Prologue
La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.
1/ Chapitre 1
Descriptif :
Salomé n’avait pas vu sa mère de la journée. A peine l’avait-elle entendue quitter la maison, le moteur de sa voiture vrombissant à l’aurore, les roues du véhicule crissant sur le gravier blanc de l’allée, avant de s’élancer à l’extérieur. Elle s’en allait tôt pour éviter les embouteillages, traverser la ville, passer à temps le pont qui la coupait en deux, être la première arrivée au dispensaire. En réalité, elle n’était jamais vraiment la première sur les lieux. Des malades se bousculaient déjà aux portes. Des femmes portant leurs enfants sur la hanche. Jeunes gens atteints de paludisme chronique. Des vieillards dont il faudrait retirer des vers de Cayor ou traiter les filaires. Une foule dont il faudrait se charger jusqu’à la tombée de la nuit. C’était lundi. La semaine serait longue et harassante.Retour ligne manuel
Rentrée du collège où elle venait d’entrer en classe de sixième après avoir été brillamment reçue au concours national sans lequel la chose n’était pas envisageable, Salomé tournait en rond dans la maison. Le chauffeur était passé la prendre comme toujours, et l’avait ramenée sans faire de détour. Elle ne l’avait pas prié de s’arrêter pour acheter des soyas, ces brochettes de bœuf vendues aux abords des rues, dont la consommation lui était interdite. Elle ne lui avait pas non plus demandé d’attendre qu’elle s’offre un cône d’arachides grillées, dont un marchand faisait sauter les pelures en l’air avant de servir ses clients. En temps normal, Salomé ne reculait pas devant ces manquements aux lois parentales, dépensant allègrement son argent de poche, afin de se sentir appartenir au peuple de son pays. Vivre comme les autres. Etre un temps parmi eux, pas seulement à côté.Retour ligne manuel
La chambre de sa cousine Sephora se trouvait à côté de la sienne. Elle eut envie d’y pénétrer pour l’attendre comme elle le faisait souvent, préparant une partie de Monopoly ou de Scrabble. Elles aimaient jouer avant de se consacrer à leurs devoirs. Sephora ne tarderait plus, à présent. La perspective de ces amusements ne suscita qu’une joie éphémère chez Salomé. Elle resta interdite devant la porte, se remémorant les paroles de sa mère. C’était de Sephora et de son frère Abel qu’elle parlait, lorsqu’elle avait dit : « Ce sont nos gens. » Hier, Abel était passé voir sa sœur. Il était aussi porteur d’un message envoyé par ses parents à ceux de Salomé. Le contenu de la missive était un mystère. Tout ce que Salomé savait, c’était que sa mère s’était emportée, qu’elle avait crié, que son mari lui avait demandé pourquoi parler sur ce ton à un enfant. C’était là qu’elle avait lancé : « Ce sont nos gens, je leur parle comme il me sied… »Retour ligne manuel
Salomé tourna les talons, se dirigea vers sa chambre, se laissa choir sur son lit. La bonne avait pris soin de mettre en marche le climatiseur. Une fraîcheur apaisante enveloppait les lieux. Elle laissa errer son regard dans la pièce. Un revêtement rose couvrait les murs. Il y avait un bureau en acajou, des étagères supportant des livres et, sur la table de chevet, un ghetto blaster reçu à Noël. Une épaisse moquette tapissait le sol, si bien qu’elle n’entendait jamais le bruit de ses propres pas, quand elle se trouvait dans cette pièce. Face au lit, une porte donnait sur une salle de bain, avec un dressing mitoyen. C’était là que Sephora venait faire sa toilette. Sa chambre à elle ne disposait pas des mêmes commodités. Ses vêtements étaient rangés dans une malle, comme s’il lui fallait se tenir prête à s’en aller à tout moment.Retour ligne manuel
La fillette se mit à songer, pour la première fois, à toutes les différences qu’elle n’avait jamais interrogées. Sephora vivait dans la même maison, mais fréquentait une école publique, dans un des quartiers populaires de la ville. Le chauffeur ne l’y conduisait pas. Elle prenait un taxi de ramassage [1] pour s’y rendre, rentrait quelquefois à pied pour économiser un peu d’argent. Le samedi, alors que Salomé faisait la grasse matinée, il n’était pas rare que sa mère envoie Sephora au marché ou ailleurs, faire quelque commission. Il n’y avait là rien qui ressemble à de la torture, Sephora n’était pas maltraitée. D’ailleurs, elle ne se plaignait de rien. Ses parents l’avaient confiée à ses oncle et tante, parce qu’ils pensaient qu’elle aurait, grâce à eux, de meilleures chances dans la vie. Retour ligne manuel
Au fond d’elle Salomé entendait une petite voix lui dire qu’il y avait quelque chose. Ce n’était pas uniquement parce que Sephora n’était pas leur enfant, que ses parents ne s’adressaient jamais à elle en français, ne lui parlant que cette langue ancestrale qu’ils ne transmettaient pas à leur fille. Ce n’était pas pour cette seule raison que ses vêtements n’étaient jamais commandés à la Redoute, ni achetés dans les magasins hors de prix où se rendaient les expatriés européens pour maintenir leur style de vie. Et si elle ne s’autorisait à regarder un film sur le magnétoscope qu’à l’invitation de Salomé, ce n’était pas, là non plus, parce que cette maison n’était pas celle de ses géniteurs. C’était parce qu’elle appartenait à cette caste mystérieuse, celle des « nos gens ». Retour ligne manuel
Le cœur de Salomé se glaça, lorsqu’elle entendit grincer le portail. Sephora rentrait. Elle l’entendit prendre gaiement congé d’une camarade de classe. Le gravier blanc de l’allée bruissa sous ses pieds comme tous les jours, et comme tous les jours, elle s’arrêta pour humer le parfum des fleurs du frangipanier planté dans la cour, face au manguier, à quelques pas d’un arbre du voyageur dont on prenait grand soin. Sephora avait l’âge d’être en troisième, mais elle n’était qu’en cinquième à cette année, ayant échoué à deux reprises au concours d’entrée en sixième. C’était après son second échec à l’examen national qu’elle était venue vivre avec eux. Salomé se souvenait du conseil de famille qui avait entériné la décision. Puisqu’on ne lui disait jamais rien ou pas grand-chose d’important, elle avait écouté aux portes. Ses parents l’ignoraient, mais elle comprenait parfaitement la langue secrète, la langue non transmise des ancêtres.Retour ligne manuel
Bientôt, on frappa trois coups guillerets à la porte de sa chambre. Le sourire de Sephora illumina la pièce, et son accent d’enfant des quartiers envahit l’espace : « Tu es déjà là ! Je t’ai gardé. » Ces derniers mots signifiaient qu’elle avait pensé à sa cousine, et lui avait rapporté quelque friandise proscrite, afin de partager avec elle la saveur du pays réel. Salomé se redressa, incapable, toutefois, de lui rendre son sourire. Devant la mine étonnée de cette cousine dont elle n’était plus certaine de connaître le statut, elle dit simplement : « Il faut qu’on parle. »
2/ Chapitre 2 Chapitre 2
Texte à compléter
Depuis le maison, Salomé guettait le retour de Séphora. Dès qu’elle l’aperçut elle se précipita et plongea ses yeux dans les siens.
