveau départ.Mais pourquoi pleures-tu ?
J’ai vu mes tests d’ADN, dans mon dossier médical à l’hôpital, lorsque j’ai fait mes vaccins.
Alors, quel est le problème ?
Je ne sais plus qui je suis. Je ne connais pas mon père. Je ne connais pas un homme au nom d’Arthur
Arthur ? Ce n’est pas le domestique de ta mère qui travaille dans la cave ?
Mon père est un domestique !?
Pendant ce temps, le père non-biologique de Salomé la cherchait au environs de la maison, dans la ville et brusquement il se rappela de l’endroit où il amenait Salomé petite, près du terrain de foot dans un terrain vague. Alors il se diriga vers la cabane et il entendit des cries et des sanglots. Il s’approcha et s’accroupit derrière un buisson afin d’écouter la conversation.
Quand ils cessèrent de parler, Ferdius alla les voir et il découvrit que Salomé et Abel voulaient faire leurs bagages et fuir cette mère qu’ils méprisaient tant.
_Mais que faites vous ?
_On peut pas rester ici, répondit Salomé en train de sangloter, ma mère me ment, je n’ai pas de relation avec elle, et je ne l’aurais jamais.Nous devons partir.
_Vous ne pouvez pas partir !Vous..
_Mais vient avec nous on aura besoin d’un adulte, interompit Abel
_pourquoi voulez-vous partir, demanda Ferdius
_J’ai honte que mon père soit un domestique et si cela se sait, se serait horrible, ma mère me ment, je n’ai pas de relation avec elle, et je ne l’aurais jamais.Nous devons partir.
_Mais c’est ton père biologique. Tu ne veux pas le connaître ?
_Bien sûr que oui, mais je ne suis pas encore prête pour accepter que mon père appartienne à une classe inférieure à la mienne
_Ce serait toujours difficile à affronter cet événement dans ta vie mais il faudra bien le faire un jour il vaut mieux le faire avant qu’il le soit trop tard et que ne le regrettes tout le reste de ta vie.Qu’il soit d’une classe inférieure ou non, il est du même sang. De plus cela te permet de faire une nouvelle rencontre.
_J’imagine que je pourrai le renconter une fois, je ne sais pas si je pourrai tenir le choc, ce sera un moment dur, mais, je veux bien essayer.
_C’est déjà un bon début.
Salomé sortit de sa cachette et marcha vers son destin. Il pleuvait, le soleil rayonnait dans le ciel grisâtre, un arc-en-ciel donna l’impression de surgir de la terre. Une nouvelle époque se levait pour elle, comme un nouveau départ.
1/ Chapitre 1
Salomé n’avait pas vu sa mère de la journée. A peine l’avait-elle entendue quitter la maison, le moteur de sa voiture vrombissant à l’aurore, les roues du véhicule crissant sur le gravier blanc de l’allée, avant de s’élancer à l’extérieur. Elle s’en allait tôt pour éviter les embouteillages, traverser la ville, passer à temps le pont qui la coupait en deux, être la première arrivée au dispensaire. En réalité, elle n’était jamais vraiment la première sur les lieux. Des malades se bousculaient déjà aux portes. Des femmes portant leurs enfants sur la hanche. Jeunes gens atteints de paludisme chronique. Des vieillards dont il faudrait retirer des vers de Cayor ou traiter les filaires. Une foule dont il faudrait se charger jusqu’à la tombée de la nuit. C’était lundi. La semaine serait longue et harassante.
Rentrée du collège où elle venait d’entrer en classe de sixième après avoir été brillamment reçue au concours national sans lequel la chose n’était pas envisageable, Salomé tournait en rond dans la maison. Le chauffeur était passé la prendre comme toujours, et l’avait ramenée sans faire de détour. Elle ne l’avait pas prié de s’arrêter pour acheter des soyas, ces brochettes de bœuf vendues aux abords des rues, dont la consommation lui était interdite. Elle ne lui avait pas non plus demandé d’attendre qu’elle s’offre un cône d’arachides grillées, dont un marchand faisait sauter les pelures en l’air avant de servir ses clients. En temps normal, Salomé ne reculait pas devant ces manquements aux lois parentales, dépensant allègrement son argent de poche, afin de se sentir appartenir au peuple de son pays. Vivre comme les autres. Etre un temps parmi eux, pas seulement à côté.
