Prologue
La décision de quitter la ville pour s’installer à la campagne murissait depuis plusieurs années dans l’esprit de Monsieur et Madame Morin-Diallo. Les problèmes d’asthme de Sarah, la petite dernière, et les plaintes incessantes des voisins lorsque les jumeaux Lucas et Salomon jouaient dans la cour de leur résidence du centre-ville de Lyon avaient fini par les convaincre de faire le grand saut. Alors, un matin d’août, les cinq Lyonnais accompagnés de leur chien et de leur chat s’étaient installés dans un coin reculé d’Ardèche au bord de la rivière la Bourges, dans une jolie maison de pierre abandonnée depuis seulement six mois. La santé déclinante du couple de retraités qui y avait vécu les avait poussés à rejoindre la vallée non loin d’un centre hospitalier et des services qu’il proposait aux personnes âgées. Les parents Morin-Diallo, Laurence et Driss, tout sourires, se réjouissaient. Enfin ils réalisaient leur rêve, offraient à leurs enfants de sept et douze ans un cadre de vie proche de la vie sauvage, où l’air était peu pollué et qui permettrait à leur progéniture d’évoluer au grand air, dans un milieu sain au plus près de la nature. Dès les premiers jours, la respiration de Sarah se fit plus fluide, aucun accès de toux à déplorer, son teint s’était éclairci, elle était radieuse, son père et sa mère s’en félicitait. Quant aux garçons, ils n’en revenaient pas de disposer d’un terrain de jeu qui leur semblait illimité. Ils couraient dans les bois, dévalaient les pentes à s’en couper le souffle, sautaient dans les cascades, s’aspergeaient d’eau dans la rivière, hurlant et riant sans déranger personne, un vrai bonheur.
Or, ce dont aucun d’entre eux ne se doutait, c’était que le vide de la maison qu’ils venaient d’investir n’était qu’apparent. En effet, cachés dans les nombreux recoins des deux étages que les Morin-Diallo occupaient, ainsi que dans le grenier, dans la cave, au beau milieu de ce qui avait été un potager, sur la rivière et partout sur ses rives, fourmillait un grand nombre d’espèces de la faune et de la flore locale. Des bactéries invisibles à l’œil nu, des insectes plus ou moins faciles à vivre, des reptiles surtout de petites tailles, des mammifères petits et grands, jusqu’aux oiseaux qui volaient librement au-dessus de la nouvelle demeure de Laurence et de Driss. Sans le savoir, les cinq bipèdes citadins et leurs deux animaux de compagnie bouleversaient tout un écosystème qui avait appris à exister sans devoir composer avec des humains.
Laurence entreprit d’abord de s’occuper du jardin qu’elle voulait rendre joli. Elle s’arma d’une énorme paire de ciseaux en métal et d’autres ustensiles et commença par se charger des mauvaises herbes : elle défrichait, éliminait toutes les plantes qui lui semblaient laides ou inutiles, une hécatombe. Dans la remise, Driss fut ravi de trouver une tondeuse à gazon dont le réservoir contenait encore suffisamment de carburant. Afin de rendre les alentours de leur propriété plus ordonnée, il sortit l’engin, et l’alluma. Un bruit de moteur vint perturber le calme à une centaine de mètres à la ronde, semant l’effroi dans la nature, d’autant que la fumée noire qui s’en échappait était irrespirable. Alors qu’ils jouaient dans le lit de la rivière, les deux garçons n’hésitaient pas à s’emparer de cailloux qu’ils jetaient à la surface pour s’éclabousser, sans se rendre compte qu’ils retiraient leurs abris à des crustacés livrés subitement sans secours aux attaques de leurs prédateurs. Leur chien, encore jeune et turbulent, ne sachant plus où donner du museau, pourchassait les papillons affolés, creusait la terre en arrachant les racines nécessaires à la survie des plantes, ses jeux détruisaient aussi l’habitat d’insectes incapables de vivre au grand jour. Le chat aussi jubilait, il avait à sa disposition un vaste terrain de chasse où les rongeurs dont il raffolait, découvraient bien trop tard son habileté et sa redoutable efficacité. Le petit félin ne mit pas vingt-quatre heures à s’adapter à son nouvel environnement, il en devint le principal prédateur.
En se rencontrant, deux univers qui n’aspiraient pourtant qu’à vivre en paix entraient en collision. Mais, ignorés par les humains, c’était au monde des plantes et des animaux de réagir, d’observer attentivement le comportement des nouveaux venus afin de s’y adapter, puis de trouver rapidement les moyens de cohabiter avec ceux qu’ils considéraient comme des intrus qui leur compliquaient l’existence.
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
2/ La rencontre
L’avion est descendu lentement au-dessus de Medan, sur l’île de Sumatra. Léa, Mehdi et Tom se sont levés, tout excités, avec les autres membres de l’ONG. Un taxi les a amenés jusqu’au centre-ville, puis dans un petit village où ils ont passé la nuit. Douze heures plus tard, le corps frais, ils ont enfin pu lever les yeux sur le vert infini autour d’eux.
– Cette forêt est en danger, a commencé Randi qui accueillait toute l’équipe dans sa guest-house. De grandes entreprises agricoles la brûlent depuis des années pour replanter de tristes palmiers à huile, dont l’Indonésie est le premier producteur mondial.
