Prologue
Localisation : Un bunker sous terre au milieu du Sahara
Année : 2050
Jour et heure : cela ne nous importe plus, maintenant que le monde est détruit, nous n’avons plus l’heure mais nous avons le temps : enfin !
Je n’ai rien oublié de mon ancienne vie, de tout ce que j’ai perdu, de la beauté d’un coucher de soleil, du mouvement lent et majestueux des vagues sur la plage de mon enfance, des histoires que me racontait ma mère. Je n’ai rien oublié du rire joyeux de mes propres enfants jouant à la balle au prisonnier dans le jardin. Rien non plus de ma sœur et mon frère, de notre enfance de petits noirs dans un village de France qui nous a tôt appris à affronter l’adversité. Je n’oublie pas que j’ai été heureuse. J’ai construit ma force et mon énergie, j’ai pu penser l’avenir malgré le Grand Effondrement parce que je savais que ce bonheur-là était possible, qu’une communauté bienveillante, imaginative pouvait sauver du pire des malheurs.
Je suis la plus vieille du projet, c’est moi qui l’ait conçu. Ici, il m’appelle tous Vieille Mère.
J’ai tout perdu au moment du Grand Effondrement en 2030. Tous ceux que j’aimais, ma maison, ma famille, les couchers de soleil, la mer, le chant doux des oiseaux au printemps, la caresse du vent sur mon visage, la table garnie et les amis en fête. Tout !
Depuis des décennies les puissants se faisaient la guerre. Ils fabriquaient des armes sophistiquées, ils n’avaient pas envisagé que leur avidité, leur quête d’un pouvoir hégémonique finiraient par créer notre perte à tous. Le budget de la défense était de plus en plus important, au détriment de la santé, du bien commun. L’éducation avait été abandonnée, la santé des plus fragiles délaissée, ils nous avaient transformés en corps brisés, malades, mal-éduqués, effrayés et méchants. Ils avaient permis que la terre soit abimée pour le confort immédiat de certains, ils avaient moqués, contredits les scientifiques qui prédisaient le désastre écologique en cours. Alors même que les tempêtes étaient plus virulentes, les incendies plus destructeurs et que des sécheresses terribles nous rendaient plus fragiles, ils avaient réussi à nous convaincre que l’étranger était le plus grand danger qui soit, à nous monter les uns contre les autres jusque dans notre intimité. Et quand ils avaient utilisé leurs armes, leurs bombes, nous avions applaudi parce que ce n’était pas contre nous mais contre des hommes, des femmes, des enfants que l’on nous désignait comme ennemis. Des personnes que nous n’avions jamais vu, qui vivaient à des milliers de kilomètres de nous et que nous les autorisions à massacrer parce qu’ils nous répétaient « c’est eux ou vous ! »
Je suis née à la fin du siècle dernier, j’étais là, j’ai tout vu. J’ai, inscrit dans ma mémoire comme un tatouage au fer rouge, la première bombe nucléaire et celles qui ont suivies en rétorsion. Je ne sais plus qui a commencé. Il n’y a plus personne pour écrire cette histoire. Je ne sais plus si c’était la Chine, les USA, la Russie, Israël ou la France. Dans le Projet Anticipation, nous avons compris qu’aucune guerre n’est nécessaire, aucune ne se gagne. Le premier sang versé à l’origine du monde crie vengeance et dans un cercle pervers, dévastateur, les mêmes horreurs se reproduisent.
J’étais ce qu’on appelait en ce temps-là une nerd. Très jeune, j’avais compris l’intérêt de l’informatique, du numérique et de la façon dont on pouvait s’en servir soit pour abêtir, dominer, s’enrichir, soit pour rendre les nôtres plus conscients de leur vulnérabilité et plus solidaires. J’ai choisi la seconde option.
Nous étions six femmes : Joyce et Annabella qui nous viennent des Etats Unis et du Brésil, Hua qui est chinoise, Rim qui est libanaise, Chloé française et moi, Sol, diminutif de mon prénom car mes parents m’ont appelée Soleil, prénom que j’ai transformé en Sol, comme le plancher où j’ai besoin de m’arrimer. Pas aussi vaste que la terre, mais Sol, comme l’endroit à la fois modeste et essentiel où tu poses tes pieds à chaque pas.
Le monde allait à vau-l’eau, j’ai contacté les femmes les plus brillantes de leur génération et elles m’ont écoutées quand je leur ai dit, « tout ça va mal se finir, nous devons nous préparer dès à présent à accoucher de l’avenir »
C’est ainsi qu’est né le Projet Anticipation. Le plan B d’un monde qui, c’était à prévoir, a implosé. Nous avons inventé la machine à remonter le temps et décider de réparer notre monde cassé en sauvant Les Vulnérables.
En route vers l’île mystérieuse
La ville flottante largue les amarres. Il règne une belle ambiance à bord. Salomé fait la connaissance d’Octavio, botaniste mexicain, et d’Olabisi, océanologue congolaise, pendant que Kamel échange avec Stacey, peintre néo-zélandaise, et un biologiste brésilien, Roberto.
Ils passent quelques journées ainsi, à courir partout sur le bateau, à rencontrer tout le monde, à ouvrir grands les yeux devant ce qui apparaît au large : immensités bleues, bouts de terres isolées, dauphins qui sautent, et le soleil qui s’étale le soir sur l’horizon rose ardent. C’est magnifique, et les deux amis ne s’en lassent pas.
Des jours passent. L’incroyable ville flottante avance, attachée aux gigantesques voiles. Voilà à quoi elle ressemble :
Photo en pièce jointe
On peut vivre sur ou sous l’eau. On nage avec les orques. La mer devient leur jardin.
Le Tribord accoste une première fois sur les côtes sénégalaises. Chacun part alors faire ses relevés, et on se retrouve à la nuit tombée pour manger des légumes aux noms rares cuits au feu de bois. On s’endort comme ça, dans l’air frais du soir.
– En fait, c’est un peu le tour du monde de Darwin, mais 160 ans plus tard, dit Roberto.
