Histoire 06

Prologue

Adam Thobias s’est assis à sa table en bois, dans son appartement du centre de Bruxelles. Il a regardé la jolie petite place, avec ses deux lampadaires et sa fontaine, puis il s’est remis au travail.
Tout est presque prêt. Dans une semaine, la grande expédition partira.
C’est le cœur de son opération Télémaque, qu’il a présentée il y a quelques jours à tous les membres de la Commission sur le Changement Climatique dont il a pris la tête en février dernier. L’expédition sera formée de spécialistes de toutes sortes et de tous âges, botanistes, géographes, artistes, naturalistes, zoologistes, géologues. 50 personnes en tout pour un voyage de deux mois et plusieurs missions – dont une principale, qu’Adam Thobias a appelée « L’Île mystérieuse », parce qu’il a toujours bien aimé Jules Verne.
Toute cette fine équipe va embarquer sur un bateau, Le Tribord, et s’élancer, depuis Rotterdam, vers les mers et les terres du monde entier.
Adam sifflote et se sert une nouvelle tasse de café. Tout se présente plutôt bien.
Il reprend sa conversation en ligne avec Salomé et Kamel.
- C’est une grande aventure qui vous attend, écrit Adam. Et comme toutes les grandes aventures, elle a besoin d’être écrite, elle a besoin de reporters, d’écrivains, de poètes, de musiciens : vous.
Kamel et Salomé, à 260 kilomètres de là, se tournent l’un vers l’autre. Cet homme est fou.
Tout a commencé il y a quelques jours, lorsqu’ils ont reçu un étrange message. Ils l’ont lu plusieurs fois. J’ai rien compris, dit Kamel. Moi non plus, dit Salomé. Ils se sont remis à leur nouvelle chanson, ils avaient du boulot.
Depuis un an, avec deux autres amis, ils ont monté un groupe de hip-hop. Ils adorent ça. Ils sont tous à la fac, ils jonglent entre les petits boulots, les études et la musique, c’est un peu le bordel, mais c’est un bordel créatif et joyeux.
Kamel vit à Belleville, Paris, Salomé juste à côté à Ménilmontant, ils se retrouvent chez Adrien et Carlota, à Oberkampf, ils jouent, et ils suent, et ils chantent.
Deux jours plus tard, ils reçoivent un appel sur WhatsApp. La voix grave d’Adam Thobias s’élève.
- On sait toujours pas trop… commence Salomé.
- Ecoutez, c’est une opportunité historique, l’interrompt Adam. Cette expédition a une grande mission que vous serez chargés de raconter. Parce que voilà le grand défi, derrière toute cette opération : raconter autrement le monde. Pour créer ce nouveau monde que nous espérons, il nous faut non seulement l’inventer, le façonner, mais aussi le dire et le raconter différemment. Et pour cela il faudra tenter plein de choses, d’autres manières, d’autres voix. On a besoin de nouvelles histoires. Je vais vous donner des pistes, mais ensuite ce sera à vous de décider comment vous allez raconter ce que vous verrez : vous pouvez écrire et chanter une chanson, écrire en rebus, faire une bande dessinée, des vidéos… Tout est permis ! Une seule contrainte : chaque étape de l’histoire, vous la raconterez différemment.
Salomé et Kamel roulent de grands yeux.
- Oui mais c’est-à-dire qu’on a des trucs à faire en ce moment.
- Voilà le trajet que suivra le bateau, poursuit Adam décidément infatigable – en fait c’est plutôt une ville flottante, une nouvelle manière de vivre sur l’eau, mais vous verrez ça. Vous partirez plein sud-ouest, traverserez l’Atlantique. Sur la route, les spécialistes procèderont à de nombreux relevés. Une fois passé le cap Horn, vous vous arrêterez sur la côte chilienne.
- Pour ?
- Faire monter des tortues à bord.
- Ok, pourquoi pas, dit Kamel. Et ensuite ?
- Ensuite, vous repartirez plein nord. C’est un bateau puissant, en quelques jours vous arriverez sur une île, en plein océan Pacifique. C’est un lieu incroyable.
- Vous êtes un as du teasing, dit Salomé.
- En deux mots, et gardez-le pour vous, c’est confidentiel : des chercheurs ont recueilli des espèces animales en voie d’extinction, un peu partout sur la planète, et les ont réunies là. C’est une espèce d’énorme sanctuaire, mais c’est aussi plus que ça. L’idée, c’est 1/de les protéger, puisque, comme vous le savez, elles sont en danger, et 2/ de les laisser repartir aux quatre coins de la planète, pour repeupler les zones sauvages.
- Waou, c’est génial ! Et qu’est-ce qu’on va faire nous là-bas ?
- Cette expédition a plein d’objectifs : amener de nouvelles espèces, s’occuper de celles qui sont déjà là (tigres, gorilles, rhinocéros, éléphants, pandas, entre autres) et les aider à se développer, organiser ces nouveaux écosystèmes. Mais je ne vous en dis pas plus, vous verrez bien sur place !
- Et pourquoi nous ?
- Parce que j’ai écouté vos chansons, et qu’on a besoin de gens comme vous. Allez, il est temps de se préparer. Bon voyage les amis !
Et Adam appuie déjà sur le bouton rouge. Le téléphone redevient noir.
Salomé et Kamel se regardent… Ils ne savent pas dans quoi ils se sont embarqués, mais c’est quand même drôlement excitant.