– Ah bon ? dit Tom, qui savait parfaitement tout ça.
– Les feux de forêts émettent des gaz infiniment toxiques dans l’air, et l’on détruit des écosystèmes entiers pour cette huile de palme, qui sert à fabriquer des shampoings, des savons, le Nutella, tous les produits de vos supermarchés.
– Et qu’est-ce qu’on peut faire pour les arrêter ? a demandé Mehdi.
– Rien, malheureusement… a dit Randi.
Le lendemain, la bande part pour une longue balade entre les jacarandas et les palétuviers, au cours de laquelle ils rencontrent pour la première fois les jeunes écoliers avec qui ils commencent à échanger. Ils rentrent ensuite à l’auberge se reposer.
– Il faut qu’on trouve une solution pour nous échapper d’ici, chuchote Tom.
– Oui, dit Léa. On se retrouve ce soir, dans le jardin…
Le lendemain matin, autour de la table du petit déjeuner, trois places sont vides. Quand Pascal, le responsable du chantier, entre dans la chambre de Léa, l’une des absentes, il trouve un mot sur son lit : Ne vous inquiétez pas, nous reviendrons au plus vite. On est passionnés par le projet, mais il faut vraiment qu’on parte. On se retrouve dans l’avion du retour. Tom, Léa et Mehdi
– On descend où ?
– Là, je crois.
Les trois amis sautent du bus. Ils sont arrivés dans la province d’Aceh, à trois heures et demie de Medan, à la pointe nord de Sumatra. Léa sort son portable pour regarder le message de Naomi.
– C’est par là, dit-elle en montrant le petit chemin qui monte. Et ensuite, il reste deux heures de marche.
– Ah ouais quand même, dit Tom.
Ils se mettent en route. Ils trouvent le petit chemin et se jettent dans la jungle épaisse.
– Il y a des milliers de chemins, comment veux-tu qu’on trouve le bon ? dit Tom.
– On va trouver, répond Léa.
– C’est par là, dit Mehdi, j’en suis sûr.
– Non, c’est par là ! crie Tom.
Alors qu’il commence à faire nuit, et que les amis marchent à tâtons, ils aperçoivent une lumière, là-bas, tout au fond.
– Ça doit être ça !
Ils arrivent devant un campement, éreintés. Des visages inconnus, des torches, des tentes. Une silhouette s’approche d’eux. La jungle bruisse tout autour.
– Bravo, vous y êtes arrivés ! leur dit une fille en les prenant dans ses bras.
Tom sent un corps chaud à l’odeur de vanille contre lui.
– Ah, je me présente, je m’appelle Naomi. Et toi c’est donc Léa !
– Oui ! Et voilà mes amis, Tom et Mehdi.
– Enchantée. Venez, vous devez avoir faim et soif.
Et le jus de goyave coule dans leurs gosiers secs.
Le lendemain, les trois amis ouvrent à peine les yeux sur l’incroyable paysage autour d’eux, quand Naomi débarque à leur table :
– Bon, pas de temps à perdre, il faut que je vous explique, maintenant que vous avez bien dormi.
C’est vite dit, pense Tom en grimaçant un peu après ces quelques heures sur des feuillages tressés.
– Vous voyez, là-bas ? dit-elle en s’accroupissant sur le petit monticule de terre au-dessus du campement. C’est le nouveau chantier qui a commencé il y a un mois. Ils ont déjà eu le temps d’abattre deux mille arbres et de faire fuir on ne sait combien d’orangs-outans, de tigres et d’animaux sauvages. Ils sont vingt à travailler sur ces nouvelles cultures de palmiers.
– Et on est treize, dit Tom.
– C’est déjà pas mal, non ? dit Naomi en souriant. Voilà notre plan. Dans trois jours, on descendra tous ensemble, pendant la nuit. On prendra possession des lieux. On défera leurs machines, on démontera les échafaudages, on prendra leurs tronçonneuses. Et on plantera des herbes folles, des plantes sauvages, des palmiers à banane, toutes les graines qu’on a récoltées ces derniers temps.
– Génial, dit Léa.
– Alors, vous êtes partants ?
Tom, Léa et Mehdi se regardent. Ils sont au bout du monde, dans un campement secret, avec leur nouvelle amie, Naomi, et dix autres personnes qu’ils vont apprendre à connaître, ils ont des cernes sous les yeux mais ils s’en fichent. Ils se regardent, ils se sourient, et ils disent oui.
3/ La manisfestation
Léa se sent l’âme d’une cheffe et propose alors au groupe de se réunir le lendemain à 9h00 pour décider d’un plan d’action.
Le matin, chacun arrive. Médhi semble encore endormi.
– Salut tout le monde ! 9h00 c’est trop tôt ! J’avoue je suis crevé moi… annonce Médhi.
– C’est pas le moment, il faut agir ! Nous sommes là pour trouver un plan, déclare Léa.
– Oui, ajoute Tom, il faut faire quelque chose qui restera gravé dans les mémoires, une chose grandiose et marquante !
Médhi propose alors :
– On devrait appeler la presse et lancer une énorme manif contre la déforestation !
Un adulte de l’ONG trouve que c’est une excellente idée et propose de contacter une chaîne de Télé locale pour faire un reportage sur leur action.