– Oui, c’est ça, dit Kamel qui ne voit pas du tout de quoi il parle.
Réveil à l’aube, on a encore du chemin – le capitaine reprend les commandes. Il reste plus de deux semaines de navigation jusqu’à la fameuse île. Le Tribord file sur les eaux carbone.
Kamel observe ses nouveaux amis qui s’activent sans cesse. Il faut notamment explorer le fond des océans, dont 40% nous sont encore inconnus ! Mais aussi détailler les nouvelles espèces marines, explorer les terres abordées, guetter dans le ciel les oiseaux migrateurs… Le monde est immense et complexe, pense Kamel, accoudé au bastingage, et je ne le connais pas.
Salomé est à côté de lui, qui regarde en silence le soleil se noyer dans l’océan.
Puis ils vont dormir dans leurs petits lits étroits. Salomé aimerait bien tenir la main de Kamel, mais celui-ci s’endort, comme toujours, en deux secondes.
Ils se réveillent avec le mal de mer, se lèvent tout de suite et se mettent au travail : Salomé au piano, Kamel à son ordinateur pour mixer, et chanter aussi. Tout leur matériel est installé dans leur cabine. Ils veulent trouver la meilleure manière de raconter ce voyage.
Et finalement, un matin, quelque chose se dessine au loin.
Une forme, une île.
Terre ! Terre !
Le bateau accoste, et tous les membres de l’équipage se ruent vers l’île, sidérés par sa beauté.
Salomé et Kamel font la connaissance de l’équipe qui vit toute l’année ici. Patrick et Vivian les emmènent faire un grand tour de l’île.
Et là, au premier virage, les voilà qui surgissent de partout : des tigres, des rhinocéros, des oiseaux si beaux dont ils ignorent le nom, des papillons ; il y a même, au loin, un panda qui caresse son enfant.
– Et puis il y a tout ce que vous ne voyez pas, dit Patrick, les insectes, les plantes, tout le tissu du vivant qu’on a implanté ici, d’une complexité et d’une puissance folle.
– Et ça fonctionne ? demande Kamel. Les espèces arrivent à cohabiter ?
– Oui, dit Vivian. On a fait en sorte qu’elles soient « compatibles », qu’elles se connaissent, qu’elles puissent vivre ensemble.
– C’est incroyable, dit Salomé. L’arche de Noé du 21e siècle.
Le soir, toute l’expédition se réunit. Il y a eu des disputes ces derniers jours, dans l’équipe : on n’est pas d’accord sur les directions à prendre. Olabisi, notamment, est en colère :
– C’est artificiel, cette île. C’est pas comme ça qu’on va sauver le monde, en le préservant. Il faut le réinventer, pas le sauvegarder comme sur un disque dur.
– Et puis il y a un problème, dit Caroline : les animaux meurent, ici aussi. Ils ne retrouvent pas leur milieu idéal.
– Ce que vous oubliez, dit Patrick, c’est que ce lieu n’est que provisoire. On se rassemble ici, on sauve, on évite que le tigre du Bengale ou le rhinocéros de Java disparaissent complètement, puis on les laisse se reproduire et repeupler le monde.
– C’est pareil : il faut changer notre manière d’être, sinon on ne changera pas. Ce n’est pas comme ça qu’on va y arriver, dit Olabisi.
– Il y a quand même eu des choses intéressantes. Il y a notamment eu des hybridations nouvelles, quelque part sur l’île, entre certaines espèces. C’est peut-être une voie à suivre.
– On avait dit des alliances entre les espèces, dit Roberto, pas des mélanges.
La conversation court ainsi quand on entend, tout à coup, un grand bruit.
Salomé se retourne vers la porte. Elle passe la tête. Elle n’arrive pas à croire ce qu’elle voit.
2/ La révolte des animaux
Salomé ouvre la porte et est plus que surprise de ce qu’elle voit : un nombre incalculable d’animaux se tient en ligne devant elle, tous plus grands les uns que les autres, sauf un, un petit singe qui a l’air de commander. Salomé prend peur devant le signe brusque du petit chef, ce signe d’assaut donné aux autres animaux. Toutes ces bêtes figées se mettent alors à courir dans sa direction. La jeune fille claque la porte de peur et entend des grattements derrière elle. Elle crie à l’équipage de venir l’aider. Ils poussent la porte et après de longs efforts, ils réussissent enfin à les calmer avant de rentrer en communication avec eux...
En effet, après quelques jours de recherches, les scientifiques parviennent à trouver un moyen de communiquer avec les animaux :
C’est une sorte de machine sur patte , un robot qui parvient à se déplacer en autonomie, sans encombre sur le terrain accidenté de la jungle et il peut suivre le rythme des explorateurs sans problème. Il peut aussi détecter les ultrasons et les mouvements des animaux ce qui permet de décrypter leur langage . Grâce à un petit écran intégré il traduit le langage animal en alphabet humain et inversement ( de l’humain au langage animal ).
N’attendant pas plus, les quatre jeunes partent explorer le terrain tout en ayant l’objectif de pacifier leurs intentions auprès des animaux grâce à cette nouvelle invention fabuleuse. Au fur et à mesure de leurs exploration ils dressent la liste des différents animaux disparus puis de ceux qu’ils croisent, époustouflés devant ces espèces qu’ils n’ont jamais vues de leur vie. Ils rentrent dormir sur le bateau et le lendemain matin , ils étudient les échantillons de peau des animaux qu’ils ont récupérés. A l’issue de leur étude , ils les relâchent petit à petit sur l’île.
ESPÈCES DISPARUES :
-le rhinocéros blanc -le phoque moine
- le dodo -le puma Américain
- le tigre de Java -L’ours de l’Atlas
- le grizzly de Californie - le dauphin de Chine
-le grand pingouin -le quagga d’Afrique du Sud
ANIMAUX HYBRIDES :
- une tête de rhinocéros, un corps de cheval et des pattes de kangourou.
-un corps de paresseux, des ailes de papillon et une tête de chameau.
-un corps de requin, une tête de grenouille et des nageoires de baleine.
