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Prologue

Tout avait commencé un peu plus tôt dans l’année – quand, Tom ne s’en souvient plus trop, les choses se confondent dans sa tête. Autour de janvier peut-être, des rassemblements de collégiens, lycéens et étudiants avaient commencé à secouer l’Europe puis le monde entier.
Au début, Tom, en 4e au collège Jean Moulin de Lyon, s’en fichait un peu de tout ça. Il avait déjà assez à faire avec ses problèmes à la maison, sa mère ne le laissait pas en paix (ou du moins c’est l’impression qu’il avait), et puis il y avait Léa. Léa sa meilleure amie, Léa sa confidente, Léa qu’il regardait, et qui semblait ne pas le voir.
C’est un après-midi comme un autre, un mardi, et Tom est assis avec Mehdi et Léa sur le banc vert juste en face de l’entrée du collège, devant la montée du Gourguillon, dans le quartier de St-Just.
 Vous avez vu ? demande Léa.
 Quoi ? dit Mehdi.
 A Bruxelles, à Berlin, à Londres, partout y a des manifs pour le climat, dit Léa. On n’arrête pas d’en parler, partout. Et nous, là, on est assis sur un banc.
 Ouais, mais c’est notre banc, dit Tom. Il est cool, moi je l’aime bien.
 Merde, mec, dit Léa, nous aussi il faut qu’on fasse quelque chose.
 Oui, mais quoi ? dit Mehdi.
 Manifester, montrer ce qu’on pense. C’est pas énorme, mais c’est déjà ça.
Ils se regardent, les trois amis, un peu dubitatifs. Il fait déjà chaud, ce jour de mars.
 Ok, mais on peut aller acheter un dernier pot de Nutella avant ? dit Tom dans un sourire.

Ça a commencé comme ça, par des trucs cons. Tom voulait plaire à Léa, qui, elle, y croyait à fond – alors il s’est dit ok, moi aussi. Mehdi était inquiet, révolté, en colère, il ne savait pas trop quels mots poser sur ce qui leur arrivait, à tous. Et Léa n’arrivait pas à comprendre comment on pouvait foutre notre propre planète en l’air, comme ça, sans réagir. C’était insensé.
Alors quand le mouvement mondial se mit en place, elle le suivit avec ardeur. Tom et Mehdi aussi, à moitié pour suivre leur amie, à moitié pour la cause qui commençait à sérieusement les préoccuper.
Car chaque jour apportait son lot de nouvelles alarmantes : fonte des glaces, disparition des animaux vertébrés, ouragans, hausse des températures, la Terre craquait de toutes parts.
Ils avaient commencé à lire et chercher des choses sur l’histoire des énergies fossiles, le fonctionnement de l’effet de serre, la dégradation des sols, des mers, à la fois effrayés et fascinés par ce qu’ils apprenaient.
Léa se mit en contact avec les nouvelles organisations militantes, et notamment avec Naomi Lehner, la jeune Allemande qui avait lancé le mouvement Youth for the Future, lequel, en quelques semaines, avait essaimé dans le monde entier. Chaque vendredi, désormais, des milliers de collégiens et lycéens des cinq continents faisaient grève pour protester contre ce qui était en train d’arriver. Ils avaient compris (et Léa aussi) qu’une poignée de personnes (industriels, pétroliers, gérants de grandes entreprises, toutes les pièces maîtresses du système économique mondial) leur avaient volé à tous leur planète, leur futur. Et ça, ils n’étaient pas prêts à l’accepter.

Léa et Naomi commencèrent à échanger sur Telegram, un réseau protégé. Elles parlaient de choses et d’autres, de tout ce qui se passait dans ces nouveaux mouvements, bien sûr, mais aussi de choses plus banales, de leurs vies quotidiennes, de ce qui les amusait. Elles devinrent amies.
Mais bientôt les beaux jours arrivèrent, la fin des cours aussi, un dernier grand rassemblement le 19 juin et ce furent les vacances, chacun repartit dans son coin, Tom dans les Landes, Mehdi dans les Alpes, Léa en Dordogne dans la maison de campagne de ses grands-parents, et Naomi quelque part en Italie. Les jours s’allongèrent. On passa doucement à autre chose.



