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Patrick Vincent
xxxx xxxxxxxx, xxxxxxx, xxx xxxxxxxx xxxxxx xxxx xxxxx xxxxéx xxxx xxxxxx xxx xxxxx, xx xxxxxx xx xxx (...) vous donnons rendez-vous aux Subsistances pour une rencontre avec les participants et ici même avec votre liseuse pour étoffer votre bibliothèque.

Vous pouvez à tout moment retrouver le processus de fabrication des histoires à cette adresse.

Bonne lecture !

SCRIPT | Patrick Vincent

Dix classes de collégiens et un écrivain écrivent un cadavre exquis.

Ici, une fiction s’élabore en adaptant les règles du cadavre exquis, ce « jeu littéraire » inventé par les surréalistes : Joy Sorman écrit un prologue puis un premier chapitre dont seules les dernières lignes sont visibles par les élèves. Puis chaque classe poursuit cette amorce selon le même principe, de sorte qu’un texte se tisse au fil de l’année, alternant les écrits de l’écrivain et ceux des élèves.

Lors de chaque livraison de texte, les auteurs publient également une fiche signalétique qui rassemble des indices ou donne des pistes pour s’inspirer et poursuivre (détails sur l’intrigue, les personnages, références littéraires, scientifiques et artistiques).

Durant l’écriture, l’écrivain et les élèves lisent un livre choisi collectivement.

Crédits Photo : ©C. Hélie / Gallimard

FORUM
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2015/2016
Patrick Vincent
SCRIPT | Patrick Vincent
FORUM
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Prologue
Patrick Vincent

Rose vient d’avoir 14 ans, elle est née à Marseille, a toujours vécu là, dans le quartier du Panier au dessus du Vieux Port, rue de Beauregard. Rose aime ce quartier historique de la ville - les Phocéens s’y implantèrent en 600 avant Jésus Christ pour fonder Massalia -, elle aime les ruelles étroites qui débouchent sur la jolie place de Lenche, les perspectives sur les trois buttes qui l’entourent, la butte Saint-Laurent, la butte des Moulins et la butte des Carmes, l’ambiance populaire, festive, métissée, les ateliers des céramistes et des peintres ouverts sur la rue, et aussi les touristes qui débarquent aux beaux jours avec leurs appareils photo autour du cou, leur plan de la ville mal replié à la main, leur air un peu perdu, et ravi.
Rose fait de grandes virées dans son quartier, le rap de Rat Luciano à fond dans les oreilles - Luciano est né là lui aussi et la mère de Rose l’écoutait déjà au début des années 2000 quand il faisait partie du groupe Fonky Family -, elle dévale la rue de la République, la rue du Poirier, emprunte la montée des Accoules, passe devant l’église Saint-Laurent, la maison Diamantée, et souvent achève sa promenade à la Vieille Charité, un ancien hospice qui abrite aujourd’hui un musée, le musée des arts africains, océaniens et amérindiens – et Rose aime particulièrement ce lieu, son silence apaisant, ces objets venus du bout du monde, ces témoignages de cultures disparues, de civilisations bientôt perdues.
Il n’y a jamais grand monde dans ce musée, qui est devenu pour Rose une deuxième maison, elle s’y sent bien, à l’abri, chaque semaine elle y fait un tour, vient admirer les trésors exposés derrière de larges vitrines, juste éclairés dans la pénombre des salles ; ils sont comme ses amis, sa famille, elle les retrouve toujours avec plaisir. Une salle la fascine particulièrement, la salle Océanie et Amériques, celle du professeur Henri Gastaut, un spécialiste du cerveau qui a légué au musée son extraordinaire collection de crânes humains, têtes sculptées, peintes, gravées, ornées de plumes, de coquillages ou de mosaïques. Les têtes réduites des Jivaros, les crânes humains de Papouasie-Nouvelle-Guinée ravissent les yeux et l’imagination de Rose, mais sa préférence va à une tête trophée Mundurucu du Brésil, visage de momie, sculpture d’os, de cire, de cheveux et de dents de tapir, tête d’ancêtre venue du fond des âges, de l’extrémité de la terre, tête de sorcier peut-être ; de sa bouche sortent des cordes, à ses cheveux sont accrochées des guirlandes de plumes, et Rose ne se lasse pas de la contempler, de rêver à son mystère.