La chambre de sa cousine Sephora se trouvait à côté de la sienne. Elle eut envie d’y pénétrer pour l’attendre comme elle le faisait souvent, préparant une partie de Monopoly ou de Scrabble. Elles aimaient jouer avant de se consacrer à leurs devoirs. Sephora ne tarderait plus, à présent. La perspective de ces amusements ne suscita qu’une joie éphémère chez Salomé. Elle resta interdite devant la porte, se remémorant les paroles de sa mère. C’était de Sephora et de son frère Abel qu’elle parlait, lorsqu’elle avait dit : « Ce sont nos gens. » Hier, Abel était passé voir sa sœur. Il était aussi porteur d’un message envoyé par ses parents à ceux de Salomé. Le contenu de la missive était un mystère. Tout ce que Salomé savait, c’était que sa mère s’était emportée, qu’elle avait crié, que son mari lui avait demandé pourquoi parler sur ce ton à un enfant. C’était là qu’elle avait lancé : « Ce sont nos gens, je leur parle comme il me sied… »
Salomé tourna les talons, se dirigea vers sa chambre, se laissa choir sur son lit. La bonne avait pris soin de mettre en marche le climatiseur. Une fraîcheur apaisante enveloppait les lieux. Elle laissa errer son regard dans la pièce. Un revêtement rose couvrait les murs. Il y avait un bureau en acajou, des étagères supportant des livres et, sur la table de chevet, un ghetto blaster reçu à Noël. Une épaisse moquette tapissait le sol, si bien qu’elle n’entendait jamais le bruit de ses propres pas, quand elle se trouvait dans cette pièce. Face au lit, une porte donnait sur une salle de bain, avec un dressing mitoyen. C’était là que Sephora venait faire sa toilette. Sa chambre à elle ne disposait pas des mêmes commodités. Ses vêtements étaient rangés dans une malle, comme s’il lui fallait se tenir prête à s’en aller à tout moment.
La fillette se mit à songer, pour la première fois, à toutes les différences qu’elle n’avait jamais interrogées. Sephora vivait dans la même maison, mais fréquentait une école publique, dans un des quartiers populaires de la ville. Le chauffeur ne l’y conduisait pas. Elle prenait un taxi de ramassage [1] pour s’y rendre, rentrait quelquefois à pied pour économiser un peu d’argent. Le samedi, alors que Salomé faisait la grasse matinée, il n’était pas rare que sa mère envoie Sephora au marché ou ailleurs, faire quelque commission. Il n’y avait là rien qui ressemble à de la torture, Sephora n’était pas maltraitée. D’ailleurs, elle ne se plaignait de rien. Ses parents l’avaient confiée à ses oncle et tante, parce qu’ils pensaient qu’elle aurait, grâce à eux, de meilleures chances dans la vie.
Au fond d’elle Salomé entendait une petite voix lui dire qu’il y avait quelque chose. Ce n’était pas uniquement parce que Sephora n’était pas leur enfant, que ses parents ne s’adressaient jamais à elle en français, ne lui parlant que cette langue ancestrale qu’ils ne transmettaient pas à leur fille. Ce n’était pas pour cette seule raison que ses vêtements n’étaient jamais commandés à la Redoute, ni achetés dans les magasins hors de prix où se rendaient les expatriés européens pour maintenir leur style de vie. Et si elle ne s’autorisait à regarder un film sur le magnétoscope qu’à l’invitation de Salomé, ce n’était pas, là non plus, parce que cette maison n’était pas celle de ses géniteurs. C’était parce qu’elle appartenait à cette caste mystérieuse, celle des « nos gens ».