Naomi est touchée de voir ses amis s’emparer ainsi de la cause de Sumatra car si les gens sont sensibilisés la cause deviendra bien plus large et s’étendra à la planète entière.
– Allons -y les amis ! Lance-t-elle, il faut s’organiser…
Chacun se prépare, les étapes se mettent en place, certains fabriquent des banderoles, des panneaux avec des slogans…d’autres créent une chaîne You tube, d’autres un blog, tous els medias sont touchés. Cette initiative renforce les liens d’amitié entre Tom Léa Médhi et Naomi.
Quelques heures plus tard tout est fin prêt. Les quatre amis montent dans une jeep avec des tenues de camouflage pour passer inaperçus et partent en direction du nord de l’île là où se trouvent les forets dévastées. Les autres les suivent avec courage et détermination.
Après deux heures de route, ils arrivent enfin au lieu prévu, au loin ils entendent les machines et les cris des hommes. Après quelques minutes des journalistes arrivent à leur tour prêt à filmer l’action. Le plan s’organise. Ils avancent dans la forêt ou plutôt ce qu’il en reste…
Naomi voit un bulldozer à l’arrêt et se précipite pour ouvrir le réservoir et y mettre du sucre.
– Au moins qui aura du mal à démarrer ! se dit-elle.
– Viens, crie Léa on va par là regarde il y a d’autres véhicules ! Vite !!
Ils font au plus vite pour contaminer les réservoirs mais les bruits des machines se rapprochent et bientôt on entend des voix humaines.
– Qu’est-ce que vous faites ici ? Demande un homme en fronçant les sourcils. C’est encore ces ONG qui essaient de nous empêcher de bosser ?
Le petit groupe prend peur, mais il s sont rejoints par des sympathisants qui sont de plus en plus nombreux et se regroupent autour d’eux.
– Ouf ! s’écrie Médhi !
Naomi prend la parole et les journalistes filment :
– Nous sommes ici pour arrêter le massacre de la planète !
– Dégagez ou j’appelle la police, cire l’homme très énervé.
– Vous ne pourrez pas nous empêcher de dire aux gens ce qu’il se passe, ajoute Naomi, c’est trop grave ! Tout le monde doit savoir au plus vite que vous saccagez tout et que les forêts disparaissent par votre faute ! Vous êtes filmés, les machines sont hors service, nous sommes nombreux !
Les amis se sentent à ce moment là forts et unis face à ces hommes, ils savent qu’ils ont raison de poursuivre cette lutte. Mais tout à coup une explosion retentit et un nuage de fumée envahit l’atmosphère… Que se passe-t-il ? Ils n’arrivent plus à, respirer, tout est noir autour d’eux...C’est la chaos !
– Au secours ! Au secours !
La forêt en feu
Tout le monde courait, hurlait, criait au secours ; les trois adolescents ne savaient plus où aller. Tout se ressemblait, les arbres en feu tombaient, le vent agitait les rares feuilles, la fumée ocre devenait de plus en plus épaisse, impossible de voir quoi que ce soit !
– Ou devons- nous aller ? demanda Tom en s’étouffant.
– Essayons d’accéder au sommet de la montagne, la fumée ne l’a peut-être pas atteint ! indiqua Léa.
– Je vais prévenir le groupe, rétorqua Mehdi.
– Mais tu es fou, un arbre va te tomber dessus ! s’emporta Léa alors que Mehdi était déjà parti.
– Mehdi ! Reviens ! Attention l’arbre ! hurla Léa.
A ce moment, un arbre vacilla puis tomba. Un cri de douleur s’éleva. A cet instant les dix dirigeants de la manifestation sortirent de la fumée avec un visage angoissé. (On vous rappelle qu’il s’agit des dix jeunes engagés pour la planète, vous savez, ceux du livre vert !)
Léa ignora leur arrivée, elle cherchait désespérément Mehdi. A chaque seconde sa panique augmentait, la fumée troublait sa vision, ses yeux la brûlaient. Elle tournait en rond. Soudain, un cri. Léa courut suivie de Tom, Naomie et des dix militants. lls trouvèrent Mehdi, une jambe coincée sous un arbre. Léa, Naomie et Tom tirèrent de toutes leurs forces leur ami tandis que les autres soulevaient l’arbre. Il avait sans doute une fracture. Boyan le prit sur ses épaules puis la troupe se rendit au sommet de la montagne comme prévu. Une fois hors d’atteinte de la fumée, le groupe se posa, l‘air était largement plus respirable, les enfants avaient l’impression de revivre ! Après avoir repris sa respiration, Léa se leva et montra le paysage du doigt.
La fumée se dispersait et ils constatèrent l’ampleur des dégâts : des centaines de pompiers essayaient de maîtriser le feu qui sévissait encore. Des arbres gisaient par terre, calcinés. Le groupe se regarda consterné. Victor fixait les rares oiseaux qui tentaient d’échapper à la fumée. Félix, les larmes aux yeux, songeait à cette végétation perdue. Après ce moment déprimant Greta prit la parole :
– Il faut se ressaisir et trouver la cause de ce désastre ! s’exclama-t-elle.