– Quoi ? J’ai fait quelque chose de grave ? demanda Séphora inquiète du sérieux de sa cousine.
– Pourquoi m’as-tu caché que tu passais du temps avec les mal-lotis ?
– Je...
– ...parce que je suis trop petite ? Tu ne me fais pas confiance ?s’écria Salomé au bord des larmes.
– Non.
..ce sont mes amis, je les aime. Je ne peux pas vivre sans eux, ils me donnent de la joie de vivre...
– Je ne comprends pas pourquoi tu ne m’en as jamais parlé.
– Mais...c’est juste que Abel...zut, dit Séphora en mettant la main devant sa bouche. En fait, parmi eux, il y a mon frère...Abel..
– Ah ! Tu ne voulais pas que ma mère le sache ?
Comme elles arrivaient dans la maison, elles montèrent dans la chambre de salomé. Séphora baissait la tête, gênée de ce secret entre elles.
– Salomé, tu sais, je ne suis pas vraiment une cousine comme les autres...
Un grand silence s’installa. Salomé ne savait plus où elle en était. Elle n’était pas non plus complètement étonnée mais plutôt contrariée d’avoir été tenue à l’écart.la famille passa à table. Salomé ne toucha presque pas à son assiette et monta se coucher très vite.
Le lendemain salomé partit au collège comme d’habitude. Elle avait hâte que les cours se terminent. Elle attendrait le retour de Séphora et lui demanderait de la conduire chez Abel. Elle voulait en savoir plus.
En milieu d’après-midi elle grimpa sur le manguier, cueillit quelques fruits bien mûrs pour les offrir à ce nouveau "cousin". Devant la mine décidée de Salomé, Séphora, malgré sa crainte des conséquences, accepta d’accompagner sa cousine. Elle lui devait bien ça !
Elles s’échappèrent discrètement de la maison et Salomé se retrouva pour la première fois dans la rue interdite. Après quelques minutes de marche, elles arrivèrent chez Abel. La maison était très petite et située à l’écart des autres habitations. Elle était accompagnée d’un jardin avec un arbre au milieu. Séphora la fit entrer. La pièce était extrêmement simple, on y trouvait deux matelas et une petite table en bois. Abel qui était avec des enfants dans la rue les aperçut et s’approcha aussitôt. Séphora fit les présentations. Salomé offrit ses mangues. Voyant cela, des enfants s’approchèrent eux-aussi pour avoir des mangues. Il était difficile dans ces conditions de parler du sujet qui intéressait Salomé. Les explications ne seraient pas pour ce soir. le ciel était déjà entièrement noir et on ne distinguait que la pleine lune et quelques étoiles. Il fallait rentrer.
Les deux jeunes filles eurent à peine le temps de passer la porte que la mère de Salomé cria du fond du salon :
– Mais où étiez-vous ?Je vous attends depuis plus d’une heure ! Il est très tard pour que deux filles comme vous trainent dehors !
Salomé et Séphora se regardèrent paniquées avant de se retourner vers le père qui prit la parole.
– Salomé avait oublié...son...sa...hum...rien d’important ! finit-il par dire en essayant de changer de sujet.
– Je ne sais pas trop ce que vous manigancez mais cela ne me plait pas. J’ai eu une dure journée et si je dois en plus m’inquiéter parce que vous ne respectez pas les règles, je vais devoir vous punir.
– Je suis sincèrement désolée dit timidement Séphora.
– Tais-toi, je ne veux plus vous entendre. Allez dans vos chambres. Vous y resterez demain toute la journée.
Sans discuter ni broncher les filles montèrent alors. Salomé ne pensait qu’à une seule chose : qui était vraiment Séphora ? Qui était Abel ? Pourquoi habitait-il cette petite maison ? Que lui cachait-on ? Rongée par ces questions, n’osant affronter sa mère, elle décida de rassembler quelques affaires : une couverture, une veste, des biscuits, de petites pièces de monnaie et fila toquer à la porte de la chambre de Séphora.
– Viens, prends tes affaires et allons chez Abel ! Puisque nous sommes punies, personne demain ne s’apercevra de notre fuite.
Endormie et sous l’effet de la surprise, Séphora obeit sans trop réfléchir. Peu après elles se retrouvèrent dans la rue.Le quartier était plongé dans l’obscurité mais éclairé par endroit par la lune. Salomé n’était pas rassurée.
Enfin arrivées chez Abel, elles le réveillèrent. Il sursauta, se leva et vint leur ouvrir. Elles lui demandèrent de les cacher. Il les fit entrer. Salomé et Séphora s’intallèrent sur le second matelas, se blottirent sous la couverture et s’endormirent épuisées par tant d’émotions.
En se réveillant le lendemain, les jeunes filles et Abel semblaient un peu embarrassés. Cette situation était nouvelle. Qu’allait-il se passer ?
– Commencez à manger un peu de mangue, dit Abel, je vais acheter des beignets et une bouteille de soda.
– Tiens, prends quelques pièces, proposa salomé.