C’est pourquoi, le jour où Rose apprend qu’elle va déménager, sa première pensée est pour cette tête Mundurucu qu’elle ne pourra plus admirer aussi souvent, sa première inquiétude, avant ses amis, son collège, est d’être éloignée de ce musée. Cela fait longtemps pourtant que les parents de Rose espère ce déménagement, espère quitter le logement exigu et humide dans lequel ils vivent entassés avec leurs trois enfants - Rose, son petit frère de 3 ans et sa grande sœur de 16. La famille va enfin être relogée dans un bel immeuble, propre, lumineux, mais pour Rose c’est un déchirement.

SCRIPT | Patrick Vincent

Rose vient d’avoir 14 ans, elle est née à Marseille, a toujours vécu là, dans le quartier du Panier au dessus du Vieux Port, rue de Beauregard. Rose aime ce quartier historique de la ville - les Phocéens s’y implantèrent en 600 avant Jésus Christ pour fonder Massalia -, elle aime les ruelles étroites qui débouchent sur la jolie place de Lenche, les perspectives sur les trois buttes qui l’entourent, la butte Saint-Laurent, la butte des Moulins et la butte des Carmes, l’ambiance populaire, festive, métissée, les ateliers des céramistes et des peintres ouverts sur la rue, et aussi les touristes qui débarquent aux beaux jours avec leurs appareils photo autour du cou, leur plan de la ville mal replié à la main, leur air un peu perdu, et ravi.

Rose fait de grandes virées dans son quartier, le rap de Rat Luciano à fond dans les oreilles - Luciano est né là lui aussi et la mère de Rose l’écoutait déjà au début des années 2000 quand il faisait partie du groupe Fonky Family -, elle dévale la rue de la République, la rue du Poirier, emprunte la montée des Accoules, passe devant l’église Saint-Laurent, la maison Diamantée, et souvent achève sa promenade à la Vieille Charité, un ancien hospice qui abrite aujourd’hui un musée, le musée des arts africains, océaniens et amérindiens – et Rose aime particulièrement ce lieu, son silence apaisant, ces objets venus du bout du monde, ces témoignages de cultures disparues, de civilisations bientôt perdues.
Il n’y a jamais grand monde dans ce musée, qui est devenu pour Rose une deuxième maison, elle s’y sent bien, à l’abri, chaque semaine elle y fait un tour, vient admirer les trésors exposés derrière de larges vitrines, juste éclairés dans la pénombre des salles ; ils sont comme ses amis, sa famille, elle les retrouve toujours avec plaisir. Une salle la fascine particulièrement, la salle Océanie et Amériques, celle du professeur Henri Gastaut, un spécialiste du cerveau qui a légué au musée son extraordinaire collection de crânes humains, têtes sculptées, peintes, gravées, ornées de plumes, de coquillages ou de mosaïques. Les têtes réduites des Jivaros, les crânes humains de Papouasie-Nouvelle-Guinée ravissent les yeux et l’imagination de Rose, mais sa préférence va à une tête trophée Mundurucu du Brésil, visage de momie, sculpture d’os, de cire, de cheveux et de dents de tapir, tête d’ancêtre venue du fond des âges, de l’extrémité de la terre, tête de sorcier peut-être ; de sa bouche sortent des cordes, à ses cheveux sont accrochées des guirlandes de plumes, et Rose ne se lasse pas de la contempler, de rêver à son mystère.

C’est pourquoi, le jour où Rose apprend qu’elle va déménager, sa première pensée est pour cette tête Mundurucu qu’elle ne pourra plus admirer aussi souvent, sa première inquiétude, avant ses amis, son collège, est d’être éloignée de ce musée. Cela fait longtemps pourtant que les parents de Rose espèrent ce déménagement, espèrent quitter le logement exigu et humide dans lequel ils vivent entassés avec leurs trois enfants - Rose, son petit frère de 3 ans et sa grande sœur de 16. La famille va enfin être relogée dans un bel immeuble, propre, lumineux, mais pour Rose c’est un déchirement.