Histoire 06
Marc Alexandre OHO BAMBE

1/ Aux portes du désert marocain.

« Qui veut renoncer ? » gronde le passeur, en se retournant vers les gamins tremblants mais déterminés. La nuit tombe doucement doucement sur leurs pieds qui ont déjà tant marché. Personne ne répond. Renoncer ? il n’en est pas question. Pas après tous les risques encourus, tous les sacrifices consentis, les souffrances endurées. Renoncer ? C’est impossible pour ces jeunes gens aux regards hagards, en quête d’azur, ces jeunes gens prêts à tout pour une vie meilleure. La vie est soleil devant ! se répète Yaguine au fond de lui. La vie est soleil devant ! c’est son mot d’ordre, pour avancer, toujours avancer, sans se retourner, ni dévier de la route de ses rêves. Rêves qu’il trace, à l’encre de sa plume révoltée. Et c’est sur cette route, que Yaguine rencontre Fodé.
Ils ont le même âge. Et la même passion pour les mots et la musique. Le Rap qui les lie, les libère aussi. Très vite entre eux, c’est l’évidence de l’amitié, fraternité d’âmes déracinées. Très vite, des textes naissent, écrits à quatre mains.

Sur la route. Yaguine, Fodé et d’autres compagnons d’infortune, Isma, Ibra, Luc, Estelle, Félicité et vous.
Face à une mer de sable qui s’étend à l’infini, et à cette conscience si humaine, que la douleur s’allège, quand on la partage.

Bonjour mon frère, bonjour ma sœur, comment va ta douleur… ?

Histoire 06

2/ A la rencontre de l’inconnu

De cette douleur ?
Je n’ai pas peur. L’espoir de vivre, pour raper, m’exprimer, être libéré.
C’est décidé, je m’en vais !
J’ai laissé mon enfance en été.
Perdu dans le vaste désert s’étendant à mes pieds, la ligne d’horizon joignant le ciel rejoint mes rêves.{}

Un jeune homme aux cheveux mi-longs bruns, cachés sous un turban blanc maculé de sable avec des yeux bleus comme le ciel qui s’étendaient au-dessus d’eux, était posté devant le soleil éblouissant. Il était grand plutôt fin mais musculeux.
Yaguine et Fodé regardèrent l’inconnu avant de prononcer ces quelques paroles :
- « Nous sommes Yaguine et Fodé ». Les deux amis se tournèrent vers le petit groupe assis derrière eux avant d’ajouter :
- « Eux, c’est Isma, Ibra, Luc, Estelle et Félicité, nous avons tous fui notre pays. Et vous, qui êtes-vous ? »
- « Je suis Mamadou-Labib-Yazide Bomouké » répondit fièrement l’inconnu.