– Merci mais ce n’est pas la peine, ajouta Abel.
– Je sors avec toi, décida Séphora.
Salomé seule, apercevant la réserve d’eau, remplit une bassine dans le tonneau pour une toilette rapide. Mais devant une pile de vaisselle sale, elle décida de la nettoyer d’abord. Elle mit trop de savon : cela moussait, débordait ; en lavant, Salomé éclaboussait tout, elle échappa un bol, voulut le rattraper et renversa la bassine d’eau savonneuse. Le sol était trempé comme ses vêtements. Elle ne savait plus quoi faire.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? demandèrent Séphora et Abel en revanant avec les beignets. Que voulais-tu faire ?
– Mais...euh...j’ai voulu faire la vaisselleet...tout est tombé. Je voulais te rendre service, Abel, ajouta Salomé mal à l’aise.
– tu dois économiser l’eau, il va falloir retourner en chercher ! Et puis, tu es toute mouillée, le sol aussi...venez, sortons manger dans le jardin.
– Je suis vraiment désolée, tu me pardonnes ? demanda salomé.
– Oui bien-sûr qu’il te pardonne, répondit Séphora, ce n’est rien. Venez, sortons !
Mais salomé éclata en sanglots.
– J’en ai assez que vous me cachiez tant de choses, pleura-t-elle, je veux savoir !
Séphora regarda son frère.
– Bon, il faut lui dire maintenant ! On doit lui dire, il faut qu’elle sache !
– Non, Séphora, répondit sèchement Abel, ce n’est pas à nous de le lui dire !
Salomé, bouleversée par ces nouvelles paroles, s’enfuit dans la rue en courant.
3/ Chapitre 3
Séphora se rendit compte de son erreur et courut à la poursuite de Salomé. Après plus d’une heure de recherche elle décida de revenir dans la maison de Salomé en espérant qu’elle revienne. En arrivant, la mère de Salomé demanda affolée où était sa fille :
« -Je n’ai pas fait exprès, je parlais et c’est sorti tout seul ! Je lui ai dit, avoua Séphora en pleurs...
– Tu es une incapable, tu ne sers à rien, j’appellerai tes parents dans la semaine, je ne veux plus te voir ! »
Séphora quitta la maison pour rejoindre Abel dans leur cabane d’enfance, qui était interdite, en espérant le trouver.
Abel aperçut Séphora en larme.
« -Que se passe t-il ? S’écria Abel
– La mère de Salomé m’a expulsée de la maison, je ne verrais plus Salomé, je ne vivrais plus chez elle.
– Tu n’aurais pas dû le lui dire, mais elle l’aurait bien su un jour, » dit Abel en la prenant dans ses bras pour la calmer un peu...
Plus tard dans la soirée, Salomé se décida à rentrer chez elle et à affronter sa mère :
« -Salomé,tu as dépassé les bornes ! Tu aurais dû m’écouter et ne pas rentrer si tard ! S’écria sa mère...
– Pour qui te prends-tu ? Tu n’es pas ma mère ! Et où est Séphora ? »
La mère de Salomé, les larmes aux yeux, s’exclama :
« -Séphora ne reviendra plus, c’est une incapable, je l’ai chassée ! »
De rage, Salomé partit s’enfermer dans sa chambre.
Pendant ce temps, Séphora s’était endormie, épuisée d’avoir tant cherché Salomé... Elle ne possédait qu’une petite couverture qui sentait bon la mangue, quelques biscuits et trois pièces de monnaies.
La mère de Salomé décida d’aller s’expliquer sérieusement avec sa fille.
« -Salomé, laisse-moi entrer s’il te plaît...Dit sa mère d’une voix douce en toquant à la porte.
– Non, laisse moi ! Je ne veux plus te parler !
– Il faut pourtant absolument que nous parlions, laisse moi t’expliquer... »
La jeune fille décida enfin de lui ouvrir. Elles s’installèrent toutes les deux sur le lit. Sa mère l’a pris dans ses bras.
« -Nous t’avons eu à six mois, car ta mère est morte à ta naissance... On nous avait téléphoné pour nous signaler qu’une petite fille attendait d’être adoptée. Nous sommes alors venus te chercher, ton petit sourire et tes petites mimiques nous ont tout de suite beaucoup attendris, car cela faisait si longtemps que nous attendions cet appel, ce jour.
Salomé, des larmes plein les yeux, fixa sa mère :
« -Pourquoi ne me l’as-tu pas dit avant ?
– Par peur de te perdre, de ta réaction... »
4/ Chapitre 4
Texte à compléter Chapitre 4
– Mais c’est idiot ! Heureusement que tu me l’as enfin dit ! Imagine si tu n’avais pas parlé, on se serait éloignées.
– Je ne vois pas pourquoi.
– J’aurais découvert que vous me cachiez quelque chose et je me serais posé beaucoup de questions. J’aurais enquêté sans ton aide, tu comprends ?
– Mmmm, pas tout à fait, mais passons. Le plus important, c’est que tout soit mis au clair.
– Oui, c’est le plus important, dit Salomé encore un peu vexée.
Une longue embrassade suivit cette discussion mouvementée entre fille et mère. Cette dernière descendit de la cabane haut perchée pour aller préparer le repas.
La petite fille avait tout de même encore des doutes. Elle était sûre que sa mère ne lui avait pas tout dit. Elle pensa en parler à Séphora mais elle était encore hésitante. Salomé n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée que Séphora et Abel n’étaient pas ses cousins mais des enfants adoptés. Finalement elle décida de rester encore un peu dans la cabane. Cette cabane était un coin de réflexion et d’apaisement pour elle. Dans les branches du manguier, le vent soufflait doucement, elle regardait les rues grouillantes d’enfants qui dégustaient des maquereaux cuits à la braise, jouant à l’awalé, un jeu qu’aimait particulièrement Salomé.
Quelqu’un toqua à la porte. Séphora entra dans la cabane.
– Je viens de discuter à nouveau avec Abel. Et si ta mère ne nous avait pas tout dit encore ?
– J’y ai songé, répondit Salomé touchée de la concordance de leurs idées.
– Alors voilà, nous voulons retrouver notre mère !
