Au loin murmure une rivière...

Prologue

Localisation : Un bunker sous terre au milieu du Sahara
Année : 2050
Jour et heure : cela ne nous importe plus, maintenant que le monde est détruit, nous n’avons plus l’heure mais nous avons le temps : enfin !

Je n’ai rien oublié de mon ancienne vie, de tout ce que j’ai perdu, de la beauté d’un coucher de soleil, du mouvement lent et majestueux des vagues sur la plage de mon enfance, des histoires que me racontait ma mère. Je n’ai rien oublié du rire joyeux de mes propres enfants jouant à la balle au prisonnier dans le jardin. Rien non plus de ma sœur et mon frère, de notre enfance de petits noirs dans un village de France qui nous a tôt appris à affronter l’adversité. Je n’oublie pas que j’ai été heureuse. J’ai construit ma force et mon énergie, j’ai pu penser l’avenir malgré le Grand Effondrement parce que je savais que ce bonheur-là était possible, qu’une communauté bienveillante, imaginative pouvait sauver du pire des malheurs.
Je suis la plus vieille du projet, c’est moi qui l’ait conçu. Ici, il m’appelle tous Vieille Mère.
J’ai tout perdu au moment du Grand Effondrement en 2030. Tous ceux que j’aimais, ma maison, ma famille, les couchers de soleil, la mer, le chant doux des oiseaux au printemps, la caresse du vent sur mon visage, la table garnie et les amis en fête. Tout !
Depuis des décennies les puissants se faisaient la guerre. Ils fabriquaient des armes sophistiquées, ils n’avaient pas envisagé que leur avidité, leur quête d’un pouvoir hégémonique finiraient par créer notre perte à tous. Le budget de la défense était de plus en plus important, au détriment de la santé, du bien commun. L’éducation avait été abandonnée, la santé des plus fragiles délaissée, ils nous avaient transformés en corps brisés, malades, mal-éduqués, effrayés et méchants. Ils avaient permis que la terre soit abimée pour le confort immédiat de certains, ils avaient moqués, contredits les scientifiques qui prédisaient le désastre écologique en cours. Alors même que les tempêtes étaient plus virulentes, les incendies plus destructeurs et que des sécheresses terribles nous rendaient plus fragiles, ils avaient réussi à nous convaincre que l’étranger était le plus grand danger qui soit, à nous monter les uns contre les autres jusque dans notre intimité. Et quand ils avaient utilisé leurs armes, leurs bombes, nous avions applaudi parce que ce n’était pas contre nous mais contre des hommes, des femmes, des enfants que l’on nous désignait comme ennemis. Des personnes que nous n’avions jamais vu, qui vivaient à des milliers de kilomètres de nous et que nous les autorisions à massacrer parce qu’ils nous répétaient « c’est eux ou vous ! »
Je suis née à la fin du siècle dernier, j’étais là, j’ai tout vu. J’ai, inscrit dans ma mémoire comme un tatouage au fer rouge, la première bombe nucléaire et celles qui ont suivies en rétorsion. Je ne sais plus qui a commencé. Il n’y a plus personne pour écrire cette histoire. Je ne sais plus si c’était la Chine, les USA, la Russie, Israël ou la France. Dans le Projet Anticipation, nous avons compris qu’aucune guerre n’est nécessaire, aucune ne se gagne. Le premier sang versé à l’origine du monde crie vengeance et dans un cercle pervers, dévastateur, les mêmes horreurs se reproduisent.
J’étais ce qu’on appelait en ce temps-là une nerd. Très jeune, j’avais compris l’intérêt de l’informatique, du numérique et de la façon dont on pouvait s’en servir soit pour abêtir, dominer, s’enrichir, soit pour rendre les nôtres plus conscients de leur vulnérabilité et plus solidaires. J’ai choisi la seconde option.
Nous étions six femmes : Joyce et Annabella qui nous viennent des Etats Unis et du Brésil, Hua qui est chinoise, Rim qui est libanaise, Chloé française et moi, Sol, diminutif de mon prénom car mes parents m’ont appelée Soleil, prénom que j’ai transformé en Sol, comme le plancher où j’ai besoin de m’arrimer. Pas aussi vaste que la terre, mais Sol, comme l’endroit à la fois modeste et essentiel où tu poses tes pieds à chaque pas.
Le monde allait à vau-l’eau, j’ai contacté les femmes les plus brillantes de leur génération et elles m’ont écoutées quand je leur ai dit, « tout ça va mal se finir, nous devons nous préparer dès à présent à accoucher de l’avenir »
C’est ainsi qu’est né le Projet Anticipation. Le plan B d’un monde qui, c’était à prévoir, a implosé. Nous avons inventé la machine à remonter le temps et décider de réparer notre monde cassé en sauvant Les Vulnérables.