-un corps d’aigle, une tête de perroquet et des ailes de condor.
- une tête de tortue et une carapace en buisson.
C’est alors qu’un petit singe prend la tête du troupeau d’animaux et se pose en chef avec un air mécontent.
Salomé leur demande quel est le problème et le singe prend la parole. La machine fonctionne à la perfection, retranscrivant les cris de l’animal en un français compréhensible. Le petit ouistiti est apparemment le chef de tous ; il est plutôt énervé, même s’ il parle avec retenue.
« Voilà ce qu’il se passe : vous, les humains, ne nous apportez que des problèmes ! Vous décimez nos confrères et ne faites pas attention à nous ! Nous n’avons aucune envie que vous nous dérangiez encore ! »
S’ensuivent des rugissements que la machine traduit par des acclamations et des hourras. Salomé essaye de calmer la situation, voyant le tigre et le grizzly s’approcher d’un peu trop près.
« Ne pouvons- nous rien faire pour calmer votre colère et pacifier nos relations ? »
La machine traduit et les rugissements se calment un instant. Le tigre prend la parole :
« Tout d’abord, les humains ont tellement de droits de plus que nous, c’est insupportable ! »
Le félin continue :
« Les animaux et moi demandons donc une égalité de droits. Ensuite, je parle au nom de mes confrères prédateurs : pourquoi continuez-vous à nous enfermer ? Certes, nous sommes impressionnants, mais la seule raison pour laquelle nous vous attaquons est que nous voulons éviter à tout prix d’être retenus prisonniers . »
Des solutions fusent dans l’esprit de Salomé mais elle préfére attendre calmement que le tigre ait fini.
« Je parle pour les trois quarts des animaux comme les crocodiles ou les phoques… Arrêtez d’utiliser notre peau ! Surtout pour faire des vêtements aussi laids…
– Oui !renchérit le phoque. Utilisez des synthétiques, moins de morts, même résultat ! »
Salomé hoche la tête.
« Et pour finir, ajoute le singe, cela rejoint le deuxième problème, plus de zoo ni d’aquarium. Nous voulons notre liberté ! »
Le puma,le zèbre et le tigre étant en voie de disparition donc en danger proposent alors de rebâtir un espace de végétation plus calme sans occupation humaine !
Le pingouin,le phoque et le dauphin veulent un espace aquatique sans pollution ni sacs plastiques donc sans réchauffement climatique pour que la glace des icebergs ne fonde pas, pour que les animaux aquatiques vivent paisiblement !
Le rhinocéros voudrait un espace désertique pour que lui et les animaux de son espèce ne soient plus chassés et puissent vivre tranquillement !
Le cacatoès à plumes jaunes et le gypaète barbu suggèrent un monde avec un ciel sans avion qui envahissent l’espace et réclament de nouveaux transports naturels comme voyager sur dos d’oiseaux ou d’autres volatiles !
La mygale de Gooty et la decticelle des ruisseaux (insectes en voie de disparition) proposent d’avoir un territoire pour eux seuls,un monde sous terre sans déchets radioactifs !
Tous les animaux se mettent d’accord pour avoir un espace avec ressources de fruits et légumes à volonté où tous seraient égaux ; où l’homme puiserait moins dans les ressources terrestres.
Le monde serait gouverné par l’Homme et l’Animal à égalité.
L’espace serait réparti de façon équitable : des lotissements moins nombreux, de la végétation en plus grande quantité.
Au lieu de déraciner des arbres pour mettre des immeubles, faites le contraire, déracinez des immeubles pour planter des arbres !
Imaginons déjà ce monde incroyableoù Animaux et Hommes vivraient en harmonie !
Les quatre jeunes et les scientifiques s’expriment à leur tour et d’une même voix :
Nous comprenons vos problèmes... nous proposons de cohabiter, de vivre en communauté, et de mettre en place un échange ; chaque espèce offre quelque chose à une autre espèce, une sorte de don, comme , par exemple, échanger des animaux mourants sur le point de quitter ce monde pour les humains, pour nous nourrir, et les humains vous donneront en échange des aliments que les animaux ne peuvent pas cultiver ou des outils, des moyens pour qu’ils puissent cultiver par exemple des légumes, des fruits du blé...
Je pense aussi qu’il serait prudent d’éviter les contacts "violents" entre les humains et les animaux que l’on dit prédateurs.
Évidemment, les humains ne captureront plus aucun animal (malgré la beauté de leur pelage) pour préserver leur liberté aussi bien pour les animaux terrestres qu’aquatiques.
Pourquoi ne pas imaginer tous ensembles un nouveau monde océanique : il y aurait plusieurs secteurs qui représenteraient chaque milieu correspondant à chaque espèce ( désert, forêt ... ) alimentés en oxygène par le bateau. Les animaux pourraient y accéder par un grand ascenseur reliant le bateau aux sphères sous-marines ; chaque sphère communiquerait avec les autres. Les sphères seraient en verre et contiendraient un environnement approprié. Ce monde sous-marin serait accroché au bateau et pourrait de ce fait se déplacer en même temps que celui-ci. Chaque bulle serait unique et amovible.
Ou alors, imaginons un monde dans l’espace, sur une autre planète comme Mars ; la ville pourrait s’appeler Naturalia car ce serait une ville écologique, les façades d’immeubles seraient en verre et des plantes pousseraient dessus. Les habitants pourraient être des humains et des animaux qui parlent et qui vivent normalement.Là-bas, on se déplacerait avec des voitures volantes, solaires et qui vont à une très grande vitesse. Il pourrait y avoir d’autres moyens de se déplacer, les gens monteraient sur des animaux hybrides, ce qui éviterait la pollution.La ville serait entourée d’une sorte de dôme en verre également, que seules les voitures volantes pourraient traverser. La couleur de peau de chaque personne qui traverse le dôme deviendrait rouge pour ne pas qu’elles soient reconnues par les humains, sur la terre. Ce serait donc un monde caché où l’on redouterait les terriens.
C’est alors que s’ouvre la porte du futur ...