Yaguine et Fodé propose à Mamadou-Labib-Yazide de venir s’installer autour du feu.
Il accepte la proposition. Les jeunes gens s’installèrent, posèrent leur sac et entamèrent la discussion. Reprenant les paroles qui avaient tant résonné en lui quelques minutes auparavant, Mamadou-Labib-Yazide reprit :
- « Bonjour mes frères, bonjour mes sœurs. Je vais vous montrer comment va ma douleur. Je suis dans le désert, inondé de peine, dans mon cœur. J’ai été contraint de voler pour ma mère et mes sœurs.
J’ai été attrapé, frappé, jeté dans cette vaste étendue de sable sans lueur.
Mon mental est affecté après tout je ne suis qu’un mineur. Seriez-vous mes sauveurs ?
Je me rends compte que nos situations sont similaires. »

A ce moment là, Mamadou-Labib-Yazide ressent de la tristesse, de la solitude mais aussi de l’espoir car la douleur s’allège quand on la partage... Puis, il poursuit :
- « Je médite, je me ressource, je pars pour mieux me retrouver, je suis les étoiles, les astres pour une lueur d’espoir ».

Les compagnons d’infortune regardent cet individu étonnés, ébahis par sa poésie.
Mamadou-Labib-Yazide se tourne vers les autres notamment Ibra et lui lance :
- « et toi ? Comment t’appelles-tu ? Qui es-tu ?
- Je suis Ibra, juste Ibra
- D’où viens-tu ?
- D’un petit village pauvre en Mauritanie.
- Comment as-tu atterri aux portes du désert marocain ? »

Tous, lui ont raconté comment Ibra avait fui une destinée qu’il n’avait pas choisie, comment Luc partit pour se ressourcer, et comment Estelle et Félicité avaient pris leurs dernières affaires pour vivre leur rêve. Ne dit-on pas, d’ailleurs, que nous avons le devoir de rêver ?
- « Nous poursuivons notre chemin en musique avec du raï et du rap. » Entonnèrent mélodieusement Yaguine et Fodé avant de préciser :
- « Nous c’est Yaguine et Fodé. On est meilleurs amis depuis 5 ans. »

Mamadou-Labib-Yazide contempla l’horizon pendant quelques minutes et eu un sentiment de nostalgie. Il observa le groupe et vit toutes les différentes personnes et personnalités qui s’offraient à lui lorsqu’un petit cri aiguë perça ce silence :

« - Aïe ! Ça pique, dit Isma endolori.
- Ça t’apprendra à faire l’imbécile à te jeter dans les dunes de sable, ne bouge pas je mets la compresse, répliqua-Félicité avec sarcasme.
- Bon ça suffit vous deux ! On a encore du chemin à faire, dit Estelle »

Après ce bref instant, Yaguine, Fodé et nos compagnons d’infortune rirent aux éclats, tandis que « l’intrépide » se consolait, en avalant son petit morceau de pain,et qu’Estelle le grondait et que Félicité continuait à le soigner.

Pendant la nuit autour du feu, des verres de thé à la main, les camarades de voyage écoutaient Yaguine et Fodé leur raconter plus précisément comment ils avaient fui leur pays et à nouveau tous racontèrent comment ils avaient fui le leur car la douleur s’allège quand on la partage...

Après des jours de marche sous une chaleur de plomb, Yaguine et Fodé aperçurent un village au loin, un village avec des constructions en ruine, un village avec des ruelles étroites, un village qui semble vide.
Nos compagnons d’infortune, maintenant accompagnés de Mamadou-Labib-Yazide semblent fatigués, épuisés et déshydratés.
Quand ils voient le village au loin, une lueur d’espoir vient à eux.
Entrer dans le village les intimide, des enfants jouent au ballon...

Histoire 06
Collège Elsa Triolet

3/ Ils sont là !

A l’entrée du village, des enfants jouent au ballon. Les mères chantent en préparant à manger. Les pères sont partis.
La vie est lente et difficile dans ce village. Pourtant quel soulagement d’être ici, après toutes ces épreuves !
Mamadou-Labib-Yazid, Fodé et Yaguine cherchent un endroit où manger et passer la nuit.
Il fait encore chaud. Une chaleur nauséabonde.
Mamadou ne parle plus depuis plusieurs jours. Il a l’air traqué comme une bête. Les traits de son visage sont tendus ; tout son corps est aux aguets. On dirait qu’une histoire ancienne le poursuit.
Un soleil de plomb aveugle leurs yeux et leur esprit.
A présent, Yaguine se souvient très bien de l’affiche à l’entrée du village. Mamadou est recherché. Sa tête est mise à prix. 500 000 000 de dinars...
Une femme approche. Mamadou se couvre aussitôt. Il est sur la défensive. Il se lève, le corps tendu. Que se passe-t-il ? Pourquoi se cacher tout à coup ?
La femme leur offre l’hospitalité. Ce soir, ils auront des dates et un verre de lait. Ils coucheront sur une natte de fortune aux côtés de la famille. Yaguine et Fodé le savent bien : les plus pauvres sont toujours les plus généreux.