Au loin murmure une rivière...
Wilfried N’SONDE

1/ Dans la maison au bord de la Bourges

La petite souris avait élu domicile dans la maison au bord de la Bourges vers la fin du printemps dernier, peu avant de mettre bas ses six petits. Elle avait choisi de s’installer dans le calme du grenier, un excellent refuge qui la protégeait de la lumière pendant ses longues heures de sommeil de la journée, et lui proposait une excellente base de repli après les escapades nocturnes qui lui permettait de se rassasier et de nourrir sa progéniture.
Tout se passait à merveille depuis des mois, elle coulait des jours tranquilles, mais vers la fin de l’été, son univers s’était assombri avec l’arrivée d’humains et de deux monstres à quatre pattes. Avec leurs meubles et leurs énormes machines en métal qui faisait énormément de bruit, ils avaient totalement changé la géographie de la maison. Par chance ils ne s’étaient pas encore aventuré dans le grenier et la souris avait vite compris que ces étranges individus, contrairement à elle, vivaient le jour et dormaient la nuit. Et puis le nombre d’imposants objets avec lesquels ils encombraient l’espace offraient encore plus de possibilités de se dissimuler, ce qui facilitait ses déplacements vers l’extérieur, il s’agissait juste d’éviter la proximité du chat et du chien. Mais alors qu’elle pensait s’accommoder de cette soudaine invasion, une nuit où la souris partit comme à son habitude chasser des grillons, des chenilles ou d’autres petits insectes, elle s’arrêta net sur le porche de la maison et constata qu’à l’extérieur aussi tout avait changé, elle se retrouvait devant un paysage apocalyptique
Il avait suffi d’une journée pour que l’endroit qui la veille encore abondait de proies deviennent un désert de sillons de terre retournée. Son cœur battait à rompre sa petite poitrine. Elle s’appuya sur ses pattes arrière pour voir ce qu’il en était un peu plus avant, mais d’aussi loin qu’elle pouvait regarder, tout était dévasté. Elle renifla l’air, observa les alentours, s’arrêta en scrutant l’obscurité en direction de la rivière et se dit que ce serait peut-être l’occasion d’y aller chercher des petits escargots. Mais la lune presque pleine éclairait dangereusement l’espace entre elle et le cours d’eau où l’herbe avait été coupé très court, cette hypothèse et le chemin à découvert jusqu’à la rive l’exposait trop à l’assaut d’un rapace. La sourit stressait, elle pensait à ses petits sans savoir comment soulager leur faim. Dans le doute elle décida de rebrousser chemin et retourna dans la maison. Après quelques pas dans l’entrée, elle aperçut une forme bouger dans le noir. Le chat s’était réveillé, il s’étira puis trotta jusqu’à la cuisine pour se désaltérer. La souris s’arrêta mais son odeur la trahit, le félin stoppa, tourna son regard vers elle. Le rongeur se mit à courir et réussit à atteindre une plinthe, elle s’y cacha, tordit son corps, arriva à poursuivre sa course et laissa derrière elle les griffes du chat qui grattaient le bois. Heureusement, elle connaissait la maison par cœur et n’eut aucun mal à gagner l’étage avec le chat toujours à ses trousses. Dans la panique elle réussit à entrer dans la chambre où dormait la petite fille en se faufilant sous la porte, le chat n’allait pas tarder à arriver.
Les miaulements sortirent Sarah de son sommeil. Après s’être frottée les yeux, la petite se redressa sur son lit, elle aperçut une petite souris apeurée, menacée par le chat qui appelait avec insistance.