3/ De hominibus subterraneis, le peuple du dessous
Salomé se réveille avec un sacré mal de tête. Peu à peu, ses yeux s’habituent à l’obscurité et la réalité s’impose alors brusquement : face à elle, les membres de l’expédition sont tous attachés contre une colonne de pierre. Essayant de se relever pour les aider, elle déchante vite : elle aussi est attachée.
– Salomé... articule péniblement une voix faible.
La jeune femme tourne la tête et reconnaît son ami, l’épaule en sang, entravé de la même manière qu’elle.
– Ils nous ont eus, on dirait. Comment ça se fait qu’on soit là, condamnés à être déchiquetés par ces monstres alors qu’on avait toute une équipe qui supervisait l’opération ? Hein ! Comment ? s’emporte Kamel. Tu crois que toute cette histoire a un rapport avec la révolte des animaux ?
– Aucune idée. L’urgence, c’est de se libérer et de quitter cet endroit, tranche Salomé.
– Tu as raison, admet Kamel. Heureusement que je garde toujours sur moi le canif que tu m’avais offert : prends-le et coupe les cordes. Je ne peux pas bouger mon bras, mon épaule est trop douloureuse.
Salomé saisit l’objet et tranche ses liens puis ceux de son ami. Elle se précipite vers l’homme le plus proche :
– Je vais vous libérer. Il faut vite partir avant que les bêtes ne reviennent.
– Des intra-terrestres, rectifie le scientifique.
– Vous... Vous savez ce qui nous a attaqués ? demande Salomé, interloquée.
– Oui, malheureusement ! Les intra-terrestres, comme nous les avons nommés, nous sont apparus il y a plusieurs semaines, juste avant la révolte des animaux. Ce ne sont pas des bêtes mais bien des humains, d’une très ancienne lignée certes, mais des humains, précise le savant.
– Comment ça ? Vous voulez dire que c’étaient des humains ? Plus maintenant ? intervient Kamel.
– On pense qu’il y a très longtemps, alors que l’espèce humaine n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui, un isolement géographique est survenu : les Homo-sapiens ont continué leur évolution tandis qu’un groupe plus petit s’est détaché de ce mode de vie en surface pour aller habiter en profondeur dans d’immenses grottes, d’où leur nom scientifique d’Homo sub-terrestris, explique l’anthropologue.
– Mais attendez, l’interrompt Kamel, les bêtes qui nous ont capturés étaient tout sauf humaines : on aurait dit des monstres de science-fiction, et puis...
Le scientifique lui coupe la parole à son tour, d’un ton sec :
– C’est cette erreur qui nous a valu cette situation, donc si vous voulez vous en sortir, mettez-vous dans la tête qu’ils sont intelligents, presque plus que nous. Pendant des milliers d’années, ils se sont adaptés à leur nouveau lieu de vie, entraînant des changements génétiques et physiques : leur corps s’est métamorphosé, devenant plus petit, plus fin, pour passer dans les trous les plus exigus qui soient. Leurs mains sont tellement puissantes qu’elles pourraient vous arracher les membres en moins de deux. Cependant, la grande particularité des intra-terrestres est sans aucun doute leurs jambes : plus petites et plus agiles, elles sont l’atout parfait pour de petits rôdeurs comme eux.
– Donc si j’ai bien compris, récapitule Salomé, ils sont super agiles, petits, forts, intelligents... On est censés faire quoi là ? Vous pouvez nous le dire ?
– Leurs yeux ayant pris l’habitude de voir uniquement une lumière de faible intensité, ils ont développé une hypersensibilité à la lumière. Cela nous laisse une chance de leur échapper : si nous trouvons un passage lumineux pour quitter cette grotte, ils ne pourront pas nous suivre.
4/ Et puis rentrer au port
Dans cette grotte endormie
Ils sont envahis par les bruits
Des chauves-souris déchaînées
Des homo sub-terrestris enragés
La peur monte
Dans quel drôle de conte
Ont-ils atterris ?
Nos amis de l’île
Ont perdu le nord
Ils ont été enfermés
Dans un coffre-fort
Ils tâtonnent dans le noir
Il n’y a pas de sortie
Kamel dit viens voir
Et Salomé le suit
L’idée c’est ça, dit-il
On fait diversion
Je jette cette grosse pierre
Et on court dans l’autre direction
Et après ?
Après, répète Kamel
On verra bien.
Nos amis de l’île
Sont bloqués dans le noir
Mais Kamel et Salomé
N’ont pas perdu espoir.
Ils trouvent un rai de lumière
Ils s’approchent et jettent les pierres
Les homo sub-terrestris lèvent les bras en l’air
Et se ruent sur eux – mais ils sont loin déjà
Ils grimpent le long des parois
Ils sont presque en haut, le monde apparaît
Ils vont vite, ils sentent encore derrière eux
Les souffles malicieux
Ça y est, ils sont à la surface
Ils tombent à terre, le soleil en pleine face
Ils ont échappé à la chose sans nom
Nos amis de l’île
Etaient enfermés
Ils étaient fébriles
Ils ont repris pied
Mais pas de temps à perdre
Il doivent retrouver leurs amis
Ils courent tout droit
Au loin ils voient la mer, couleur cuivre
Où sont-ils, où aller ?
J’espère seulement qu’ils ne vont pas nous suivre
Dit Salomé
Moi aussi,
Dit Kamel en attrapant des bananes des kiwis
Et en plongeant sa tête dans une noix de coco
Comme un ouistiti
Nos amis de l’île
Courent vers le rivage
Nos amis de l’île
N’ont pas fait naufrage
Et alors au loin Kamel aperçoit
Trois voiles et deux grands mâts
C’est eux ! crie-t-il.
Ils quittent l’île !
Ils courent ils courent langue pendue
Ils voudraient être entendus
Sans tarder
Sinon c’est l’île
A perpétuité
Nos amis de l’île
Voudraient l’oublier
Dernier départ
On largue les amarres
Le bateau est loin déjà
Les amarres sont jetées
Quand Olabisi aperçoit
Leurs amis sur le rivage
Demi-tour, on les a retrouvés !