Le cœur de Salomé se glaça, lorsqu’elle entendit grincer le portail. Sephora rentrait. Elle l’entendit prendre gaiement congé d’une camarade de classe. Le gravier blanc de l’allée bruissa sous ses pieds comme tous les jours, et comme tous les jours, elle s’arrêta pour humer le parfum des fleurs du frangipanier planté dans la cour, face au manguier, à quelques pas d’un arbre du voyageur dont on prenait grand soin. Sephora avait l’âge d’être en troisième, mais elle n’était qu’en cinquième à cette année, ayant échoué à deux reprises au concours d’entrée en sixième. C’était après son second échec à l’examen national qu’elle était venue vivre avec eux. Salomé se souvenait du conseil de famille qui avait entériné la décision. Puisqu’on ne lui disait jamais rien ou pas grand-chose d’important, elle avait écouté aux portes. Ses parents l’ignoraient, mais elle comprenait parfaitement la langue secrète, la langue non transmise des ancêtres.
Bientôt, on frappa trois coups guillerets à la porte de sa chambre. Le sourire de Sephora illumina la pièce, et son accent d’enfant des quartiers envahit l’espace : « Tu es déjà là ! Je t’ai gardé. » Ces derniers mots signifiaient qu’elle avait pensé à sa cousine, et lui avait rapporté quelque friandise proscrite, afin de partager avec elle la saveur du pays réel. Salomé se redressa, incapable, toutefois, de lui rendre son sourire. Devant la mine étonnée de cette cousine dont elle n’était plus certaine de connaître le statut, elle dit simplement : « Il faut qu’on parle. »
2/ Chapitre 2
Salomé fit un signe de la tête pour indiquer à Sephora que fermer la porte serait préférable. Cette dernière s’exécuta sans lui tourner le dos, d’un geste lent, le regard plongé dans celui de son interlocutrice. Elle ne cilla pas, ne détourna pas les yeux un instant avant de la rejoindre sur le lit, s’asseyant sur le rebord, prête à bondir si nécessaire. C’était la première fois que Salomé s’adressait à elle sur ce ton et, bien que ne sachant pas de quoi il retournait, Sephora sentait que l’heure n’était pas aux réjouissances. Toutes deux gardèrent le silence un long moment. Il fallut la dispute quotidienne de femmes du quartier pour les décrisper. Peu avant que le soleil ne quitte sa position céleste afin d’entamer la traversée du monde souterrain où il lui faudrait triompher du monstre Sipopo sous peine de ne jamais reparaître, ces deux harpies se jetaient l’une sur l’autre, se menaçant de mort pour les beaux yeux d’un homme. L’époux de l’une. L’amant de l’autre. Une affaire vieille comme le monde, qui ravageait les cœurs depuis l’avènement sur terre de l’humanité.
Les cousines partirent d’un grand rire, lorsque ces mots vinrent ponctuer une salve d’injures : « Ma chère, tu peux m’insulter tant qu’il te plaît. Sache seulement une chose : si cet homme est bien ton mari, il ne l’était pas la nuit dernière. » Elles ne surent si elles riaient parce qu’une fois adultes, il leur faudrait accepter soit d’être quittées au petit jour, soit d’être abandonnée la nuit entière, et qu’il valait mieux s’en amuser. Apprendre à avoir une vie, une existence à soi, qui ne dépende pas de la présence d’un homme. Apprendre à aimer sans rien attendre. Salomé prit la parole, en même temps que les mains de Sephora, qu’elle emprisonna dans les siennes : « Je voudrais te demander quelque chose, mais j’ignore comment m’y prendre. » Sa cousine répondit qu’il suffisait de poser la question. Si elle en connaissait la réponse, elle la lui donnerait. Les choses étaient simples.