Le temps presse à présent.

Le petit matin annonce la fin. ILS SONT LÀ ! Vacarme des sirènes. 

Yaguine et Fodé courent, courent car en plus d’être complices, ils sont entrés clandestinement sur le territoire. La police n’a jamais vu le visage de Yaguine et Fodé, mais ils savent que Mamadou-Labib-Yazid est accompagné de deux jeunes garçons. Eux. Ils sont maintenant en cavale…

Histoire 06
Collège Laurent Mourguet

4/ Une seconde d’inattention

Derrière les adolescents, une voiture de police à pleine vitesse. C’est le retour à la case départ , l’alarme du désespoir. Les sirènes sont de plus en plus fortes et les lumières bleues et rouges sont encore plus aveuglantes.

Les fugitifs entrent dans une ruelle si étroite que les policiers sont obligés de sortir de leur voiture, armés de tasers, de pistolets et de matraques. Désormais, la mort et le désespoir se traduisent par la couleur bleue : le bleu de la mer et de la noyade, et maintenant le bleu des tenues des policiers.

La course poursuite, pour laquelle les policiers sont désormais privés de l’atout de la voiture, continue. Mamadou, le plus endurant, finit à être à bout de souffle bien après les autres.

Soudain, ils repèrent un immeuble délabré visiblement facile d’accès. Ils pénétrent dans ce qui semblait être le hall. Les boites aux lettres sont détachées et les carreaux du sol ont disparu. Ils commencent à monter l’escalier qui grince sous leurs pas. Arrivés au premier étage, ils entendent le bruit d’une porte qui s’ouvre.
Yaguine tourne la tête mais la porte s’est déjà refermée. Il aurait pu cependant affirmer qu’on les observait.
- On compte monter jusqu’où ? souffle Fodé.
Yaguine ne répond pas. Il lève la tête et devine encore que deux étages se trouvent au-dessus d’eux.
- Allons jusqu’en haut, répond-il
Yaguine est interrompu par le bruit d’une porte qui se ferme. Ils se retournent d’un mouvement pour voir une silhouette se rapprocher d’eux. Un homme, plutôt de grande taille, le visage balafré.
Suivez-moi.
Il repart sans se soucier s’ils le suivent ou non. Ils hésitent quelques secondes, avant de comprendre qu’il n’y a de meilleure option. Ils descendent au premier étage et Mamadou comprend que c’était cet homme qui les avait observés. À peine sont-ils rentrés que l’homme se précipite pour fermer la porte avec quatre verrous dépareillés. À l’évidence, il ne voulait pas que quelqu’un puisse entrer dans son appartement.
« Alors comme ça vous êtes en cavale, pas vrai ?
Yaguine et Fodé échangent un regard complice, acquiescent d’un hochement de tête.
- J’ai peut-être une solution, poursuit-il. Tout dépend de combien vous pouvez payer. Je connais des personnes qui pourront éventuellement vous fournir des faux papiers. »
Yaguine et Fodé se consultent du regard. Bien sûr, c’était là une offre très alléchante mais il ne leur reste presque rien. Ils sortent alors avec prudence de l’immeuble.
Après quelques jours de fuite et à dormir dans des locaux étroits et inhabités, ils repèrent une camionnette de marchandises contenant des produits alimentaires dans le coin d’une ruelle et y montent discrètement.
Le moteur du camion rugit puis se dirige vers une destination inconnue. Ils n’osent pas chuchoter de peur que le chauffeur qui passe un appel téléphonique ne les repère. Mamadou-Labib-Yazid trébuche malencontreusement sur une caisse contenant des bananes. Ce dernier regarde désolé ses compagnons, lorsque le chauffeur stoppe soudain son véhicule. La porte claque. Les pas se rapprochent. Le chauffeur fait coulisser les portes, il n’a pas le temps de regarder le contenu de sa camionnette que Mamadou l’assomme.
Il déplace le corps inconscient entre des caisses-palettes après avoir vérifié qu’il est toujours en vie et s’installe au volant. Après quelques heures de route, un bus percute brusquement la camionnette qui se retrouve dans un fossé et s’enflamme quelques secondes plus tard.
Nous nous rappellerons de ces jeunes qui essayaient d’atteindre leurs rêves.