Le bateau repart vers la plage
Kamel et Salomé
Montent à bord
Et on part toutes voiles dehors
Vers l’autre bout du monde !
Nos amis de l’île
Reprennent le large
Ne vous faites pas de bile
Ils ont de la marge
L’expédition traverse d’immenses étendues
De mer et de récifs fouettés par les vents
Ils croisent des îles perdues
Des rivages lointains et fascinants
Ils voient des baleines sauter dans le soleil
Couchant
Ils traversent l’Océanie,
l’Asie,
Contournent l’Afrique
par le cap de Bonne Espérance
Dans des lumières dramatiques
Et une joie immense
Et c’est alors,
En remontant les côtes,
Qu’à tribord,
Débarque un nouvel hôte
Nos amis de l’île
Sont sur le retour
Kamel sur le ponton
Rêve tout le jour
Elle s’appelle Lizbeth
C’est son nom de tempête
Force 8
Elle les secoue deux nuits de suite
Le bateau est presque retourné
Mais les mâts tiennent
Kamel vomit sans s’arrêter
Salomé soigne Olabisi
Qui est tombée et s’est blessée
Chaos à bord.
La tempête finalement se calme
Ils sont malades, mais vivants
Ils s’allongent sur le bastingage
Et regardent le ciel
Dans lequel
Plus le moindre nuage
Nos amis matelots
Ont percé les flots
Ils ont bien mérité
Enfin d’arriver
Et le voilà finalement,
Après six semaines de veille,
Le port de Marseille
Où ils accostent le sourire aux lèvres
Leurs familles les enlacent
On s’étreint
Et là dans un coin
On aperçoit les cheveux filasses
D’Adam Thobias
Nos amis aventuriers
Ont accosté
Kamel et Salomé
Se sont embrassés
Alors, cette expédition ?
Leur demande le grand homme
Ils sont tous là, devant lui
Kamel, Salomé, Olabisi
Les autres aussi
Ils sont là, debout, ils le regardent
Ils se souviennent de tout, des ennemis,
De la grotte, des animaux disparus
Ils se souviennent aussi
Des océans et de la liberté grande
Alors ils regardent Adam
Et Salomé dit :
« Ouais, c’était pas mal »
Et ils courent dans un grand rire
Boire des bières
Sur la Canebière
Pour fêter cette aventure
Et toutes celles qui viendront.
En route vers l’île mystérieuse
La ville flottante largue les amarres. Il règne une belle ambiance à bord. Salomé fait la connaissance d’Octavio, botaniste mexicain, et d’Olabisi, océanologue congolaise, pendant que Kamel échange avec Stacey, peintre néo-zélandaise, et un biologiste brésilien, Roberto.
Ils passent quelques journées ainsi, à courir partout sur le bateau, à rencontrer tout le monde, à ouvrir grands les yeux devant ce qui apparaît au large : immensités bleues, bouts de terres isolées, dauphins qui sautent, et le soleil qui s’étale le soir sur l’horizon rose ardent. C’est magnifique, et les deux amis ne s’en lassent pas.
Des jours passent. L’incroyable ville flottante avance, attachée aux gigantesques voiles. Voilà à quoi elle ressemble :
Photo en pièce jointe
On peut vivre sur ou sous l’eau. On nage avec les orques. La mer devient leur jardin.
Le Tribord accoste une première fois sur les côtes sénégalaises. Chacun part alors faire ses relevés, et on se retrouve à la nuit tombée pour manger des légumes aux noms rares cuits au feu de bois. On s’endort comme ça, dans l’air frais du soir.
– En fait, c’est un peu le tour du monde de Darwin, mais 160 ans plus tard, dit Roberto.
– Oui, c’est ça, dit Kamel qui ne voit pas du tout de quoi il parle.
Réveil à l’aube, on a encore du chemin – le capitaine reprend les commandes. Il reste plus de deux semaines de navigation jusqu’à la fameuse île. Le Tribord file sur les eaux carbone.
Kamel observe ses nouveaux amis qui s’activent sans cesse. Il faut notamment explorer le fond des océans, dont 40% nous sont encore inconnus ! Mais aussi détailler les nouvelles espèces marines, explorer les terres abordées, guetter dans le ciel les oiseaux migrateurs… Le monde est immense et complexe, pense Kamel, accoudé au bastingage, et je ne le connais pas.
Salomé est à côté de lui, qui regarde en silence le soleil se noyer dans l’océan.
Puis ils vont dormir dans leurs petits lits étroits. Salomé aimerait bien tenir la main de Kamel, mais celui-ci s’endort, comme toujours, en deux secondes.
Ils se réveillent avec le mal de mer, se lèvent tout de suite et se mettent au travail : Salomé au piano, Kamel à son ordinateur pour mixer, et chanter aussi. Tout leur matériel est installé dans leur cabine. Ils veulent trouver la meilleure manière de raconter ce voyage.
Et finalement, un matin, quelque chose se dessine au loin.
Une forme, une île.
Terre ! Terre !
Le bateau accoste, et tous les membres de l’équipage se ruent vers l’île, sidérés par sa beauté.
Salomé et Kamel font la connaissance de l’équipe qui vit toute l’année ici. Patrick et Vivian les emmènent faire un grand tour de l’île.
Et là, au premier virage, les voilà qui surgissent de partout : des tigres, des rhinocéros, des oiseaux si beaux dont ils ignorent le nom, des papillons ; il y a même, au loin, un panda qui caresse son enfant.
– Et puis il y a tout ce que vous ne voyez pas, dit Patrick, les insectes, les plantes, tout le tissu du vivant qu’on a implanté ici, d’une complexité et d’une puissance folle.
– Et ça fonctionne ? demande Kamel. Les espèces arrivent à cohabiter ?
– Oui, dit Vivian. On a fait en sorte qu’elles soient « compatibles », qu’elles se connaissent, qu’elles puissent vivre ensemble.
– C’est incroyable, dit Salomé. L’arche de Noé du 21e siècle.