Le groupe donna son approbation. C’est alors que le regard de Tom fut attiré par une grande zone défrichée où se trouvait une usine. Bille en tête, la petite troupe se dirigea vers l’usine. Après trente minutes de marche, ils arrivèrent à destination. Devant eux s’étendait une grille avec un trou béant. Ils décidèrent que Muzoon, Léa et Joshua se faufileraient dans le bâtiment. Ils avancèrent tous trois prudemment et pénétrèrent dans l’enceinte de l’usine. Ils allaient ouvrir une porte lorsqu’un bruit les alerta.
Des pas. Ils en étaient certains. Joshua montra un placard mal fermé assez grand pour tenir à trois. Ils y entrèrent silencieusement et le plus rapidement possible. Tandis que les pas se rapprochaient, les trois adolescents entendirent une voix d’homme, sonore et distincte, qui persiflait :
– Tu vois Alain, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Cette idée d’incendie est un coup de génie : il permet de disperser ces satanés manifestants mais aussi de raser cette forêt qui gêne mes projets. De plus la police ne pourra pas se douter que c’est moi qui ai fait ça !
– Vous avez raison boss, répondit une autre voix. Néanmoins, je reste tout de même soucieux. Une enquête pourrait remonter contre nous, et alors nous serions certainement confrontés à des difficultés immenses, insoutenables.
– Je compte sur toi pour que cela n’arrive jamais, reprit le premier individu.
5/ En vert et avec tous !
Avant que l’échange ne se termine, Tom avait eu le temps de sortir discrètement son portable et d’enregistrer la conversation. Ils n’auraient plus qu’à la transmettre à leur ONG qui se chargerait d’alerter les médias…Les trois garçons se réjouissaient d’avance de cette victoire, mais en attendant il fallait trouver le moyen de sortir de l’entreprise discrètement.
Mehdi, dont la cheville enflée ressemblait désormais à un baobab, s’appuya sur Joshua et Tom pour pouvoir avancer à cloche-pied. Par miracle, ils réussirent à déjouer les systèmes de sécurité et à atteindre la sortie. Daniel les attendait dans le pick-up, impatient de savoir ce qu’ils avaient appris à l’intérieur. Lorsque les garçons eurent fini leur récit, la radio se mit à jouer Imagine de John Lennon, tous se mirent à chanter à tue-tête, heureux de pouvoir participer à rendre le monde meilleur :
Imagine all the people sharing all the world,
You may say I’m a dreamer
But I’m not the only one
I hope some day you’ll join us
And the world will be as one
Avant la tombée de la nuit, ils atteignirent le village d’Aceh, situé sur la côte orientale de l’île de Sumatra, où le reste du groupe les attendait. Avant d’arriver, ils purent admirer la végétation luxuriante et dense qui avait repris ses droits depuis le Tsunami de 2004. Mais ils constatèrent aussi les ravages provoqués par les incendies des puits de pétrole illégaux que les habitants exploitaient pour pouvoir vivre. Arrivés au campement, les autres membres du groupe leur avait préparé un accueil digne de champions de Formule 1. Chacun put raconter ses aventures et ses impressions.
Léa raconta comment ils étaient allés à la rencontre des habitants du village pour les sensibiliser aux dangers de l’exploitation pétrolière non autorisée. Ils avaient également rencontré des dirigeants locaux qui avaient paru sensibles aux arguments avancés par les jeunes.
Naomie avait prévu une dernière surprise pour eux : elle avait installé, à l’écart, des tapis de sol pour que tous puissent se reposer et admirer les étoiles. Et, pour qu’ils se remettent de leurs émotions, elle leur tendit des barres chocolatées bio issues du commerce équitable. « Et voilà, un Mars et ça repart ! », leur dit-elle en rigolant.
Tous repensèrent à leur odyssée et à ce temps désormais révolu où la planète importait peu à leurs yeux, où le Nutella était la base de leur alimentation, où ils étaient encore des enfants.
Le lendemain, direction l’aéroport, chacun retournait dans son pays d’origine, tout en se promettant de rester en contact. Alors que Daniel, Tom, Léa et Mehdi attendaient, épuisés, dans la salle d’embarquement, leur attention fut attirée par les voix d’un jeune couple qui échangeait en français. Heureux de retrouver des congénères, ils engagèrent la conversation. Pierre et Julieta parcouraient l’Asie depuis septembre. Touchés par l’aventure des ados, Pierre proposa de les contacter très prochainement pour raconter leur périple dans le journal Libération, auquel il collaborait.
Quelques mois plus tard, ils reçurent un exemplaire du journal, mais également un livre vert intitulé Ces jeunes qui changent le monde : Tom et Mehdi s’écrièrent « Trop bien ! », mais Léa, en bonne Lyonnaise, fut un peu déçue : « c’est quoi ce vert, on dirait un livre sur l’ASSE ! »...
Le grand départ
2 septembre 2019. Tom, Léa et Mehdi rentrent dans la cour du collège Jean-Moulin. C’est leur premier jour de 3e. Ils marchent les mains dans les poches.
– J’ai plus de nouvelles de Naomi, dit tout à coup Léa.
Tom et Mehdi s’approchent. Elle leur explique. Tout l’été elle a guetté un message sur Telegram. Rien n’est venu. Les autres membres aussi ont commencé à s’inquiéter.