Encouragée par tant de tranquillité, Salomé rappela les événements de ce jour-là, quand Abel était venu. Elle dit avoir été intriguée, perturbée même, par les mots que sa mère avait prononcés. Sephora ne la laissa pas poursuivre. « Je sais ce que tu as entendu, ce qui te dérange. Ce n’est pas à moi de te répondre. Tu dois parler à tes parents. » Salomé voulut s’assurer qu’elles avaient la même chose à l’esprit, mais une fois de plus, sa cousine l’interrompit : « Ne répète pas ces paroles atroces. Ces mots qui disent que nous ne pourrons plus nous aimer comme des sœurs, à présent que tu les as entendus. Ils dressent entre nous une barrière vieille de plusieurs décennies, si ce n’est davantage. Nous devions vivre cet instant. J’avais espéré qu’il n’arriverait pas si tôt… Tiens, je t’avais gardé. »
Elle lui tendit une boule de papier journal que Salomé défit, pour y trouver trois beaux rochers d’arachides caramélisées. On les débarrassait de leur coque, puis on les faisait cuire dans du sucre, encore enveloppées de leur peau violette, ce qui donnait cette couleur au caramel. Salomé était friande de cette douceur interdite. Les yeux baissés vers les gros cailloux violacés, elle ne les toucha pas encore, se contentant d’interroger Sephora qui s’était levée : « Pourquoi parler comme si nous ne nous verrions plus ? » Sa cousine déclara : « Il en sera ainsi, d’une façon ou d’une autre. Même si tes parents acceptent que je reste chez eux, tu ne pourras plus me voir. Je ne serai plus tout à fait une personne à tes yeux. Je deviendrai ce que les mots de ta mère font de moi. » Salomé pensait qu’elle en avait trop dit ou pas assez, mais Sephora avait déjà tourné les talons, lorsqu’elle trouva les mots pour l’inviter à préciser sa pensée.
La fillette quitta son lit, en proie à un tremblement impossible à maîtriser. Que faire ? La réaction de sa cousine lui avait fait saisir la gravité de la situation. Ainsi, son intuition ne l’avait pas trompée. Cette expression, « nos gens », recouvrait une sombre réalité, quelque chose de sismique, puisque d’après Sephora, leurs relations en seraient modifiées pour toujours. « Ce sont nos gens… » Comme on dirait « nos chaussures », « nos serviettes de toilettes ? » C’était tellement curieux. S’approchant de la fenêtre ouverte sur le jardin, Salomé posa les rochers de caramel sur son bureau, se demanda comment procéder pour obtenir une réponse, et surtout, ne pas perdre l’affection de Sephora. Cette dernière lui avait donné le dos comme pour dire adieu. Alors que toutes ces questions et émotions se bousculaient en elle, un klaxon retentit derrière le portail. Salomé reconnut à sa stridence la voiture de son père, et s’apaisa un peu. Il était, de loin, plus doux que sa mère. Jamais il ne refusait de lui parler, quel que soit le sujet. Elle sortit de la chambre pour aller l’attendre devant la maison.
3/ Chapitre 3
Salomé était là, assise sur les pavés de la cour, recroquevillée sur elle-même.
Elle prit sa tête qui la faisait tant souffrir,entre ses mains. Il fallait qu’elle fasse part de ses pensées et de ses sentiments, à son père. Elle ne pouvait plus garder cela pour elle.
Soudain, Salomé entendit la voiture de son père arriver. Elle se releva brusquement. Les larmes envahissaient ses yeux. Dans quelques minutes, son père, celui à qui elle avait toujours pu tout dire, celui à qui elle confiait ses plus grands secrets, serait là devant elle.
Il sortit de la voiture, claqua la portière violemment, se dirigea vers le porche en ignorant complètement sa fille. Il avait l’air énervé. Salomé n’osait pas faire un geste, elle tremblait de tout son corps.
Elle finit par se relever, et le vit sortir un papier de sa sacoche. Pour attirer son attention, elle toussota. Cela marcha, mais pas exactement comme la jeune fille l’avait imaginé.
Son père baissa les yeux, tendit le papier à Salomé, s’assit et fondit en larmes....
4/ Chapitre 4
Déterminée à connaître la raison de cette soudaine tristesse, Salomé ne perdit pas un instant. Elle prit le papier et le lut à voix haute :
Cher époux,
Je t’écris cette lettre pour en finir. Tous tes mensonges sont découverts. Je suis au courant. Ton commerce de cacahuètes est en faillite. J’ai également trouvé plusieurs lettres de dettes. Notre maison peut être saisie à tout moment. La famille est ruinée !
Je t’écris cette lettre d’adieux. Je n’ai pas le courage de te dire les choses en face. Et puis, j’ai trouvé un homme plus riche que toi ! Tu diras à notre fille que je suis partie au septième ciel.