– Et bien, moi aussi, je vais la chercher avec vous, répliqua immédiatement Salomé. Nous devons chercher d’autres indices, d’autres documents dans la maison.
Comme c’était le week-end, les parents de Salomé étaient au marché maintenant, cela les occuperait un bon moment.
Salomé s’occuperait de fouiller le bureau de sa mère pendant que Séphora visiterait celui de son père. Elles avaient hâte ! Elles y allérent sur le champ.
Séphora trouva des contrats, des attestations, enfin rien d’important. Salomé tomba sur une vieille boîte orange avec écrit dessus "SOUVENIRS" mais elle contenait de petits objets uniquement et elle n’y prêta aucune attention. Les deux filles se retrouvèrent un peu plus tard sans informations nouvelles. Salomé suggéra de rejoindre Abel pour discuter avec lui, réfléchir à d’autres pistes...Séphora jugeait cela trop risqué. Elle craignait que les parents de Salomé le découvrent... Elle eut beau argumenter, Salomé resta déterminée et elles se rendirent chez Abel. Elles devaient faire vite !
Abel fut surpris de les recevoir, elles allèrent droit au but.
– Abel, Salomé sait tout pour nous deux et notre projet de retrouver maman, elle veut nous aider. As-tu du nouveau de ton côté ?
– Oui, en regardant mieux la photo que tu m’as apportée, j’ai réussi à lire une adresse. Je m’y suis rendu. La maison semble bien occupée mais personne n’a ouvert quand j’ai frappé à la porte. Avez-vous le temps d’y retourner ?
– OUI, s’écrièrent les deux filles en même temps.
Alors, la petite famille se rendit à l’adresse indiquée et frappa d’un coup sec. La clé tourna dans la serrure, puis une femme apparut sur le pas de la porte.
Alors Abel expliqua.
– Bonjour, je m’appelle Abel, Voici ma soeur Séphora et ma demi-soeur Salomé. Nous venons car en fouillant dans de vieilles affaires, nous avons trouvé une photo avec votre adresse au dos. Connaissez-vous son origine ?dit-il en présentant l’image.
– Ah, et bien, oui, ça me rappelle vaguement quelque chose, une fête, oui, une fête, ah, on s’était bien amusé ! Et son principe était très amusant : chacun devait déposer dans une boîte orange un objet porteur d’un secret, d’une confidence, d’un aveu, d’une erreur, d’un rêve...
Salomé se souvint alors : boîte ; orange, bureau de sa mère ! Elle partit d’un coup sans prévenir, en direction de sa maison. Une fois devant la boîte, elle sut qu’en l’ouvrant elle découvrirait l’ultime vérité sur sa famille.
5/ Chapitre 5
Ignace lui donna la boîte. Salomé hésitante, prit la boîte en tremblant. Elle ne savait pas quoi faire : l’ouvrir et découvrir la vérité à propos de sa famille ou au contraire la laisser fermer et rester dans le doute pendant une très grande partie de sa vie. Séphora et Abel s’avancèrent près de Salomé. Ils décidèrent donc tous de se réunir pour enfin l’ouvrir.
Une fois la boîte ouverte, Séphora reconnut directement une photo représentant leur enfance. Sur cette photographie, on pouvait distinguer trois jeunes enfants et une femme qui souriait. Abel, reconnu immédiatement la jeune femme présente sur la photo : étant petits, cette femme était leur nourrisse.
Salomé face à eux, vit au dos de la photographie un petit message contenant un numéro de téléphone. Elle prit soudainement la photo et lut le petit message : « Je vous fais d’énormes bisous, je pense fort à vous » : de la part de votre nourrisse préférée. Voici mon numéro de téléphone en cas de problème.
Salomé, surprise, demanda à Ignace :
– Qui est cette femme semblant tant nous aimer ?
Ignace répondit d’un air discret :
– Elle s’appelle Magali, c’était ma voisine.
Séphora proposa de la contacter pour avoir des informations au sujet de leur mère car Ignace n’était pas en mesure de le faire.
Salomé appela Magalie :
– Bonjour, êtes-vous bien Magali ?
– Oui, c’est bien moi ! Qui est à l’appareil ?
Il y eut un long silence au bout du fil avant que Salomé ne puisse dire un mot.
– Je suis confuse de vous déranger. Je m’appelle Salomé, je ne sais pas si vous vous souvenez, j’étais votre voisine !
Cette fois-ci, ce fut au tout de la nourrisse de rester sans voix.
– Je…mais….je te croyais morte ! Toi et tes frère et sœur, balbutia-t-elle.
Salomé, stupéfaire répliqua :
– Morte ! Mais pourquoi ?
– A cause de l’incendie.
– Quel incendie ?
– Eh bien, un jour alors que je vous gardais, votre maison à pris feu. Je suis sortie car vous jouiez dans le jardin mais je ne vous ai pas vus. J’avais beau chercher et vous appeler, vous aviez disparus !
Salomé, perplexe, eut un moment de silence puis reprit :
– En fait, je vous ai contacté pour avoir des renseignements sur ma mère.
– Si tu veux, je peux te donner son adresse.
Salomé accepta puis raccrocha, partagée entre la peur et l’excitation, tenant entre ses mains le petit bout de papier contenant l’adresse de sa mère. Salomé, Séphora et Abel, accompagnés d’Ignace, montèrent dans la voiture et allèrent au domicile de leur mère. Le vieil homme s’arrêta devant une petite cabane sombre. Salomé demanda, étonnée :
– C’est ici que notre mère habite ?
– Oui, en effet, rétorqua le vieil homme. Il marqua une courte pause puis reprit :
– Je dois vous avouer quelque chose, le jour de cet incident tragique, vous étiez sous ma garde et j’ai dû m’absenter quelques instants pour voir votre mère à l’hôpital. Séphora l’interrompit :
– Quoi ? Notre mère était à l’hôpital ?
– Oui, elle était atteinte d’un cancer et avait des complications…
– Quel genre de complication ?
– Elle venait d’apprendre qu’elle était enceinte.
Ignace leur raconta le reste de l’histoire tout en espérant que les retrouvailles se déroulent bien.