– Elle est partie en vacances, dit Tom. Elle va revenir, tu verras.
Une semaine de cours passe.
Toujours pas de nouvelles.
Léa part ce mardi-là à l’école quand elle voit sur son iPhone le grand titre annoncé par tous les journaux : Naomi Lehner, leader de la fronde étudiante, a disparu. Un avis de recherche international a été lancé.
– Regardez, regardez ! crie Léa en arrivant devant le banc vert.
– Elle a été enlevée, c’est sûr, dit Mehdi, affolé. Elle devenait trop dangereuse.
– Oh oh, on se calme les gars, dit Tom. On respire un bon coup, et on réfléchit.
Vingt minutes plus tard, les trois amis n’y voient pas vraiment plus clair, mais ils décident de se mettre tout de suite à la recherche de Naomi.
Ils contactent les différents membres du groupe Telegram, les parents et amis de Naomi, exploitent la moindre piste : rien.
Pendant ce temps la mobilisation a repris de plus belle, partout les lycéens et les collégiens ont recommencé les grèves, le combat continue.
Et puis un jour, Léa reçoit par mail une invitation à rejoindre un réseau crypté : Gaïa. Elle appuie sur le lien qui est arrivé sur son mail. Dedans, un message l’attend.
« Salut Léa. C’est Naomi. Avant toute chose : tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis à Sumatra, en Indonésie. On est en train d’essayer, avec de nouveaux amis d’ici, d’empêcher de nouvelles plantations de palmiers à huiles, qui détruiraient encore un peu plus la forêt primaire et la biodiversité. J’ai décidé de passer à l’action. J’ai beaucoup parlé l’année dernière, mais rien n’avance. Alors voilà, je suis venue ici pour lancer des mini-foyers de résistance, des pôles d’actions un peu partout. Le réseau que j’ai créé regroupera des centaines de personnes dans le monde entier, qui veulent, eux aussi, commencer à changer ce monde.
Je t’invite vraiment à venir me rejoindre. Sumatra est sublime, je mange des noix de coco, et on avance, Léa, on avance.
Je t’embrasse ! »
Léa repose son téléphone.
– T’es folle, Léa, dit Tom.
– Non, je suis sûre de moi, dit-elle. Il faut qu’on la rejoigne.
Mehdi la regarde.
– Tu as raison, dit-il.
Tom se retrouve comme un con, tout seul. Il veut plaire à Léa, il voudrait qu’elle le trouve courageux, audacieux. Il se lève à son tour.
– Ok les gars.
Mais bon, on le sait, les choses ne sont pas si simples, on ne décide pas en claquant des doigts de partir à l’autre bout du monde, surtout quand on a 14 ans.
– On pourrait tout simplement fuir, comme elle, dit Mehdi.
– Il faut être plus subtil que ça, dit Léa. Tout le monde est sur les dents maintenant. Trouvons une autre manière de faire.
Laquelle ? se demande Tom. Il regarde ses camarades. Il est l’heure d’aller en cours de SVT. Quand tout à coup : biiiing dans sa tête – et ce n’est pas la sonnerie.
A la fin des cours, Tom court jusqu’à la porte d’entrée du collège et disparaît dans la montée du Gourguillon. Il enjambe un pont, les quais, et, arrivé devant le n°16 de la rue de Brest, il sonne.
Le lendemain, Tom s’approche du banc vert.
– C’est bon les gars, dit-il.
– Quoi, demande Mehdi.
– On part en Indonésie.
– Non mais t’es un ouf mec, crie Léa.
Tom leur explique : le grand frère d’un ami d’enfance, Rudi, a fondé il y a des années une ONG qui se charge de tisser des liens entre les enfants du monde entier. Il est allé le voir et lui a dit qu’ils voulaient absolument, ses deux potes et lui, partir en Indonésie faire du volontariat. Il a dit oui, je peux vous aider à partir.
– Mais qu’on ait 14 ans, c’est pas un problème ?
– On partirait dans un groupe d’une dizaine de personnes, dont plusieurs adultes. Aucun souci.
– Oui mais on a école mon vieux ! dit Mehdi. Et nos parents, qu’est-ce qu’ils vont dire, nos parents ?
Deux semaines et des dizaines d’heures de négociations plus tard, ça y est, les trois amis arrivent à leur fin. Les parents de Tom ont comme prévu été les plus difficiles à convaincre, mais en présentant le projet de la meilleure manière possible, avec l’appui de leur professeure d’histoire-géo et celui de Rudi (« plus respectable tu meurs »), ils ont réussi. Voilà le deal : deux semaines, pendant les vacances de la Toussaint, financées par l’ONG de Rudi, encadrés par des adultes, et au sein d’une mission humanitaire précise. Les trois amis font des sauts de joie sur le trottoir.
Vendredi 18 octobre 2019. Tom, Léa et Mehdi sont assis côte à côte dans ce Boeing 747 en direction de Djakarta. Ils n’arrêtent pas de demander des verres de Sprite aux stewards, de regarder sur leurs petites télés le dessin de leur avion qui survole à présent la Turquie. Ils rient, ils rient comme des fous. C’est parti, rendez-vous de l’autre côté du globe, en Indonésie !