Au loin murmure une rivière...
Dani KOEU

Course-poursuite en forêt

Sarah crie « Il y a une souris ! ». Le chat se rapproche de la chambre mais voit la porte fermée et miaule pour qu’elle ouvre la porte.
Le félin fixe la poignée de ses yeux verts, il prend de l’élan, il saute et s’agrippe, mais il tombe. Il ressaie puis il parvient enfin à ouvrir la porte.
Sarah est rassurée de voir son animal de compagnie entrer dans la chambre.
Le chat, lui, est déterminé à trouver la souris. Il renifle pour la trouver, il avance doucement, le nez collé au sol. Il rentre même dans les pieds du lit de l’enfant. Peu de temps après, il repère sa proie cachée entre la fenêtre et la table de chevet.
La souris est toute effrayée… Le chat bondit mais le petit rongeur gris parvient à s’échapper par la fenêtre.
Il décide alors de grimper aux rideaux pour passer lui aussi par la fenêtre.
Une fois dehors, il se faufile tout autour de la maison pour la retrouver, mais la petite souris a trouvé une bonne cachette dans un tronc d’arbre pour ne pas être vu par l’animal aux griffes acérées.
Tout à coup, elle décide de s’enfuir en direction de la forêt.
Pendant ce temps-là, à l’intérieur de la maison, Sarah, qui a vu le chat sortir, est en panique. Elle a peur que le félin ne revienne pas.
Elle décide alors d’aller réveiller ses parents. Elle rentre dans la chambre :
 Maman ! Le chat est sorti par ma fenêtre ! dit Sarah à sa mère avec panique.
 Calme-toi ma chérie, il va sûrement revenir demain… Va te recoucher, dit Laurence tout en la réconfortant.
La petite fille retourne se coucher mais elle a du mal à se rendormir. L’enfant est inquiète…
Au même moment, le chien qui dormait dans la forêt se réveille quand il aperçoit le chat courir derrière la souris. Le petit rongeur est monté dans un arbre et maintenant elle se retrouve coincée… Elle se retourne et voit le chat, elle sursaute et tremble.
Le prédateur est très excité à l’idée de la manger. Il sort ses griffes et monte dans l’arbre à petits pas. Mais tout à coup, le chien, qui assiste à la scène, aboie. Le félin, surpris, se retourne et la souris en profite pour partir en courant.
Le chat se remet à courir derrière la souris qui trébuche et tombe. L’animal poilu, qui est plus rapide, la rattrape. Il bondit sur le rongeur mais il va trop loin et il tombe dans un précipice… Il se rattrape à une branche, mais celle-ci est en train de casser.
La souris en profite pour s’enfuir, et le chien, qui les a suivis, aboie de plus en plus fort. Il se met à courir dans la forêt, trébuche sur une branche d’arbre, se blesse, mais il se relève quand même et veut prévenir la famille que son compagnon le félin est en danger.
Arrivé devant la porte d’entrée, le fidèle compagnon de la famille aboie et les parents se réveillent pour la deuxième fois. Ils descendent alors pour aller voir ce qu’il se passe et se retrouvent en bas de la maison avec Sarah.
 « Qu’est-ce qui lui arrive ? », demande Driss, à moitié endormi. « Le chien à l’air de vouloir nous dire quelque chose »
 Sarah lui répond « Je sais, le chat est en danger. Je l’ai vu s’enfuir par la fenêtre pour chasser une souris. Il était complètement excité… Je suis sûr qu’il a chassé la souris dans la forêt et que maintenant il est en danger. »
 « Il faut aller voir ce qu’il se passe dans cette forêt », s’exclame Laurence, « il a dû se passer quelque chose… ».
Tous enfilent un manteau, s’équipent de lampes torche et se dirigent vers la forêt obscure et inquiétante.

Au loin murmure une rivière...
Pauline JUNIER-GAUTEYROUX

Les veines de la nature : au fil de l’eau ternie

Les portes de la forêt s’ouvrirent à la petite famille soucieuse et apeurée. Elle s’y enfonça, s’éloignant de la lisière, se repérant seulement grâce au clapotis de l’eau de la Bourges. Chacun de leurs cinq sens se mit en action. Seul le faisceau de lumière qui émanait de leur lampe de poche éclairait dans le brouillard de la nuit. Pour la première fois, ils découvrirent une atmosphère à la fois menaçante, capable du pire, mais qui dégageait une certaine beauté qu’on ne pouvait quitter des yeux. L’humidité des feuilles mortes étendues sur le sol empestait et brouillait les pistes, les herbes hautes et les arbres poussaient librement. Le silence régnait à l’exception du croassement des grenouilles. Salomon trébucha, ce qui déclencha l’envol de plusieurs oiseaux.
Soudain, ils entendirent une voix lointaine et douce qui entamait un poème. Ils la suivirent et arrivèrent sur une rive de la Bourges qui faisait jaillir son eau jusqu’aux pieds de Sarah.