1/ Chapitre 1
Descriptif :
Salomé n’avait pas vu sa mère de la journée. A peine l’avait-elle entendue quitter la maison, le moteur de sa voiture vrombissant à l’aurore, les roues du véhicule crissant sur le gravier blanc de l’allée, avant de s’élancer à l’extérieur. Elle s’en allait tôt pour éviter les embouteillages, traverser la ville, passer à temps le pont qui la coupait en deux, être la première arrivée au dispensaire. En réalité, elle n’était jamais vraiment la première sur les lieux. Des malades se bousculaient déjà aux portes. Des femmes portant leurs enfants sur la hanche. Jeunes gens atteints de paludisme chronique. Des vieillards dont il faudrait retirer des vers de Cayor ou traiter les filaires. Une foule dont il faudrait se charger jusqu’à la tombée de la nuit. C’était lundi. La semaine serait longue et harassante.Retour ligne manuel
Rentrée du collège où elle venait d’entrer en classe de sixième après avoir été brillamment reçue au concours national sans lequel la chose n’était pas envisageable, Salomé tournait en rond dans la maison. Le chauffeur était passé la prendre comme toujours, et l’avait ramenée sans faire de détour. Elle ne l’avait pas prié de s’arrêter pour acheter des soyas, ces brochettes de bœuf vendues aux abords des rues, dont la consommation lui était interdite. Elle ne lui avait pas non plus demandé d’attendre qu’elle s’offre un cône d’arachides grillées, dont un marchand faisait sauter les pelures en l’air avant de servir ses clients. En temps normal, Salomé ne reculait pas devant ces manquements aux lois parentales, dépensant allègrement son argent de poche, afin de se sentir appartenir au peuple de son pays. Vivre comme les autres. Etre un temps parmi eux, pas seulement à côté.Retour ligne manuel
La chambre de sa cousine Sephora se trouvait à côté de la sienne. Elle eut envie d’y pénétrer pour l’attendre comme elle le faisait souvent, préparant une partie de Monopoly ou de Scrabble. Elles aimaient jouer avant de se consacrer à leurs devoirs. Sephora ne tarderait plus, à présent. La perspective de ces amusements ne suscita qu’une joie éphémère chez Salomé. Elle resta interdite devant la porte, se remémorant les paroles de sa mère. C’était de Sephora et de son frère Abel qu’elle parlait, lorsqu’elle avait dit : « Ce sont nos gens. » Hier, Abel était passé voir sa sœur. Il était aussi porteur d’un message envoyé par ses parents à ceux de Salomé. Le contenu de la missive était un mystère. Tout ce que Salomé savait, c’était que sa mère s’était emportée, qu’elle avait crié, que son mari lui avait demandé pourquoi parler sur ce ton à un enfant. C’était là qu’elle avait lancé : « Ce sont nos gens, je leur parle comme il me sied… »Retour ligne manuel
Salomé tourna les talons, se dirigea vers sa chambre, se laissa choir sur son lit. La bonne avait pris soin de mettre en marche le climatiseur. Une fraîcheur apaisante enveloppait les lieux. Elle laissa errer son regard dans la pièce. Un revêtement rose couvrait les murs. Il y avait un bureau en acajou, des étagères supportant des livres et, sur la table de chevet, un ghetto blaster reçu à Noël. Une épaisse moquette tapissait le sol, si bien qu’elle n’entendait jamais le bruit de ses propres pas, quand elle se trouvait dans cette pièce. Face au lit, une porte donnait sur une salle de bain, avec un dressing mitoyen. C’était là que Sephora venait faire sa toilette. Sa chambre à elle ne disposait pas des mêmes commodités. Ses vêtements étaient rangés dans une malle, comme s’il lui fallait se tenir prête à s’en aller à tout moment.Retour ligne manuel
La fillette se mit à songer, pour la première fois, à toutes les différences qu’elle n’avait jamais interrogées. Sephora vivait dans la même maison, mais fréquentait une école publique, dans un des quartiers populaires de la ville. Le chauffeur ne l’y conduisait pas. Elle prenait un taxi de ramassage [1] pour s’y rendre, rentrait quelquefois à pied pour économiser un peu d’argent. Le samedi, alors que Salomé faisait la grasse matinée, il n’était pas rare que sa mère envoie Sephora au marché ou ailleurs, faire quelque commission. Il n’y avait là rien qui ressemble à de la torture, Sephora n’était pas maltraitée. D’ailleurs, elle ne se plaignait de rien. Ses parents l’avaient confiée à ses oncle et tante, parce qu’ils pensaient qu’elle aurait, grâce à eux, de meilleures chances dans la vie. Retour ligne manuel
Au fond d’elle Salomé entendait une petite voix lui dire qu’il y avait quelque chose. Ce n’était pas uniquement parce que Sephora n’était pas leur enfant, que ses parents ne s’adressaient jamais à elle en français, ne lui parlant que cette langue ancestrale qu’ils ne transmettaient pas à leur fille. Ce n’était pas pour cette seule raison que ses vêtements n’étaient jamais commandés à la Redoute, ni achetés dans les magasins hors de prix où se rendaient les expatriés européens pour maintenir leur style de vie. Et si elle ne s’autorisait à regarder un film sur le magnétoscope qu’à l’invitation de Salomé, ce n’était pas, là non plus, parce que cette maison n’était pas celle de ses géniteurs. C’était parce qu’elle appartenait à cette caste mystérieuse, celle des « nos gens ». Retour ligne manuel
Le cœur de Salomé se glaça, lorsqu’elle entendit grincer le portail. Sephora rentrait. Elle l’entendit prendre gaiement congé d’une camarade de classe. Le gravier blanc de l’allée bruissa sous ses pieds comme tous les jours, et comme tous les jours, elle s’arrêta pour humer le parfum des fleurs du frangipanier planté dans la cour, face au manguier, à quelques pas d’un arbre du voyageur dont on prenait grand soin. Sephora avait l’âge d’être en troisième, mais elle n’était qu’en cinquième à cette année, ayant échoué à deux reprises au concours d’entrée en sixième. C’était après son second échec à l’examen national qu’elle était venue vivre avec eux. Salomé se souvenait du conseil de famille qui avait entériné la décision. Puisqu’on ne lui disait jamais rien ou pas grand-chose d’important, elle avait écouté aux portes. Ses parents l’ignoraient, mais elle comprenait parfaitement la langue secrète, la langue non transmise des ancêtres.Retour ligne manuel
Bientôt, on frappa trois coups guillerets à la porte de sa chambre. Le sourire de Sephora illumina la pièce, et son accent d’enfant des quartiers envahit l’espace : « Tu es déjà là ! Je t’ai gardé. » Ces derniers mots signifiaient qu’elle avait pensé à sa cousine, et lui avait rapporté quelque friandise proscrite, afin de partager avec elle la saveur du pays réel. Salomé se redressa, incapable, toutefois, de lui rendre son sourire. Devant la mine étonnée de cette cousine dont elle n’était plus certaine de connaître le statut, elle dit simplement : « Il faut qu’on parle. »
2/ Chapitre 2 Chapitre 2
Texte à compléter
Depuis le maison, Salomé guettait le retour de Séphora. Dès qu’elle l’aperçut elle se précipita et plongea ses yeux dans les siens.