2/ La rencontre
L’avion est descendu lentement au-dessus de Medan, sur l’île de Sumatra. Léa, Mehdi et Tom se sont levés, tout excités, avec les autres membres de l’ONG. Un taxi les a amenés jusqu’au centre-ville, puis dans un petit village où ils ont passé la nuit. Douze heures plus tard, le corps frais, ils ont enfin pu lever les yeux sur le vert infini autour d’eux.
– Cette forêt est en danger, a commencé Randi qui accueillait toute l’équipe dans sa guest-house. De grandes entreprises agricoles la brûlent depuis des années pour replanter de tristes palmiers à huile, dont l’Indonésie est le premier producteur mondial.
– Ah bon ? dit Tom, qui savait parfaitement tout ça.
– Les feux de forêts émettent des gaz infiniment toxiques dans l’air, et l’on détruit des écosystèmes entiers pour cette huile de palme, qui sert à fabriquer des shampoings, des savons, le Nutella, tous les produits de vos supermarchés.
– Et qu’est-ce qu’on peut faire pour les arrêter ? a demandé Mehdi.
– Rien, malheureusement… a dit Randi.
Le lendemain, la bande part pour une longue balade entre les jacarandas et les palétuviers, au cours de laquelle ils rencontrent pour la première fois les jeunes écoliers avec qui ils commencent à échanger. Ils rentrent ensuite à l’auberge se reposer.
– Il faut qu’on trouve une solution pour nous échapper d’ici, chuchote Tom.
– Oui, dit Léa. On se retrouve ce soir, dans le jardin…
Le lendemain matin, autour de la table du petit déjeuner, trois places sont vides. Quand Pascal, le responsable du chantier, entre dans la chambre de Léa, l’une des absentes, il trouve un mot sur son lit : Ne vous inquiétez pas, nous reviendrons au plus vite. On est passionnés par le projet, mais il faut vraiment qu’on parte. On se retrouve dans l’avion du retour. Tom, Léa et Mehdi
– On descend où ?
– Là, je crois.
Les trois amis sautent du bus. Ils sont arrivés dans la province d’Aceh, à trois heures et demie de Medan, à la pointe nord de Sumatra. Léa sort son portable pour regarder le message de Naomi.
– C’est par là, dit-elle en montrant le petit chemin qui monte. Et ensuite, il reste deux heures de marche.
– Ah ouais quand même, dit Tom.
Ils se mettent en route. Ils trouvent le petit chemin et se jettent dans la jungle épaisse.
– Il y a des milliers de chemins, comment veux-tu qu’on trouve le bon ? dit Tom.
– On va trouver, répond Léa.
– C’est par là, dit Mehdi, j’en suis sûr.
– Non, c’est par là ! crie Tom.
Alors qu’il commence à faire nuit, et que les amis marchent à tâtons, ils aperçoivent une lumière, là-bas, tout au fond.
– Ça doit être ça !
Ils arrivent devant un campement, éreintés. Des visages inconnus, des torches, des tentes. Une silhouette s’approche d’eux. La jungle bruisse tout autour.
– Bravo, vous y êtes arrivés ! leur dit une fille en les prenant dans ses bras.
Tom sent un corps chaud à l’odeur de vanille contre lui.
– Ah, je me présente, je m’appelle Naomi. Et toi c’est donc Léa !
– Oui ! Et voilà mes amis, Tom et Mehdi.
– Enchantée. Venez, vous devez avoir faim et soif.
Et le jus de goyave coule dans leurs gosiers secs.
Le lendemain, les trois amis ouvrent à peine les yeux sur l’incroyable paysage autour d’eux, quand Naomi débarque à leur table :
– Bon, pas de temps à perdre, il faut que je vous explique, maintenant que vous avez bien dormi.
C’est vite dit, pense Tom en grimaçant un peu après ces quelques heures sur des feuillages tressés.
– Vous voyez, là-bas ? dit-elle en s’accroupissant sur le petit monticule de terre au-dessus du campement. C’est le nouveau chantier qui a commencé il y a un mois. Ils ont déjà eu le temps d’abattre deux mille arbres et de faire fuir on ne sait combien d’orangs-outans, de tigres et d’animaux sauvages. Ils sont vingt à travailler sur ces nouvelles cultures de palmiers.
– Et on est treize, dit Tom.
– C’est déjà pas mal, non ? dit Naomi en souriant. Voilà notre plan. Dans trois jours, on descendra tous ensemble, pendant la nuit. On prendra possession des lieux. On défera leurs machines, on démontera les échafaudages, on prendra leurs tronçonneuses. Et on plantera des herbes folles, des plantes sauvages, des palmiers à banane, toutes les graines qu’on a récoltées ces derniers temps.
– Génial, dit Léa.
– Alors, vous êtes partants ?
Tom, Léa et Mehdi se regardent. Ils sont au bout du monde, dans un campement secret, avec leur nouvelle amie, Naomi, et dix autres personnes qu’ils vont apprendre à connaître, ils ont des cernes sous les yeux mais ils s’en fichent. Ils se regardent, ils se sourient, et ils disent oui.
3/ La manisfestation
Léa se sent l’âme d’une cheffe et propose alors au groupe de se réunir le lendemain à 9h00 pour décider d’un plan d’action.
Le matin, chacun arrive. Médhi semble encore endormi.