Le soir, toute l’expédition se réunit. Il y a eu des disputes ces derniers jours, dans l’équipe : on n’est pas d’accord sur les directions à prendre. Olabisi, notamment, est en colère :
– C’est artificiel, cette île. C’est pas comme ça qu’on va sauver le monde, en le préservant. Il faut le réinventer, pas le sauvegarder comme sur un disque dur.
– Et puis il y a un problème, dit Caroline : les animaux meurent, ici aussi. Ils ne retrouvent pas leur milieu idéal.
– Ce que vous oubliez, dit Patrick, c’est que ce lieu n’est que provisoire. On se rassemble ici, on sauve, on évite que le tigre du Bengale ou le rhinocéros de Java disparaissent complètement, puis on les laisse se reproduire et repeupler le monde.
– C’est pareil : il faut changer notre manière d’être, sinon on ne changera pas. Ce n’est pas comme ça qu’on va y arriver, dit Olabisi.
– Il y a quand même eu des choses intéressantes. Il y a notamment eu des hybridations nouvelles, quelque part sur l’île, entre certaines espèces. C’est peut-être une voie à suivre.
– On avait dit des alliances entre les espèces, dit Roberto, pas des mélanges.
La conversation court ainsi quand on entend, tout à coup, un grand bruit.
Salomé se retourne vers la porte. Elle passe la tête. Elle n’arrive pas à croire ce qu’elle voit.
2/ La révolte des animaux
Salomé ouvre la porte et est plus que surprise de ce qu’elle voit : un nombre incalculable d’animaux se tient en ligne devant elle, tous plus grands les uns que les autres, sauf un, un petit singe qui a l’air de commander. Salomé prend peur devant le signe brusque du petit chef, ce signe d’assaut donné aux autres animaux. Toutes ces bêtes figées se mettent alors à courir dans sa direction. La jeune fille claque la porte de peur et entend des grattements derrière elle. Elle crie à l’équipage de venir l’aider. Ils poussent la porte et après de longs efforts, ils réussissent enfin à les calmer avant de rentrer en communication avec eux...
En effet, après quelques jours de recherches, les scientifiques parviennent à trouver un moyen de communiquer avec les animaux :
C’est une sorte de machine sur patte , un robot qui parvient à se déplacer en autonomie, sans encombre sur le terrain accidenté de la jungle et il peut suivre le rythme des explorateurs sans problème. Il peut aussi détecter les ultrasons et les mouvements des animaux ce qui permet de décrypter leur langage . Grâce à un petit écran intégré il traduit le langage animal en alphabet humain et inversement ( de l’humain au langage animal ).
N’attendant pas plus, les quatre jeunes partent explorer le terrain tout en ayant l’objectif de pacifier leurs intentions auprès des animaux grâce à cette nouvelle invention fabuleuse. Au fur et à mesure de leurs exploration ils dressent la liste des différents animaux disparus puis de ceux qu’ils croisent, époustouflés devant ces espèces qu’ils n’ont jamais vues de leur vie. Ils rentrent dormir sur le bateau et le lendemain matin , ils étudient les échantillons de peau des animaux qu’ils ont récupérés. A l’issue de leur étude , ils les relâchent petit à petit sur l’île.
ESPÈCES DISPARUES :
-le rhinocéros blanc -le phoque moine
- le dodo -le puma Américain
- le tigre de Java -L’ours de l’Atlas
- le grizzly de Californie - le dauphin de Chine
-le grand pingouin -le quagga d’Afrique du Sud
ANIMAUX HYBRIDES :
- une tête de rhinocéros, un corps de cheval et des pattes de kangourou.
-un corps de paresseux, des ailes de papillon et une tête de chameau.
-un corps de requin, une tête de grenouille et des nageoires de baleine.
-un corps d’aigle, une tête de perroquet et des ailes de condor.
- une tête de tortue et une carapace en buisson.
C’est alors qu’un petit singe prend la tête du troupeau d’animaux et se pose en chef avec un air mécontent.
Salomé leur demande quel est le problème et le singe prend la parole. La machine fonctionne à la perfection, retranscrivant les cris de l’animal en un français compréhensible. Le petit ouistiti est apparemment le chef de tous ; il est plutôt énervé, même s’ il parle avec retenue.
« Voilà ce qu’il se passe : vous, les humains, ne nous apportez que des problèmes ! Vous décimez nos confrères et ne faites pas attention à nous ! Nous n’avons aucune envie que vous nous dérangiez encore ! »
S’ensuivent des rugissements que la machine traduit par des acclamations et des hourras. Salomé essaye de calmer la situation, voyant le tigre et le grizzly s’approcher d’un peu trop près.
« Ne pouvons- nous rien faire pour calmer votre colère et pacifier nos relations ? »
La machine traduit et les rugissements se calment un instant. Le tigre prend la parole :
« Tout d’abord, les humains ont tellement de droits de plus que nous, c’est insupportable ! »
Le félin continue :
« Les animaux et moi demandons donc une égalité de droits. Ensuite, je parle au nom de mes confrères prédateurs : pourquoi continuez-vous à nous enfermer ? Certes, nous sommes impressionnants, mais la seule raison pour laquelle nous vous attaquons est que nous voulons éviter à tout prix d’être retenus prisonniers . »
Des solutions fusent dans l’esprit de Salomé mais elle préfére attendre calmement que le tigre ait fini.
« Je parle pour les trois quarts des animaux comme les crocodiles ou les phoques… Arrêtez d’utiliser notre peau ! Surtout pour faire des vêtements aussi laids…
– Oui !renchérit le phoque. Utilisez des synthétiques, moins de morts, même résultat ! »
Salomé hoche la tête.
« Et pour finir, ajoute le singe, cela rejoint le deuxième problème, plus de zoo ni d’aquarium. Nous voulons notre liberté ! »
Le puma,le zèbre et le tigre étant en voie de disparition donc en danger proposent alors de rebâtir un espace de végétation plus calme sans occupation humaine !
Le pingouin,le phoque et le dauphin veulent un espace aquatique sans pollution ni sacs plastiques donc sans réchauffement climatique pour que la glace des icebergs ne fonde pas, pour que les animaux aquatiques vivent paisiblement !