– Quoi ? J’ai fait quelque chose de grave ? demanda Séphora inquiète du sérieux de sa cousine.
– Pourquoi m’as-tu caché que tu passais du temps avec les mal-lotis ?
– Je...
– ...parce que je suis trop petite ? Tu ne me fais pas confiance ?s’écria Salomé au bord des larmes.
– Non.
..ce sont mes amis, je les aime. Je ne peux pas vivre sans eux, ils me donnent de la joie de vivre...
– Je ne comprends pas pourquoi tu ne m’en as jamais parlé.
– Mais...c’est juste que Abel...zut, dit Séphora en mettant la main devant sa bouche. En fait, parmi eux, il y a mon frère...Abel..
– Ah ! Tu ne voulais pas que ma mère le sache ?
Comme elles arrivaient dans la maison, elles montèrent dans la chambre de salomé. Séphora baissait la tête, gênée de ce secret entre elles.
– Salomé, tu sais, je ne suis pas vraiment une cousine comme les autres...
Un grand silence s’installa. Salomé ne savait plus où elle en était. Elle n’était pas non plus complètement étonnée mais plutôt contrariée d’avoir été tenue à l’écart.la famille passa à table. Salomé ne toucha presque pas à son assiette et monta se coucher très vite.
Le lendemain salomé partit au collège comme d’habitude. Elle avait hâte que les cours se terminent. Elle attendrait le retour de Séphora et lui demanderait de la conduire chez Abel. Elle voulait en savoir plus.
En milieu d’après-midi elle grimpa sur le manguier, cueillit quelques fruits bien mûrs pour les offrir à ce nouveau "cousin". Devant la mine décidée de Salomé, Séphora, malgré sa crainte des conséquences, accepta d’accompagner sa cousine. Elle lui devait bien ça !
Elles s’échappèrent discrètement de la maison et Salomé se retrouva pour la première fois dans la rue interdite. Après quelques minutes de marche, elles arrivèrent chez Abel. La maison était très petite et située à l’écart des autres habitations. Elle était accompagnée d’un jardin avec un arbre au milieu. Séphora la fit entrer. La pièce était extrêmement simple, on y trouvait deux matelas et une petite table en bois. Abel qui était avec des enfants dans la rue les aperçut et s’approcha aussitôt. Séphora fit les présentations. Salomé offrit ses mangues. Voyant cela, des enfants s’approchèrent eux-aussi pour avoir des mangues. Il était difficile dans ces conditions de parler du sujet qui intéressait Salomé. Les explications ne seraient pas pour ce soir. le ciel était déjà entièrement noir et on ne distinguait que la pleine lune et quelques étoiles. Il fallait rentrer.
Les deux jeunes filles eurent à peine le temps de passer la porte que la mère de Salomé cria du fond du salon :
– Mais où étiez-vous ?Je vous attends depuis plus d’une heure ! Il est très tard pour que deux filles comme vous trainent dehors !
Salomé et Séphora se regardèrent paniquées avant de se retourner vers le père qui prit la parole.
– Salomé avait oublié...son...sa...hum...rien d’important ! finit-il par dire en essayant de changer de sujet.
– Je ne sais pas trop ce que vous manigancez mais cela ne me plait pas. J’ai eu une dure journée et si je dois en plus m’inquiéter parce que vous ne respectez pas les règles, je vais devoir vous punir.
– Je suis sincèrement désolée dit timidement Séphora.
– Tais-toi, je ne veux plus vous entendre. Allez dans vos chambres. Vous y resterez demain toute la journée.
Sans discuter ni broncher les filles montèrent alors. Salomé ne pensait qu’à une seule chose : qui était vraiment Séphora ? Qui était Abel ? Pourquoi habitait-il cette petite maison ? Que lui cachait-on ? Rongée par ces questions, n’osant affronter sa mère, elle décida de rassembler quelques affaires : une couverture, une veste, des biscuits, de petites pièces de monnaie et fila toquer à la porte de la chambre de Séphora.
– Viens, prends tes affaires et allons chez Abel ! Puisque nous sommes punies, personne demain ne s’apercevra de notre fuite.
Endormie et sous l’effet de la surprise, Séphora obeit sans trop réfléchir. Peu après elles se retrouvèrent dans la rue.Le quartier était plongé dans l’obscurité mais éclairé par endroit par la lune. Salomé n’était pas rassurée.
Enfin arrivées chez Abel, elles le réveillèrent. Il sursauta, se leva et vint leur ouvrir. Elles lui demandèrent de les cacher. Il les fit entrer. Salomé et Séphora s’intallèrent sur le second matelas, se blottirent sous la couverture et s’endormirent épuisées par tant d’émotions.
En se réveillant le lendemain, les jeunes filles et Abel semblaient un peu embarrassés. Cette situation était nouvelle. Qu’allait-il se passer ?
– Commencez à manger un peu de mangue, dit Abel, je vais acheter des beignets et une bouteille de soda.
– Tiens, prends quelques pièces, proposa salomé.