– Salut tout le monde ! 9h00 c’est trop tôt ! J’avoue je suis crevé moi… annonce Médhi.
– C’est pas le moment, il faut agir ! Nous sommes là pour trouver un plan, déclare Léa.
– Oui, ajoute Tom, il faut faire quelque chose qui restera gravé dans les mémoires, une chose grandiose et marquante !
Médhi propose alors :
– On devrait appeler la presse et lancer une énorme manif contre la déforestation !
Un adulte de l’ONG trouve que c’est une excellente idée et propose de contacter une chaîne de Télé locale pour faire un reportage sur leur action.
Naomi est touchée de voir ses amis s’emparer ainsi de la cause de Sumatra car si les gens sont sensibilisés la cause deviendra bien plus large et s’étendra à la planète entière.
– Allons -y les amis ! Lance-t-elle, il faut s’organiser…
Chacun se prépare, les étapes se mettent en place, certains fabriquent des banderoles, des panneaux avec des slogans…d’autres créent une chaîne You tube, d’autres un blog, tous els medias sont touchés. Cette initiative renforce les liens d’amitié entre Tom Léa Médhi et Naomi.
Quelques heures plus tard tout est fin prêt. Les quatre amis montent dans une jeep avec des tenues de camouflage pour passer inaperçus et partent en direction du nord de l’île là où se trouvent les forets dévastées. Les autres les suivent avec courage et détermination.
Après deux heures de route, ils arrivent enfin au lieu prévu, au loin ils entendent les machines et les cris des hommes. Après quelques minutes des journalistes arrivent à leur tour prêt à filmer l’action. Le plan s’organise. Ils avancent dans la forêt ou plutôt ce qu’il en reste…
Naomi voit un bulldozer à l’arrêt et se précipite pour ouvrir le réservoir et y mettre du sucre.
– Au moins qui aura du mal à démarrer ! se dit-elle.
– Viens, crie Léa on va par là regarde il y a d’autres véhicules ! Vite !!
Ils font au plus vite pour contaminer les réservoirs mais les bruits des machines se rapprochent et bientôt on entend des voix humaines.
– Qu’est-ce que vous faites ici ? Demande un homme en fronçant les sourcils. C’est encore ces ONG qui essaient de nous empêcher de bosser ?
Le petit groupe prend peur, mais il s sont rejoints par des sympathisants qui sont de plus en plus nombreux et se regroupent autour d’eux.
– Ouf ! s’écrie Médhi !
Naomi prend la parole et les journalistes filment :
– Nous sommes ici pour arrêter le massacre de la planète !
– Dégagez ou j’appelle la police, cire l’homme très énervé.
– Vous ne pourrez pas nous empêcher de dire aux gens ce qu’il se passe, ajoute Naomi, c’est trop grave ! Tout le monde doit savoir au plus vite que vous saccagez tout et que les forêts disparaissent par votre faute ! Vous êtes filmés, les machines sont hors service, nous sommes nombreux !
Les amis se sentent à ce moment là forts et unis face à ces hommes, ils savent qu’ils ont raison de poursuivre cette lutte. Mais tout à coup une explosion retentit et un nuage de fumée envahit l’atmosphère… Que se passe-t-il ? Ils n’arrivent plus à, respirer, tout est noir autour d’eux...C’est la chaos !
– Au secours ! Au secours !
La forêt en feu
Tout le monde courait, hurlait, criait au secours ; les trois adolescents ne savaient plus où aller. Tout se ressemblait, les arbres en feu tombaient, le vent agitait les rares feuilles, la fumée ocre devenait de plus en plus épaisse, impossible de voir quoi que ce soit !
– Ou devons- nous aller ? demanda Tom en s’étouffant.
– Essayons d’accéder au sommet de la montagne, la fumée ne l’a peut-être pas atteint ! indiqua Léa.
– Je vais prévenir le groupe, rétorqua Mehdi.
– Mais tu es fou, un arbre va te tomber dessus ! s’emporta Léa alors que Mehdi était déjà parti.
– Mehdi ! Reviens ! Attention l’arbre ! hurla Léa.
A ce moment, un arbre vacilla puis tomba. Un cri de douleur s’éleva. A cet instant les dix dirigeants de la manifestation sortirent de la fumée avec un visage angoissé. (On vous rappelle qu’il s’agit des dix jeunes engagés pour la planète, vous savez, ceux du livre vert !)
Léa ignora leur arrivée, elle cherchait désespérément Mehdi. A chaque seconde sa panique augmentait, la fumée troublait sa vision, ses yeux la brûlaient. Elle tournait en rond. Soudain, un cri. Léa courut suivie de Tom, Naomie et des dix militants. lls trouvèrent Mehdi, une jambe coincée sous un arbre. Léa, Naomie et Tom tirèrent de toutes leurs forces leur ami tandis que les autres soulevaient l’arbre. Il avait sans doute une fracture. Boyan le prit sur ses épaules puis la troupe se rendit au sommet de la montagne comme prévu. Une fois hors d’atteinte de la fumée, le groupe se posa, l‘air était largement plus respirable, les enfants avaient l’impression de revivre ! Après avoir repris sa respiration, Léa se leva et montra le paysage du doigt.