Le rhinocéros voudrait un espace désertique pour que lui et les animaux de son espèce ne soient plus chassés et puissent vivre tranquillement !
Le cacatoès à plumes jaunes et le gypaète barbu suggèrent un monde avec un ciel sans avion qui envahissent l’espace et réclament de nouveaux transports naturels comme voyager sur dos d’oiseaux ou d’autres volatiles !
La mygale de Gooty et la decticelle des ruisseaux (insectes en voie de disparition) proposent d’avoir un territoire pour eux seuls,un monde sous terre sans déchets radioactifs !
Tous les animaux se mettent d’accord pour avoir un espace avec ressources de fruits et légumes à volonté où tous seraient égaux ; où l’homme puiserait moins dans les ressources terrestres.
Le monde serait gouverné par l’Homme et l’Animal à égalité.
L’espace serait réparti de façon équitable : des lotissements moins nombreux, de la végétation en plus grande quantité.
Au lieu de déraciner des arbres pour mettre des immeubles, faites le contraire, déracinez des immeubles pour planter des arbres !
Imaginons déjà ce monde incroyableoù Animaux et Hommes vivraient en harmonie !
Les quatre jeunes et les scientifiques s’expriment à leur tour et d’une même voix :
Nous comprenons vos problèmes... nous proposons de cohabiter, de vivre en communauté, et de mettre en place un échange ; chaque espèce offre quelque chose à une autre espèce, une sorte de don, comme , par exemple, échanger des animaux mourants sur le point de quitter ce monde pour les humains, pour nous nourrir, et les humains vous donneront en échange des aliments que les animaux ne peuvent pas cultiver ou des outils, des moyens pour qu’ils puissent cultiver par exemple des légumes, des fruits du blé...
Je pense aussi qu’il serait prudent d’éviter les contacts "violents" entre les humains et les animaux que l’on dit prédateurs.
Évidemment, les humains ne captureront plus aucun animal (malgré la beauté de leur pelage) pour préserver leur liberté aussi bien pour les animaux terrestres qu’aquatiques.
Pourquoi ne pas imaginer tous ensembles un nouveau monde océanique : il y aurait plusieurs secteurs qui représenteraient chaque milieu correspondant à chaque espèce ( désert, forêt ... ) alimentés en oxygène par le bateau. Les animaux pourraient y accéder par un grand ascenseur reliant le bateau aux sphères sous-marines ; chaque sphère communiquerait avec les autres. Les sphères seraient en verre et contiendraient un environnement approprié. Ce monde sous-marin serait accroché au bateau et pourrait de ce fait se déplacer en même temps que celui-ci. Chaque bulle serait unique et amovible.
Ou alors, imaginons un monde dans l’espace, sur une autre planète comme Mars ; la ville pourrait s’appeler Naturalia car ce serait une ville écologique, les façades d’immeubles seraient en verre et des plantes pousseraient dessus. Les habitants pourraient être des humains et des animaux qui parlent et qui vivent normalement.Là-bas, on se déplacerait avec des voitures volantes, solaires et qui vont à une très grande vitesse. Il pourrait y avoir d’autres moyens de se déplacer, les gens monteraient sur des animaux hybrides, ce qui éviterait la pollution.La ville serait entourée d’une sorte de dôme en verre également, que seules les voitures volantes pourraient traverser. La couleur de peau de chaque personne qui traverse le dôme deviendrait rouge pour ne pas qu’elles soient reconnues par les humains, sur la terre. Ce serait donc un monde caché où l’on redouterait les terriens.
C’est alors que s’ouvre la porte du futur ...
3/ De hominibus subterraneis, le peuple du dessous
Salomé se réveille avec un sacré mal de tête. Peu à peu, ses yeux s’habituent à l’obscurité et la réalité s’impose alors brusquement : face à elle, les membres de l’expédition sont tous attachés contre une colonne de pierre. Essayant de se relever pour les aider, elle déchante vite : elle aussi est attachée.
– Salomé... articule péniblement une voix faible.
La jeune femme tourne la tête et reconnaît son ami, l’épaule en sang, entravé de la même manière qu’elle.
– Ils nous ont eus, on dirait. Comment ça se fait qu’on soit là, condamnés à être déchiquetés par ces monstres alors qu’on avait toute une équipe qui supervisait l’opération ? Hein ! Comment ? s’emporte Kamel. Tu crois que toute cette histoire a un rapport avec la révolte des animaux ?
– Aucune idée. L’urgence, c’est de se libérer et de quitter cet endroit, tranche Salomé.
– Tu as raison, admet Kamel. Heureusement que je garde toujours sur moi le canif que tu m’avais offert : prends-le et coupe les cordes. Je ne peux pas bouger mon bras, mon épaule est trop douloureuse.
Salomé saisit l’objet et tranche ses liens puis ceux de son ami. Elle se précipite vers l’homme le plus proche :
– Je vais vous libérer. Il faut vite partir avant que les bêtes ne reviennent.
– Des intra-terrestres, rectifie le scientifique.
– Vous... Vous savez ce qui nous a attaqués ? demande Salomé, interloquée.
– Oui, malheureusement ! Les intra-terrestres, comme nous les avons nommés, nous sont apparus il y a plusieurs semaines, juste avant la révolte des animaux. Ce ne sont pas des bêtes mais bien des humains, d’une très ancienne lignée certes, mais des humains, précise le savant.
– Comment ça ? Vous voulez dire que c’étaient des humains ? Plus maintenant ? intervient Kamel.
– On pense qu’il y a très longtemps, alors que l’espèce humaine n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui, un isolement géographique est survenu : les Homo-sapiens ont continué leur évolution tandis qu’un groupe plus petit s’est détaché de ce mode de vie en surface pour aller habiter en profondeur dans d’immenses grottes, d’où leur nom scientifique d’Homo sub-terrestris, explique l’anthropologue.
– Mais attendez, l’interrompt Kamel, les bêtes qui nous ont capturés étaient tout sauf humaines : on aurait dit des monstres de science-fiction, et puis...