Ta femme
Salomé resta comme paralysée. Aucun son ne sortit de sa bouche. Elle était choquée par ce qu’elle venait de découvrir. La fuite de sa mère la bouleversa malgré leurs différends et leurs rivalités. Elle restait sa mère, celle qui l’avait mise au monde, nourrie, élevée.
Son père n’avait pas cessé de pleurer. Mais peu à peu le sentiment de trahison l’envahit. La douleur céda la place à la fureur. Il se leva subitement et saisit la statuette africaine protectrice de la famille. Il la jeta contre le mur. La déesse fracassa le portrait de famille.
Salomé poussa un hurlement. Elle n’avait jamais vu son père dans un tel état de colère. Son père, cet homme si doux et si discret. Après quelques minutes, la jeune fille brisa le silence :
Papa...
Va dans ta chambre !
Mais papa...
J’ai dit va dans ta chambre !
Pourquoi ? Explique-moi...
Son père ne dit mot. Furieuse, Salomé sortit de la pièce, la lettre à la main. Elle s’enferma dans sa chambre. Allongée sur son lit, elle relut la lettre des dizaines de fois pour essayer de comprendre. Comment sa famille en était-elle arrivée là ? Pourquoi n’avait-elle rien remarqué ? Qui était vraiment sa mère ? Qu’allait-elle devenir à présent ?... Les questions tournaient dans sa tête en rafales.
En début de soirée, son père fut pris de remords. Il voulait s’excuser. Il frappa doucement à la porte de la chambre de sa fille. N’obtenant aucune réponse, il poussa la porte et alluma la lumière. Hélas, il était trop tard. La jeune fille était déjà loin. D’elle, il ne trouva qu’un mot chiffonné, abandonné sur le lit. Un sentiment de solitude s’empara de lui. A présent, il était vraiment seul.
5/ Chapitre 5
Il relut le message et soupira. Sur le mot il pouvait lire dans l’écriture de la mère de Salomé « Ma fille chérie, maintenant que je te quitte à cause de la faillite de l’homme que tu pense être ton père il faut que je t’explique quelque chose, ce que j’aurais dû faire il y a longtemps. L’homme qui t’a élevé à mes cotés n’est pas en réalité ton père biologique. Ton vrai père est un servant nommé Arthur qui travaille à la maison avec qui j’ai eu une liaison que je n’ai jamais su assumée. Maintenant que tu sais cela tu sais que tu n’es plus obligée de rester avec l’homme qui t’a élevée et qui vois aujourd’hui sa vie s’échapper de son emprise lentement. Je suis partie et je t’invite à suivre mon geste car je veux que tu puisse avoir un avenir ouvert et enrichissant. Avec tout mon amour ta mère »
Salomé partit dans une cachette, une cabane où son père non-biologique l’avait emmené dans le passé. Elle pleurait. Abel la rejoignit, il voyait la détresse dans ses yeux rouges et gonflés. Avec tendresse ; il la prit dans ses bras, la serra fort et demanda :
Mais pourquoi pleures-tu ?
Ma mère m’a laissé un mot en me disant que mon père, Ferdius, est en faillite et, en plus de cela, il n’est pas mon père biologique.
Comment te sens tu après ces horribles nouvelles ?
Je ne sais pas, je ne sais plus qui je suis. Je ne connais pas mon père. Je ne connais pas un homme au nom d’Arthur qui serait mon père réel.
Arthur ? Ce n’est pas le domestique de ta mère qui travaille chez vous ?
Oui, hélas !
Pendant ce temps, Ferdius cherchait Salomé aux environs de la maison, dans la ville et brusquement il se rappela de l’endroit où il l’amenait petite, près du terrain de football dans un terrain vague. Alors il se dirigea vers la cabane et il entendit des cries de frustration et de sanglots. Il s’approcha et s’accroupit derrière un buisson afin d’écouter la conversation.
Quand ils cessèrent de parler, Ferdius alla les voir et il découvrit que Salomé et Abel voulaient faire leurs bagages et fuir ce monde de mensonges qu’ils méprisaient tant. Mais sans suivre la direction de la mère.