Histoire 06

5/ Titre du chapitre

Histoire 06
Marc Alexandre OHO BAMBE

1/ Aux portes du désert marocain.

« Qui veut renoncer ? » gronde le passeur, en se retournant vers les gamins tremblants mais déterminés. La nuit tombe doucement doucement sur leurs pieds qui ont déjà tant marché. Personne ne répond. Renoncer ? il n’en est pas question. Pas après tous les risques encourus, tous les sacrifices consentis, les souffrances endurées. Renoncer ? C’est impossible pour ces jeunes gens aux regards hagards, en quête d’azur, ces jeunes gens prêts à tout pour une vie meilleure. La vie est soleil devant ! se répète Yaguine au fond de lui. La vie est soleil devant ! c’est son mot d’ordre, pour avancer, toujours avancer, sans se retourner, ni dévier de la route de ses rêves. Rêves qu’il trace, à l’encre de sa plume révoltée. Et c’est sur cette route, que Yaguine rencontre Fodé.
Ils ont le même âge. Et la même passion pour les mots et la musique. Le Rap qui les lie, les libère aussi. Très vite entre eux, c’est l’évidence de l’amitié, fraternité d’âmes déracinées. Très vite, des textes naissent, écrits à quatre mains.

Sur la route. Yaguine, Fodé et d’autres compagnons d’infortune, Isma, Ibra, Luc, Estelle, Félicité et vous.
Face à une mer de sable qui s’étend à l’infini, et à cette conscience si humaine, que la douleur s’allège, quand on la partage.

Bonjour mon frère, bonjour ma sœur, comment va ta douleur… ?

Histoire 06

2/ A la rencontre de l’inconnu

De cette douleur ?
Je n’ai pas peur. L’espoir de vivre, pour raper, m’exprimer, être libéré.
C’est décidé, je m’en vais !
J’ai laissé mon enfance en été.
Perdu dans le vaste désert s’étendant à mes pieds, la ligne d’horizon joignant le ciel rejoint mes rêves.{}

Un jeune homme aux cheveux mi-longs bruns, cachés sous un turban blanc maculé de sable avec des yeux bleus comme le ciel qui s’étendaient au-dessus d’eux, était posté devant le soleil éblouissant. Il était grand plutôt fin mais musculeux.
Yaguine et Fodé regardèrent l’inconnu avant de prononcer ces quelques paroles :
- « Nous sommes Yaguine et Fodé ». Les deux amis se tournèrent vers le petit groupe assis derrière eux avant d’ajouter :
- « Eux, c’est Isma, Ibra, Luc, Estelle et Félicité, nous avons tous fui notre pays. Et vous, qui êtes-vous ? »
- « Je suis Mamadou-Labib-Yazide Bomouké » répondit fièrement l’inconnu.

Yaguine et Fodé propose à Mamadou-Labib-Yazide de venir s’installer autour du feu.
Il accepte la proposition. Les jeunes gens s’installèrent, posèrent leur sac et entamèrent la discussion. Reprenant les paroles qui avaient tant résonné en lui quelques minutes auparavant, Mamadou-Labib-Yazide reprit :
- « Bonjour mes frères, bonjour mes sœurs. Je vais vous montrer comment va ma douleur. Je suis dans le désert, inondé de peine, dans mon cœur. J’ai été contraint de voler pour ma mère et mes sœurs.
J’ai été attrapé, frappé, jeté dans cette vaste étendue de sable sans lueur.
Mon mental est affecté après tout je ne suis qu’un mineur. Seriez-vous mes sauveurs ?
Je me rends compte que nos situations sont similaires. »

A ce moment là, Mamadou-Labib-Yazide ressent de la tristesse, de la solitude mais aussi de l’espoir car la douleur s’allège quand on la partage... Puis, il poursuit :
- « Je médite, je me ressource, je pars pour mieux me retrouver, je suis les étoiles, les astres pour une lueur d’espoir ».