– Merci mais ce n’est pas la peine, ajouta Abel.
– Je sors avec toi, décida Séphora.
Salomé seule, apercevant la réserve d’eau, remplit une bassine dans le tonneau pour une toilette rapide. Mais devant une pile de vaisselle sale, elle décida de la nettoyer d’abord. Elle mit trop de savon : cela moussait, débordait ; en lavant, Salomé éclaboussait tout, elle échappa un bol, voulut le rattraper et renversa la bassine d’eau savonneuse. Le sol était trempé comme ses vêtements. Elle ne savait plus quoi faire.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? demandèrent Séphora et Abel en revanant avec les beignets. Que voulais-tu faire ?
– Mais...euh...j’ai voulu faire la vaisselleet...tout est tombé. Je voulais te rendre service, Abel, ajouta Salomé mal à l’aise.
– tu dois économiser l’eau, il va falloir retourner en chercher ! Et puis, tu es toute mouillée, le sol aussi...venez, sortons manger dans le jardin.
– Je suis vraiment désolée, tu me pardonnes ? demanda salomé.
– Oui bien-sûr qu’il te pardonne, répondit Séphora, ce n’est rien. Venez, sortons !
Mais salomé éclata en sanglots.
– J’en ai assez que vous me cachiez tant de choses, pleura-t-elle, je veux savoir !
Séphora regarda son frère.
– Bon, il faut lui dire maintenant ! On doit lui dire, il faut qu’elle sache !
– Non, Séphora, répondit sèchement Abel, ce n’est pas à nous de le lui dire !
Salomé, bouleversée par ces nouvelles paroles, s’enfuit dans la rue en courant.
3/ Chapitre 3
Séphora se rendit compte de son erreur et courut à la poursuite de Salomé. Après plus d’une heure de recherche elle décida de revenir dans la maison de Salomé en espérant qu’elle revienne. En arrivant, la mère de Salomé demanda affolée où était sa fille :
« -Je n’ai pas fait exprès, je parlais et c’est sorti tout seul ! Je lui ai dit, avoua Séphora en pleurs...
– Tu es une incapable, tu ne sers à rien, j’appellerai tes parents dans la semaine, je ne veux plus te voir ! »
Séphora quitta la maison pour rejoindre Abel dans leur cabane d’enfance, qui était interdite, en espérant le trouver.
Abel aperçut Séphora en larme.
« -Que se passe t-il ? S’écria Abel
– La mère de Salomé m’a expulsée de la maison, je ne verrais plus Salomé, je ne vivrais plus chez elle.
– Tu n’aurais pas dû le lui dire, mais elle l’aurait bien su un jour, » dit Abel en la prenant dans ses bras pour la calmer un peu...
Plus tard dans la soirée, Salomé se décida à rentrer chez elle et à affronter sa mère :
« -Salomé,tu as dépassé les bornes ! Tu aurais dû m’écouter et ne pas rentrer si tard ! S’écria sa mère...
– Pour qui te prends-tu ? Tu n’es pas ma mère ! Et où est Séphora ? »
La mère de Salomé, les larmes aux yeux, s’exclama :
« -Séphora ne reviendra plus, c’est une incapable, je l’ai chassée ! »
De rage, Salomé partit s’enfermer dans sa chambre.
Pendant ce temps, Séphora s’était endormie, épuisée d’avoir tant cherché Salomé... Elle ne possédait qu’une petite couverture qui sentait bon la mangue, quelques biscuits et trois pièces de monnaies.
La mère de Salomé décida d’aller s’expliquer sérieusement avec sa fille.
« -Salomé, laisse-moi entrer s’il te plaît...Dit sa mère d’une voix douce en toquant à la porte.
– Non, laisse moi ! Je ne veux plus te parler !
– Il faut pourtant absolument que nous parlions, laisse moi t’expliquer... »
La jeune fille décida enfin de lui ouvrir. Elles s’installèrent toutes les deux sur le lit. Sa mère l’a pris dans ses bras.
« -Nous t’avons eu à six mois, car ta mère est morte à ta naissance... On nous avait téléphoné pour nous signaler qu’une petite fille attendait d’être adoptée. Nous sommes alors venus te chercher, ton petit sourire et tes petites mimiques nous ont tout de suite beaucoup attendris, car cela faisait si longtemps que nous attendions cet appel, ce jour.
Salomé, des larmes plein les yeux, fixa sa mère :
« -Pourquoi ne me l’as-tu pas dit avant ?
– Par peur de te perdre, de ta réaction... »
4/ Chapitre 4
Texte à compléter Chapitre 4
– Mais c’est idiot ! Heureusement que tu me l’as enfin dit ! Imagine si tu n’avais pas parlé, on se serait éloignées.
– Je ne vois pas pourquoi.
– J’aurais découvert que vous me cachiez quelque chose et je me serais posé beaucoup de questions. J’aurais enquêté sans ton aide, tu comprends ?
– Mmmm, pas tout à fait, mais passons. Le plus important, c’est que tout soit mis au clair.
– Oui, c’est le plus important, dit Salomé encore un peu vexée.
Une longue embrassade suivit cette discussion mouvementée entre fille et mère. Cette dernière descendit de la cabane haut perchée pour aller préparer le repas.
La petite fille avait tout de même encore des doutes. Elle était sûre que sa mère ne lui avait pas tout dit. Elle pensa en parler à Séphora mais elle était encore hésitante. Salomé n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée que Séphora et Abel n’étaient pas ses cousins mais des enfants adoptés. Finalement elle décida de rester encore un peu dans la cabane. Cette cabane était un coin de réflexion et d’apaisement pour elle. Dans les branches du manguier, le vent soufflait doucement, elle regardait les rues grouillantes d’enfants qui dégustaient des maquereaux cuits à la braise, jouant à l’awalé, un jeu qu’aimait particulièrement Salomé.
Quelqu’un toqua à la porte. Séphora entra dans la cabane.
– Je viens de discuter à nouveau avec Abel. Et si ta mère ne nous avait pas tout dit encore ?
– J’y ai songé, répondit Salomé touchée de la concordance de leurs idées.
– Alors voilà, nous voulons retrouver notre mère !