La fumée se dispersait et ils constatèrent l’ampleur des dégâts : des centaines de pompiers essayaient de maîtriser le feu qui sévissait encore. Des arbres gisaient par terre, calcinés. Le groupe se regarda consterné. Victor fixait les rares oiseaux qui tentaient d’échapper à la fumée. Félix, les larmes aux yeux, songeait à cette végétation perdue. Après ce moment déprimant Greta prit la parole :
– Il faut se ressaisir et trouver la cause de ce désastre ! s’exclama-t-elle.
Le groupe donna son approbation. C’est alors que le regard de Tom fut attiré par une grande zone défrichée où se trouvait une usine. Bille en tête, la petite troupe se dirigea vers l’usine. Après trente minutes de marche, ils arrivèrent à destination. Devant eux s’étendait une grille avec un trou béant. Ils décidèrent que Muzoon, Léa et Joshua se faufileraient dans le bâtiment. Ils avancèrent tous trois prudemment et pénétrèrent dans l’enceinte de l’usine. Ils allaient ouvrir une porte lorsqu’un bruit les alerta.
Des pas. Ils en étaient certains. Joshua montra un placard mal fermé assez grand pour tenir à trois. Ils y entrèrent silencieusement et le plus rapidement possible. Tandis que les pas se rapprochaient, les trois adolescents entendirent une voix d’homme, sonore et distincte, qui persiflait :
– Tu vois Alain, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Cette idée d’incendie est un coup de génie : il permet de disperser ces satanés manifestants mais aussi de raser cette forêt qui gêne mes projets. De plus la police ne pourra pas se douter que c’est moi qui ai fait ça !
– Vous avez raison boss, répondit une autre voix. Néanmoins, je reste tout de même soucieux. Une enquête pourrait remonter contre nous, et alors nous serions certainement confrontés à des difficultés immenses, insoutenables.
– Je compte sur toi pour que cela n’arrive jamais, reprit le premier individu.
5/ En vert et avec tous !
Avant que l’échange ne se termine, Tom avait eu le temps de sortir discrètement son portable et d’enregistrer la conversation. Ils n’auraient plus qu’à la transmettre à leur ONG qui se chargerait d’alerter les médias…Les trois garçons se réjouissaient d’avance de cette victoire, mais en attendant il fallait trouver le moyen de sortir de l’entreprise discrètement.
Mehdi, dont la cheville enflée ressemblait désormais à un baobab, s’appuya sur Joshua et Tom pour pouvoir avancer à cloche-pied. Par miracle, ils réussirent à déjouer les systèmes de sécurité et à atteindre la sortie. Daniel les attendait dans le pick-up, impatient de savoir ce qu’ils avaient appris à l’intérieur. Lorsque les garçons eurent fini leur récit, la radio se mit à jouer Imagine de John Lennon, tous se mirent à chanter à tue-tête, heureux de pouvoir participer à rendre le monde meilleur :
Imagine all the people sharing all the world,
You may say I’m a dreamer
But I’m not the only one
I hope some day you’ll join us
And the world will be as one
Avant la tombée de la nuit, ils atteignirent le village d’Aceh, situé sur la côte orientale de l’île de Sumatra, où le reste du groupe les attendait. Avant d’arriver, ils purent admirer la végétation luxuriante et dense qui avait repris ses droits depuis le Tsunami de 2004. Mais ils constatèrent aussi les ravages provoqués par les incendies des puits de pétrole illégaux que les habitants exploitaient pour pouvoir vivre. Arrivés au campement, les autres membres du groupe leur avait préparé un accueil digne de champions de Formule 1. Chacun put raconter ses aventures et ses impressions.
Léa raconta comment ils étaient allés à la rencontre des habitants du village pour les sensibiliser aux dangers de l’exploitation pétrolière non autorisée. Ils avaient également rencontré des dirigeants locaux qui avaient paru sensibles aux arguments avancés par les jeunes.
Naomie avait prévu une dernière surprise pour eux : elle avait installé, à l’écart, des tapis de sol pour que tous puissent se reposer et admirer les étoiles. Et, pour qu’ils se remettent de leurs émotions, elle leur tendit des barres chocolatées bio issues du commerce équitable. « Et voilà, un Mars et ça repart ! », leur dit-elle en rigolant.
Tous repensèrent à leur odyssée et à ce temps désormais révolu où la planète importait peu à leurs yeux, où le Nutella était la base de leur alimentation, où ils étaient encore des enfants.
Le lendemain, direction l’aéroport, chacun retournait dans son pays d’origine, tout en se promettant de rester en contact. Alors que Daniel, Tom, Léa et Mehdi attendaient, épuisés, dans la salle d’embarquement, leur attention fut attirée par les voix d’un jeune couple qui échangeait en français. Heureux de retrouver des congénères, ils engagèrent la conversation. Pierre et Julieta parcouraient l’Asie depuis septembre. Touchés par l’aventure des ados, Pierre proposa de les contacter très prochainement pour raconter leur périple dans le journal Libération, auquel il collaborait.
Quelques mois plus tard, ils reçurent un exemplaire du journal, mais également un livre vert intitulé Ces jeunes qui changent le monde : Tom et Mehdi s’écrièrent « Trop bien ! », mais Léa, en bonne Lyonnaise, fut un peu déçue : « c’est quoi ce vert, on dirait un livre sur l’ASSE ! »...