Les compagnons d’infortune regardent cet individu étonnés, ébahis par sa poésie.
Mamadou-Labib-Yazide se tourne vers les autres notamment Ibra et lui lance :
- « et toi ? Comment t’appelles-tu ? Qui es-tu ?
- Je suis Ibra, juste Ibra
- D’où viens-tu ?
- D’un petit village pauvre en Mauritanie.
- Comment as-tu atterri aux portes du désert marocain ? »

Tous, lui ont raconté comment Ibra avait fui une destinée qu’il n’avait pas choisie, comment Luc partit pour se ressourcer, et comment Estelle et Félicité avaient pris leurs dernières affaires pour vivre leur rêve. Ne dit-on pas, d’ailleurs, que nous avons le devoir de rêver ?
- « Nous poursuivons notre chemin en musique avec du raï et du rap. » Entonnèrent mélodieusement Yaguine et Fodé avant de préciser :
- « Nous c’est Yaguine et Fodé. On est meilleurs amis depuis 5 ans. »

Mamadou-Labib-Yazide contempla l’horizon pendant quelques minutes et eu un sentiment de nostalgie. Il observa le groupe et vit toutes les différentes personnes et personnalités qui s’offraient à lui lorsqu’un petit cri aiguë perça ce silence :

« - Aïe ! Ça pique, dit Isma endolori.
- Ça t’apprendra à faire l’imbécile à te jeter dans les dunes de sable, ne bouge pas je mets la compresse, répliqua-Félicité avec sarcasme.
- Bon ça suffit vous deux ! On a encore du chemin à faire, dit Estelle »

Après ce bref instant, Yaguine, Fodé et nos compagnons d’infortune rirent aux éclats, tandis que « l’intrépide » se consolait, en avalant son petit morceau de pain,et qu’Estelle le grondait et que Félicité continuait à le soigner.

Pendant la nuit autour du feu, des verres de thé à la main, les camarades de voyage écoutaient Yaguine et Fodé leur raconter plus précisément comment ils avaient fui leur pays et à nouveau tous racontèrent comment ils avaient fui le leur car la douleur s’allège quand on la partage...

Après des jours de marche sous une chaleur de plomb, Yaguine et Fodé aperçurent un village au loin, un village avec des constructions en ruine, un village avec des ruelles étroites, un village qui semble vide.
Nos compagnons d’infortune, maintenant accompagnés de Mamadou-Labib-Yazide semblent fatigués, épuisés et déshydratés.
Quand ils voient le village au loin, une lueur d’espoir vient à eux.
Entrer dans le village les intimide, des enfants jouent au ballon...

Histoire 06
Collège Elsa Triolet

3/ Ils sont là !

A l’entrée du village, des enfants jouent au ballon. Les mères chantent en préparant à manger. Les pères sont partis.
La vie est lente et difficile dans ce village. Pourtant quel soulagement d’être ici, après toutes ces épreuves !
Mamadou-Labib-Yazid, Fodé et Yaguine cherchent un endroit où manger et passer la nuit.
Il fait encore chaud. Une chaleur nauséabonde.
Mamadou ne parle plus depuis plusieurs jours. Il a l’air traqué comme une bête. Les traits de son visage sont tendus ; tout son corps est aux aguets. On dirait qu’une histoire ancienne le poursuit.
Un soleil de plomb aveugle leurs yeux et leur esprit.
A présent, Yaguine se souvient très bien de l’affiche à l’entrée du village. Mamadou est recherché. Sa tête est mise à prix. 500 000 000 de dinars...
Une femme approche. Mamadou se couvre aussitôt. Il est sur la défensive. Il se lève, le corps tendu. Que se passe-t-il ? Pourquoi se cacher tout à coup ?
La femme leur offre l’hospitalité. Ce soir, ils auront des dates et un verre de lait. Ils coucheront sur une natte de fortune aux côtés de la famille. Yaguine et Fodé le savent bien : les plus pauvres sont toujours les plus généreux.

Le temps presse à présent.