Croassant depuis son rocher, l’animal doux mais imposant,
Ne cessait d’observer la beauté de la nature patiemment,
La forêt domestiquée, et un bain de fleurs où l’on veut plonger.
Il pleut, la rivière bruit de tous ces pleurs qu’elle a coulés :

« Ô chers humains ! Vous qui me considérez comme une reine,
Et qui me polluez comme la pauvre et triste Seine.
Pour moi, rien n’est pareil, de la naissance à votre trépas,
Plastique par plastique, vous ne vous arrêtez pas.

Chaque arbre qui tombe me rapproche de la tombe,
Mais ils souhaitaient vivre jusqu’à leur dernière ombre.
Ne crains rien, source d’argent qui fuit ton destin,
La conscience pèsera un jour sur les humains. »

Arrivé à son terme, ce poème résonnait encore dans les têtes de la famille Morin-Diallo, comme s’il essayait de leur transmettre un message. Seuls devant les profondeurs de la rivière, ils ne voyaient plus l’eau mais toute cette biodiversité, faune et flore invisibles et fragiles. Un ballon perdu appartenant aux jumeaux flottait au milieu d’une multitude de déchets lâchement étalés sur le rivage. Un frisson d’effroi parcourut leurs corps. Ils entendirent les ruissellements qui ressemblaient à un sablier, comme si leur temps était compté. Ils réalisèrent l’impact que leur déménagement avait causé sur cet écosystème qu’il détruisait et ils en furent horrifiés. Ils prirent alors conscience qu’ils n’étaient pas seuls : ils étaient en fait face au travail de milliers de petits animaux et d’insectes œuvrant à leur tâche dans l’obscurité de la forêt.
D’un seul coup, le chat sortit en boitant d’un buisson : il s’était coincé la patte dans ce qui ressemblait à une boîte de conserve. La famille, remplie d’une joie incommensurable, le rejoignit. Tout émus, Laurence et Driss prirent une décision : ils décidèrent de nettoyer cette rivière et ses abords de tout ce qui pourrait la polluer. Ils rebroussèrent alors chemin.

Au loin murmure une rivière...
Annabelle DA SILVA

4/ Opération nettoyage ? J’peux pas, j’ai...