Prologue
Patrick Vincent
SCRIPT | Patrick Vincent

Salut Armande grillée !
Dis-donc, tu ne sais pas ce que tu rates, ici. On prépare les 100 ans de Bison, mon arrière grand-mère zazou. Tu t’en souviens, tu l’avais rencontrée l’année dernière à Ville d’Avray ? Elle est en pleine forme. On dirait même qu’elle rajeunit de jour en jour sous ses couettes bicolores. Elle est toujours copine avec sa souris grise à moustaches noires. Elle regarde en boucle et très fort sur son ordi l’intronisation d’Emmanuel Macron, elle est persuadée qu’il s’agit d’une réincarnation de son Boris Vian chéri. Elle m’a montré une photo de lui : je reconnais qu’ils sont copie conforme. L’autre jour, elle m’a offert une trompette.
Tu as 15 ans maintenant, c’est l’heure de t’y mettre, mon petit Boris.
Elle ne m’appelle jamais Léonard. Elle dit que ça ne me va pas. Ma grand-mère Chloé, c’est à dire la fille de Bison, n’est-ce pas, et la mère de mon père, tu me suis j’espère, Mamie-Chloé donc, déteste Boris Vian presque autant que sa mère l’adore.
Mais lâche-le avec ton Vian, tu m’as pourri la vie avec ce snobinard, tu ne vas pas recommencer !
Moi, ça m’est égal. Qu’elle m’appelle Boris, si ça lui chante !
Je l’adore, la Bison. Avec ses yeux vairons, elle voit des choses extraordinaires. Elle prétend, par exemple, que les carreaux de la cuisine changent de couleur en fonction du plat servi sur la table. On mange une soupe de cresson, ils verdissent dans les coins. Moi, au vrai, je ne vois pas trop la différence, mais je la crois.
L’autre jour, elle m’a tendu un miroir grossissant :
C’est mon secret, tous les jours, je me zyeute là-dedans et les rides en se voyant si laides en ce miroir se retirent sous la peau, ni vu ni connu. Ça marche aussi pour les comédons.
J’ai essayé, tu ne vas pas me croire mais j’ai une peau de bébé magnifique. Tu verras comme je suis beau sur le selfie que je t’envoie en pièce jointe.
Avec mon père, on a décidé de faire réparer son pianocktail, tu sais, cet instrument qui transpose des mélodies en cocktails ? Pour le moment, il est bloqué sur On the rocks. Il ne fait plus que des glaçons, qu’elle avale cul sec, comme si de rien n’était, elle n’a pas froid aux yeux ! Elle s’est, de surcroit, (t’as vu comme je parle bien ?) mis en tête de faire une surprise-party comme au temps de sa jeunesse. Elle veut que j’invite mes potes parce que les siens sont tous morts, je lui dis yes pour ne pas trop la vexer mais je n’en parle à personne. À part toi, je ne vois pas trop qui inviter. Mais, dis donc ! Tu pourrais faire l’aller-retour. Allez ! Oublie un peu tes vocalises à Berlin et viens boire un Virgin Mojito à la fraise sur un air de Chopin. Comme ça, je te montrerai aussi Crâne d’oeuf : il a des petites tâches en accordéon sur les aréoles, je ne comprends pas d’où ça vient. Peut-être que tu lui manques un peu. Les autres cactus se passent très bien de toi, il sont magnifiques. Ma chambre ressemble à une serre tropicale. Ma mère n’y met plus les pieds, elle est furieuse, bon débarras. J’ai eu mon premier cours de trompette. Je me suis démonté la mâchoire mais j’ai réussi à sortir un do. Si je travaille tous les jours, j’arriverai peut-être à jouer cent notes de Duke Ellington à la Bison pour ses cent ans. Et toi, tu fais des arias toute la journée dans ton stage nec plus ultra pour futures divas ? Et l’allemand, tu t’en sors ? Donne-moi des news et regarde les billets d’avion Berlin-Paris, pour le week-end du 18. Grouille, c’est dans trois semaines.
Tschüss.
PS : ça y est, c’est demain ! Mon père ouvre enfin sa librairie ! Changement de vie !
RE- PS : si jamais, à Berlin, tu vois des chaussures en peau de bison à semelles compensées, achète-les pour Bison, taille 36. Je te rembourserai. Ici, je ne trouve pas. Elle en rêve depuis si longtemps.

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Patrick Vincent
xxxx xxxxxxxx, xxxxxxx, xxx xxxxxxxx xxxxxx xxxx xxxxx xxxxéx xxxx xxxxxx xxx xxxxx, xx xxxxxx xx xxxxxxxx (...) vous donnons rendez-vous aux Subsistances pour une rencontre avec les participants et ici même avec votre liseuse pour étoffer votre bibliothèque.

Vous pouvez à tout moment retrouver le processus de fabrication des histoires à cette adresse.

Bonne lecture !

SCRIPT | Patrick Vincent

Dix

classes de collégiens et un écrivain écrivent un cadavre exquis.

Ici, une fiction s’élabore en adaptant les règles du cadavre exquis, ce « jeu littéraire » inventé par les surréalistes : Violaine Schwartz écrit un prologue puis un premier chapitre dont seules les dernières lignes sont visibles par les élèves. Puis chaque classe poursuit cette amorce selon le même principe, de sorte qu’un texte se tisse au fil de l’année, alternant les écrits de l’écrivain et ceux des élèves.

Lors de chaque livraison de texte, les auteurs publient également une fiche signalétique qui rassemble des indices ou donne des pistes pour s’inspirer et poursuivre (détails sur l’intrigue, les personnages, références littéraires, scientifiques et artistiques).

Durant l’écriture, l’écrivain et les élèves lisent un livre choisi collectivement.

Crédits Photo : ©Violaine Schwartz

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2017-2018
Patrick Vincent
SCRIPT | Patrick Vincent