Le petit matin annonce la fin. ILS SONT LÀ ! Vacarme des sirènes. 

Yaguine et Fodé courent, courent car en plus d’être complices, ils sont entrés clandestinement sur le territoire. La police n’a jamais vu le visage de Yaguine et Fodé, mais ils savent que Mamadou-Labib-Yazid est accompagné de deux jeunes garçons. Eux. Ils sont maintenant en cavale…

Histoire 06
Collège Laurent Mourguet

4/ Une seconde d’inattention

Derrière les adolescents, une voiture de police à pleine vitesse. C’est le retour à la case départ , l’alarme du désespoir. Les sirènes sont de plus en plus fortes et les lumières bleues et rouges sont encore plus aveuglantes.

Les fugitifs entrent dans une ruelle si étroite que les policiers sont obligés de sortir de leur voiture, armés de tasers, de pistolets et de matraques. Désormais, la mort et le désespoir se traduisent par la couleur bleue : le bleu de la mer et de la noyade, et maintenant le bleu des tenues des policiers.

La course poursuite, pour laquelle les policiers sont désormais privés de l’atout de la voiture, continue. Mamadou, le plus endurant, finit à être à bout de souffle bien après les autres.

Soudain, ils repèrent un immeuble délabré visiblement facile d’accès. Ils pénétrent dans ce qui semblait être le hall. Les boites aux lettres sont détachées et les carreaux du sol ont disparu. Ils commencent à monter l’escalier qui grince sous leurs pas. Arrivés au premier étage, ils entendent le bruit d’une porte qui s’ouvre.
Yaguine tourne la tête mais la porte s’est déjà refermée. Il aurait pu cependant affirmer qu’on les observait.
- On compte monter jusqu’où ? souffle Fodé.
Yaguine ne répond pas. Il lève la tête et devine encore que deux étages se trouvent au-dessus d’eux.
- Allons jusqu’en haut, répond-il
Yaguine est interrompu par le bruit d’une porte qui se ferme. Ils se retournent d’un mouvement pour voir une silhouette se rapprocher d’eux. Un homme, plutôt de grande taille, le visage balafré.
Suivez-moi.
Il repart sans se soucier s’ils le suivent ou non. Ils hésitent quelques secondes, avant de comprendre qu’il n’y a de meilleure option. Ils descendent au premier étage et Mamadou comprend que c’était cet homme qui les avait observés. À peine sont-ils rentrés que l’homme se précipite pour fermer la porte avec quatre verrous dépareillés. À l’évidence, il ne voulait pas que quelqu’un puisse entrer dans son appartement.
« Alors comme ça vous êtes en cavale, pas vrai ?
Yaguine et Fodé échangent un regard complice, acquiescent d’un hochement de tête.
- J’ai peut-être une solution, poursuit-il. Tout dépend de combien vous pouvez payer. Je connais des personnes qui pourront éventuellement vous fournir des faux papiers. »
Yaguine et Fodé se consultent du regard. Bien sûr, c’était là une offre très alléchante mais il ne leur reste presque rien. Ils sortent alors avec prudence de l’immeuble.
Après quelques jours de fuite et à dormir dans des locaux étroits et inhabités, ils repèrent une camionnette de marchandises contenant des produits alimentaires dans le coin d’une ruelle et y montent discrètement.
Le moteur du camion rugit puis se dirige vers une destination inconnue. Ils n’osent pas chuchoter de peur que le chauffeur qui passe un appel téléphonique ne les repère. Mamadou-Labib-Yazid trébuche malencontreusement sur une caisse contenant des bananes. Ce dernier regarde désolé ses compagnons, lorsque le chauffeur stoppe soudain son véhicule. La porte claque. Les pas se rapprochent. Le chauffeur fait coulisser les portes, il n’a pas le temps de regarder le contenu de sa camionnette que Mamadou l’assomme.
Il déplace le corps inconscient entre des caisses-palettes après avoir vérifié qu’il est toujours en vie et s’installe au volant. Après quelques heures de route, un bus percute brusquement la camionnette qui se retrouve dans un fossé et s’enflamme quelques secondes plus tard.
Nous nous rappellerons de ces jeunes qui essayaient d’atteindre leurs rêves.

Histoire 06

5/ Titre du chapitre