Enfin rentrés chez eux avec leur chat, tous les membres de la famille se réunirent dans le salon. Driss, le père, parla le premier, hésitant :
« Bon... nous avons heureusement retrouvé notre vieux matou...
 Tous ces déchets, partout, c’est vraiment nul ! s’insurgea Sarah.
 C’est sûr, ça servait à rien de déménager de Lyon ! rétorquèrent les jumeaux.
 On peut forcément revenir en arrière ! On peut réparer, suggéra Sarah, serrant son chat contre elle.
 Mais oui ! On pourrait nettoyer ! On va tout nettoyer ! réagit Salomon.
 On peut pas tout faire tout seuls ! » tiqua Lucas.
Laurence réfléchissant, se décida enfin :
« Allez !, dit-elle en claquant dans ses mains, Driss, les enfants ! On doit le faire !
 Qu’est ce qu’on peut faire ? demanda Driss.
 On va faire des affiches ! proposa Sarah.
 D’accord ! Avec nos vélos, Lucas et moi, on va en coller partout !, déclara Salomon en jetant un coup d’œil sévère à son frère jumeau, qui soupira mais acquiesça.
 On va donner rendez-vous aux gens des alentours et des villages d’à côté, une grande journée pour tout nettoyer !
 Tout le monde va venir ! s’enflamma Sarah.
 Ouais, on sera des centaines ! annonça Salomon.
 Peut-être des milliers ! Ils en parleront à la TV ! Papa, maman, on va venir vous interviewer ! s’imagina Lucas.
 Très bien mes petits choux, que d’excitations d’un coup ! rit Laurence.
 Allons faire une liste de tout ce qu’il nous faut. », conclut Driss.
Et chaque membre de la famille se mit au travail, pendant que le chat s’assoupissait sur son fauteuil préféré.
Après cette prise de conscience, chacun mobilisa ses forces. Les enfants se mirent au dessin et réalisèrent des affiches colorées pour attirer les gens. Laurence, douée en infographie, mit ses compétences au service d’un visuel accrocheur et Driss trouva des phrases percutantes. Ils en imprimèrent des centaines puis se répartirent des secteurs pour en coller un peu partout dans le village et les alentours. Ils prévirent même une entreprise spécialisée dans l’enlèvement de déchets volumineux, intimement convaincus que le nombre de déchets récoltés ce jour-là dépasserait la tonne.
La veille au soir du grand jour, dans le salon, la famille réunie passait en revue les dernières modalités. Penché sur une liste toute griffonnée, l’air soudain songeur, Driss dit à voix haute, comme pour lui-même : « Vous pensez qu’ils vont venir nous aider ? » Chacun leva la tête vers lui et se figea.
« En voyant les dessins très beaux des enfants, cela va motiver du monde ! répondit la mère, optimiste.
 Oui, je suis sûre qu’ils viendront car j’ai mis du rose et même du bleu ! dit Sarah.
 Ils ont intérêt à venir, car on a collé 137 affiches, rien qu’à nous deux », précisa Lucas.
La famille se réjouissait d’avoir accompli un tel travail et ils espéraient vraiment que les gens viendraient aider à nettoyer. Ils se rendaient compte aujourd’hui, comme il s’étaient montrés inconscients. Désormais, ils étaient déterminés à changer leurs habitudes et à prendre soin de la nature.
Le grand jour arriva enfin ! La famille Morin-Diallo se réveilla avant même l’aurore, pleine d’entrain et de bonne volonté. Ils s’habillèrent avec de vieux vêtements et rassemblèrent tout le matériel patiemment récolté ici et là, nécessaire pour la longue journée de nettoyage qui les attendait. La famille, consciente qu’elle se devait de donner l’exemple en tant qu’initiatrice du projet, se dépêcha donc de rejoindre le lieu de rendez-vous. Petits et grands trépignaient d’enthousiasme, impatients de rencontrer toutes ces nouvelles personnes et de voir, ensemble, la rivière et ses abords retrouver une beauté inviolée. Arrivés à la rivière aux premières lueurs du jour, ils constatèrent, soulagés, qu’ils étaient bien les premiers et profitèrent de l’enchantement des lieux encore brumeux. Les enfants babillaient en imaginant que débarrassée de ces déchets, la rivière deviendrait le décor parfait pour une histoire de conte de fées. Ils se mirent courageusement au travail. La matinée s’avança et ils commencèrent à jeter des regards nerveux et fréquents derrière eux, guettant la moindre silhouette. Désormais silencieux, ils tendaient l’oreille dans l’espoir d’entendre le bruit d’un moteur, d’une roue, d’un pas, un son humain qui viendrait confirmer que leur appel avait été entendu. L’heure du déjeuner arriva et mornes, ils décidèrent de faire une pause pour manger leur pique-nique. Eux qui s’étaient imaginés le partager avec des voisins, des connaissances, des inconnus et accepter ce qu’on aurait voulu partager avec eux en toute convivialité, ils n’éprouvaient plus aucun intérêt à leur nourriture. Les enfants regardaient leurs parents silencieusement. Ils peinaient à mâcher. Pouvaient-ils encore espérer qu’une autre famille, un couple, une personne seule se joignent à eux ? Malheureusement, jamais ce coin de rivière ne fut plus désert que ce jour-là. Ils restèrent seuls. Le soir tomba, personne n’était venu. Les enfants, mouillés, avaient froid. Sarah commençait à tousser. Les jumeaux serraient la mâchoire. Dès la fin du déjeuner, Driss avait appelé l’entreprise d’enlèvement d’ordure de gros gabarit, pour annuler leur déplacement. Il faudrait tout de même payer des frais de réservation et de mise à disposition ? C’est bon, il les paierait. Malgré leur acharnement, ils n’avaient couvert qu’une surface assez négligeable et le paysage n’avait pas retrouvé l’éclat qu’ils lui imaginaient. Le travail était loin d’être fini. Les membres de la famille Morin-Diallo étaient fatigués, dépités, frustrés. La leçon était rude. Ils avaient parfaitement intégré que personne ne voulait les aider, ni nettoyer la nature. Chacun avait ses priorités. La famille avait eu espoir en l’humanité, et leurs illusions s’effondraient douloureusement.