– Et bien, moi aussi, je vais la chercher avec vous, répliqua immédiatement Salomé. Nous devons chercher d’autres indices, d’autres documents dans la maison.
Comme c’était le week-end, les parents de Salomé étaient au marché maintenant, cela les occuperait un bon moment.
Salomé s’occuperait de fouiller le bureau de sa mère pendant que Séphora visiterait celui de son père. Elles avaient hâte ! Elles y allérent sur le champ.
Séphora trouva des contrats, des attestations, enfin rien d’important. Salomé tomba sur une vieille boîte orange avec écrit dessus "SOUVENIRS" mais elle contenait de petits objets uniquement et elle n’y prêta aucune attention. Les deux filles se retrouvèrent un peu plus tard sans informations nouvelles. Salomé suggéra de rejoindre Abel pour discuter avec lui, réfléchir à d’autres pistes...Séphora jugeait cela trop risqué. Elle craignait que les parents de Salomé le découvrent... Elle eut beau argumenter, Salomé resta déterminée et elles se rendirent chez Abel. Elles devaient faire vite !
Abel fut surpris de les recevoir, elles allèrent droit au but.
– Abel, Salomé sait tout pour nous deux et notre projet de retrouver maman, elle veut nous aider. As-tu du nouveau de ton côté ?
– Oui, en regardant mieux la photo que tu m’as apportée, j’ai réussi à lire une adresse. Je m’y suis rendu. La maison semble bien occupée mais personne n’a ouvert quand j’ai frappé à la porte. Avez-vous le temps d’y retourner ?
– OUI, s’écrièrent les deux filles en même temps.
Alors, la petite famille se rendit à l’adresse indiquée et frappa d’un coup sec. La clé tourna dans la serrure, puis une femme apparut sur le pas de la porte.
Alors Abel expliqua.
– Bonjour, je m’appelle Abel, Voici ma soeur Séphora et ma demi-soeur Salomé. Nous venons car en fouillant dans de vieilles affaires, nous avons trouvé une photo avec votre adresse au dos. Connaissez-vous son origine ?dit-il en présentant l’image.
– Ah, et bien, oui, ça me rappelle vaguement quelque chose, une fête, oui, une fête, ah, on s’était bien amusé ! Et son principe était très amusant : chacun devait déposer dans une boîte orange un objet porteur d’un secret, d’une confidence, d’un aveu, d’une erreur, d’un rêve...
Salomé se souvint alors : boîte ; orange, bureau de sa mère ! Elle partit d’un coup sans prévenir, en direction de sa maison. Une fois devant la boîte, elle sut qu’en l’ouvrant elle découvrirait l’ultime vérité sur sa famille.
5/ Chapitre 5
Ignace lui donna la boîte. Salomé hésitante, prit la boîte en tremblant. Elle ne savait pas quoi faire : l’ouvrir et découvrir la vérité à propos de sa famille ou au contraire la laisser fermer et rester dans le doute pendant une très grande partie de sa vie. Séphora et Abel s’avancèrent près de Salomé. Ils décidèrent donc tous de se réunir pour enfin l’ouvrir.
Une fois la boîte ouverte, Séphora reconnut directement une photo représentant leur enfance. Sur cette photographie, on pouvait distinguer trois jeunes enfants et une femme qui souriait. Abel, reconnu immédiatement la jeune femme présente sur la photo : étant petits, cette femme était leur nourrisse.
Salomé face à eux, vit au dos de la photographie un petit message contenant un numéro de téléphone. Elle prit soudainement la photo et lut le petit message : « Je vous fais d’énormes bisous, je pense fort à vous » : de la part de votre nourrisse préférée. Voici mon numéro de téléphone en cas de problème.
Salomé, surprise, demanda à Ignace :
– Qui est cette femme semblant tant nous aimer ?
Ignace répondit d’un air discret :
– Elle s’appelle Magali, c’était ma voisine.
Séphora proposa de la contacter pour avoir des informations au sujet de leur mère car Ignace n’était pas en mesure de le faire.
Salomé appela Magalie :
– Bonjour, êtes-vous bien Magali ?
– Oui, c’est bien moi ! Qui est à l’appareil ?
Il y eut un long silence au bout du fil avant que Salomé ne puisse dire un mot.
– Je suis confuse de vous déranger. Je m’appelle Salomé, je ne sais pas si vous vous souvenez, j’étais votre voisine !
Cette fois-ci, ce fut au tout de la nourrisse de rester sans voix.
– Je…mais….je te croyais morte ! Toi et tes frère et sœur, balbutia-t-elle.
Salomé, stupéfaire répliqua :
– Morte ! Mais pourquoi ?
– A cause de l’incendie.
– Quel incendie ?
– Eh bien, un jour alors que je vous gardais, votre maison à pris feu. Je suis sortie car vous jouiez dans le jardin mais je ne vous ai pas vus. J’avais beau chercher et vous appeler, vous aviez disparus !
Salomé, perplexe, eut un moment de silence puis reprit :
– En fait, je vous ai contacté pour avoir des renseignements sur ma mère.
– Si tu veux, je peux te donner son adresse.
Salomé accepta puis raccrocha, partagée entre la peur et l’excitation, tenant entre ses mains le petit bout de papier contenant l’adresse de sa mère. Salomé, Séphora et Abel, accompagnés d’Ignace, montèrent dans la voiture et allèrent au domicile de leur mère. Le vieil homme s’arrêta devant une petite cabane sombre. Salomé demanda, étonnée :
– C’est ici que notre mère habite ?
– Oui, en effet, rétorqua le vieil homme. Il marqua une courte pause puis reprit :
– Je dois vous avouer quelque chose, le jour de cet incident tragique, vous étiez sous ma garde et j’ai dû m’absenter quelques instants pour voir votre mère à l’hôpital. Séphora l’interrompit :
– Quoi ? Notre mère était à l’hôpital ?
– Oui, elle était atteinte d’un cancer et avait des complications…
– Quel genre de complication ?
– Elle venait d’apprendre qu’elle était enceinte.
Ignace leur raconta le reste de l’histoire tout en espérant que les retrouvailles se déroulent bien.