Le scientifique lui coupe la parole à son tour, d’un ton sec :
– C’est cette erreur qui nous a valu cette situation, donc si vous voulez vous en sortir, mettez-vous dans la tête qu’ils sont intelligents, presque plus que nous. Pendant des milliers d’années, ils se sont adaptés à leur nouveau lieu de vie, entraînant des changements génétiques et physiques : leur corps s’est métamorphosé, devenant plus petit, plus fin, pour passer dans les trous les plus exigus qui soient. Leurs mains sont tellement puissantes qu’elles pourraient vous arracher les membres en moins de deux. Cependant, la grande particularité des intra-terrestres est sans aucun doute leurs jambes : plus petites et plus agiles, elles sont l’atout parfait pour de petits rôdeurs comme eux.
– Donc si j’ai bien compris, récapitule Salomé, ils sont super agiles, petits, forts, intelligents... On est censés faire quoi là ? Vous pouvez nous le dire ?
– Leurs yeux ayant pris l’habitude de voir uniquement une lumière de faible intensité, ils ont développé une hypersensibilité à la lumière. Cela nous laisse une chance de leur échapper : si nous trouvons un passage lumineux pour quitter cette grotte, ils ne pourront pas nous suivre.
4/ Et puis rentrer au port
Dans cette grotte endormie
Ils sont envahis par les bruits
Des chauves-souris déchaînées
Des homo sub-terrestris enragés
La peur monte
Dans quel drôle de conte
Ont-ils atterris ?
Nos amis de l’île
Ont perdu le nord
Ils ont été enfermés
Dans un coffre-fort
Ils tâtonnent dans le noir
Il n’y a pas de sortie
Kamel dit viens voir
Et Salomé le suit
L’idée c’est ça, dit-il
On fait diversion
Je jette cette grosse pierre
Et on court dans l’autre direction
Et après ?
Après, répète Kamel
On verra bien.
Nos amis de l’île
Sont bloqués dans le noir
Mais Kamel et Salomé
N’ont pas perdu espoir.
Ils trouvent un rai de lumière
Ils s’approchent et jettent les pierres
Les homo sub-terrestris lèvent les bras en l’air
Et se ruent sur eux – mais ils sont loin déjà
Ils grimpent le long des parois
Ils sont presque en haut, le monde apparaît
Ils vont vite, ils sentent encore derrière eux
Les souffles malicieux
Ça y est, ils sont à la surface
Ils tombent à terre, le soleil en pleine face
Ils ont échappé à la chose sans nom
Nos amis de l’île
Etaient enfermés
Ils étaient fébriles
Ils ont repris pied
Mais pas de temps à perdre
Il doivent retrouver leurs amis
Ils courent tout droit
Au loin ils voient la mer, couleur cuivre
Où sont-ils, où aller ?
J’espère seulement qu’ils ne vont pas nous suivre
Dit Salomé
Moi aussi,
Dit Kamel en attrapant des bananes des kiwis
Et en plongeant sa tête dans une noix de coco
Comme un ouistiti
Nos amis de l’île
Courent vers le rivage
Nos amis de l’île
N’ont pas fait naufrage
Et alors au loin Kamel aperçoit
Trois voiles et deux grands mâts
C’est eux ! crie-t-il.
Ils quittent l’île !
Ils courent ils courent langue pendue
Ils voudraient être entendus
Sans tarder
Sinon c’est l’île
A perpétuité
Nos amis de l’île
Voudraient l’oublier
Dernier départ
On largue les amarres
Le bateau est loin déjà
Les amarres sont jetées
Quand Olabisi aperçoit
Leurs amis sur le rivage
Demi-tour, on les a retrouvés !
Le bateau repart vers la plage
Kamel et Salomé
Montent à bord
Et on part toutes voiles dehors
Vers l’autre bout du monde !
Nos amis de l’île
Reprennent le large
Ne vous faites pas de bile
Ils ont de la marge
L’expédition traverse d’immenses étendues
De mer et de récifs fouettés par les vents
Ils croisent des îles perdues
Des rivages lointains et fascinants
Ils voient des baleines sauter dans le soleil
Couchant
Ils traversent l’Océanie,
l’Asie,
Contournent l’Afrique
par le cap de Bonne Espérance
Dans des lumières dramatiques
Et une joie immense
Et c’est alors,
En remontant les côtes,
Qu’à tribord,
Débarque un nouvel hôte
Nos amis de l’île
Sont sur le retour
Kamel sur le ponton
Rêve tout le jour
Elle s’appelle Lizbeth
C’est son nom de tempête
Force 8
Elle les secoue deux nuits de suite
Le bateau est presque retourné
Mais les mâts tiennent
Kamel vomit sans s’arrêter
Salomé soigne Olabisi
Qui est tombée et s’est blessée
Chaos à bord.
La tempête finalement se calme
Ils sont malades, mais vivants
Ils s’allongent sur le bastingage
Et regardent le ciel
Dans lequel
Plus le moindre nuage
Nos amis matelots
Ont percé les flots
Ils ont bien mérité
Enfin d’arriver
Et le voilà finalement,
Après six semaines de veille,
Le port de Marseille
Où ils accostent le sourire aux lèvres
Leurs familles les enlacent
On s’étreint
Et là dans un coin
On aperçoit les cheveux filasses
D’Adam Thobias
Nos amis aventuriers
Ont accosté
Kamel et Salomé
Se sont embrassés
Alors, cette expédition ?
Leur demande le grand homme
Ils sont tous là, devant lui
Kamel, Salomé, Olabisi
Les autres aussi
Ils sont là, debout, ils le regardent
Ils se souviennent de tout, des ennemis,
De la grotte, des animaux disparus
Ils se souviennent aussi
Des océans et de la liberté grande
Alors ils regardent Adam
Et Salomé dit :
« Ouais, c’était pas mal »
Et ils courent dans un grand rire
Boire des bières
Sur la Canebière
Pour fêter cette aventure
Et toutes celles qui viendront.