_Mais que faites vous ? Demanda Ferdius.
_On ne peut pas rester ici, répondit Salomé en train de sangloter, ma mère m’a mentie, je ne veux plus la revoir ni tout ce qui est associés à elle. Nous devons partir loin d’ici.
_Vous ne pouvez pas partir !Vous...
_Mais vient avec nous on aura besoin d’un adulte, interrompit Abel
C’est une bonne idée que tu vienne avec nous je ne suis pas encore prête pour accepter que mon père appartienne à une classe inférieure à la mienne. J’ai besoin d’un adulte en qui j’ai confiance car tous les autres m’ont désertés. Je ne veux pas rencontrer Arthur.
_Cet événement sera toujours difficile à affronter, mais il faudra bien le faire un jour. Il vaut mieux le faire avant qu’il ne soit trop tard et que tu ne le regrettes tout le reste de ta vie.Qu’il soit d’une classe inférieure ou non, il est du même sang. De plus cela te permet de faire une nouvelle rencontre. Mais t’inquiète pas je serai la si tu le désire.
_J’imagine que je pourrai le rencontre une fois, je ne sais pas si je pourrai tenir le choc, ce sera un moment dur, mais, je veux bien essayer.
_C’est déjà un bon début.
Salomé sortit de sa cachette et marcha vers son destin. Il pleuvait, le soleil rayonnait dans le ciel grisâtre, un arc-en-ciel donna l’impression de surgir de la terre. Une nouvelle époque se levait pour elle, comme un nouveau départ.Mais pourquoi pleures-tu ?
J’ai vu mes tests d’ADN, dans mon dossier médical à l’hôpital, lorsque j’ai fait mes vaccins.
Alors, quel est le problème ?
Je ne sais plus qui je suis. Je ne connais pas mon père. Je ne connais pas un homme au nom d’Arthur
Arthur ? Ce n’est pas le domestique de ta mère qui travaille dans la cave ?
Mon père est un domestique !?
Pendant ce temps, le père non-biologique de Salomé la cherchait au environs de la maison, dans la ville et brusquement il se rappela de l’endroit où il amenait Salomé petite, près du terrain de foot dans un terrain vague. Alors il se diriga vers la cabane et il entendit des cries et des sanglots. Il s’approcha et s’accroupit derrière un buisson afin d’écouter la conversation.
Quand ils cessèrent de parler, Ferdius alla les voir et il découvrit que Salomé et Abel voulaient faire leurs bagages et fuir cette mère qu’ils méprisaient tant.
_Mais que faites vous ?
_On peut pas rester ici, répondit Salomé en train de sangloter, ma mère me ment, je n’ai pas de relation avec elle, et je ne l’aurais jamais.Nous devons partir.
_Vous ne pouvez pas partir !Vous..
_Mais vient avec nous on aura besoin d’un adulte, interompit Abel
_pourquoi voulez-vous partir, demanda Ferdius
_J’ai honte que mon père soit un domestique et si cela se sait, se serait horrible, ma mère me ment, je n’ai pas de relation avec elle, et je ne l’aurais jamais.Nous devons partir.
_Mais c’est ton père biologique. Tu ne veux pas le connaître ?
_Bien sûr que oui, mais je ne suis pas encore prête pour accepter que mon père appartienne à une classe inférieure à la mienne
_Ce serait toujours difficile à affronter cet événement dans ta vie mais il faudra bien le faire un jour il vaut mieux le faire avant qu’il le soit trop tard et que ne le regrettes tout le reste de ta vie.Qu’il soit d’une classe inférieure ou non, il est du même sang. De plus cela te permet de faire une nouvelle rencontre.
_J’imagine que je pourrai le renconter une fois, je ne sais pas si je pourrai tenir le choc, ce sera un moment dur, mais, je veux bien essayer.
_C’est déjà un bon début.
Salomé sortit de sa cachette et marcha vers son destin. Il pleuvait, le soleil rayonnait dans le ciel grisâtre, un arc-en-ciel donna l’impression de surgir de la terre. Une nouvelle époque se levait pour elle, comme un nouveau départ.