Au loin murmure une rivière...
Wilfried N’SONDE

1/ Dans la maison au bord de la Bourges

La petite souris avait élu domicile dans la maison au bord de la Bourges vers la fin du printemps dernier, peu avant de mettre bas ses six petits. Elle avait choisi de s’installer dans le calme du grenier, un excellent refuge qui la protégeait de la lumière pendant ses longues heures de sommeil de la journée, et lui proposait une excellente base de repli après les escapades nocturnes qui lui permettait de se rassasier et de nourrir sa progéniture.
Tout se passait à merveille depuis des mois, elle coulait des jours tranquilles, mais vers la fin de l’été, son univers s’était assombri avec l’arrivée d’humains et de deux monstres à quatre pattes. Avec leurs meubles et leurs énormes machines en métal qui faisait énormément de bruit, ils avaient totalement changé la géographie de la maison. Par chance ils ne s’étaient pas encore aventuré dans le grenier et la souris avait vite compris que ces étranges individus, contrairement à elle, vivaient le jour et dormaient la nuit. Et puis le nombre d’imposants objets avec lesquels ils encombraient l’espace offraient encore plus de possibilités de se dissimuler, ce qui facilitait ses déplacements vers l’extérieur, il s’agissait juste d’éviter la proximité du chat et du chien. Mais alors qu’elle pensait s’accommoder de cette soudaine invasion, une nuit où la souris partit comme à son habitude chasser des grillons, des chenilles ou d’autres petits insectes, elle s’arrêta net sur le porche de la maison et constata qu’à l’extérieur aussi tout avait changé, elle se retrouvait devant un paysage apocalyptique
Il avait suffi d’une journée pour que l’endroit qui la veille encore abondait de proies deviennent un désert de sillons de terre retournée. Son cœur battait à rompre sa petite poitrine. Elle s’appuya sur ses pattes arrière pour voir ce qu’il en était un peu plus avant, mais d’aussi loin qu’elle pouvait regarder, tout était dévasté. Elle renifla l’air, observa les alentours, s’arrêta en scrutant l’obscurité en direction de la rivière et se dit que ce serait peut-être l’occasion d’y aller chercher des petits escargots. Mais la lune presque pleine éclairait dangereusement l’espace entre elle et le cours d’eau où l’herbe avait été coupé très court, cette hypothèse et le chemin à découvert jusqu’à la rive l’exposait trop à l’assaut d’un rapace. La sourit stressait, elle pensait à ses petits sans savoir comment soulager leur faim. Dans le doute elle décida de rebrousser chemin et retourna dans la maison. Après quelques pas dans l’entrée, elle aperçut une forme bouger dans le noir. Le chat s’était réveillé, il s’étira puis trotta jusqu’à la cuisine pour se désaltérer. La souris s’arrêta mais son odeur la trahit, le félin stoppa, tourna son regard vers elle. Le rongeur se mit à courir et réussit à atteindre une plinthe, elle s’y cacha, tordit son corps, arriva à poursuivre sa course et laissa derrière elle les griffes du chat qui grattaient le bois. Heureusement, elle connaissait la maison par cœur et n’eut aucun mal à gagner l’étage avec le chat toujours à ses trousses. Dans la panique elle réussit à entrer dans la chambre où dormait la petite fille en se faufilant sous la porte, le chat n’allait pas tarder à arriver.
Les miaulements sortirent Sarah de son sommeil. Après s’être frottée les yeux, la petite se redressa sur son lit, elle aperçut une petite souris apeurée, menacée par le chat qui appelait avec insistance.

Au loin murmure une rivière...
Dani KOEU

Course-poursuite en forêt

Sarah crie « Il y a une souris ! ». Le chat se rapproche de la chambre mais voit la porte fermée et miaule pour qu’elle ouvre la porte.
Le félin fixe la poignée de ses yeux verts, il prend de l’élan, il saute et s’agrippe, mais il tombe. Il ressaie puis il parvient enfin à ouvrir la porte.
Sarah est rassurée de voir son animal de compagnie entrer dans la chambre.
Le chat, lui, est déterminé à trouver la souris. Il renifle pour la trouver, il avance doucement, le nez collé au sol. Il rentre même dans les pieds du lit de l’enfant. Peu de temps après, il repère sa proie cachée entre la fenêtre et la table de chevet.
La souris est toute effrayée… Le chat bondit mais le petit rongeur gris parvient à s’échapper par la fenêtre.
Il décide alors de grimper aux rideaux pour passer lui aussi par la fenêtre.
Une fois dehors, il se faufile tout autour de la maison pour la retrouver, mais la petite souris a trouvé une bonne cachette dans un tronc d’arbre pour ne pas être vu par l’animal aux griffes acérées.
Tout à coup, elle décide de s’enfuir en direction de la forêt.
Pendant ce temps-là, à l’intérieur de la maison, Sarah, qui a vu le chat sortir, est en panique. Elle a peur que le félin ne revienne pas.
Elle décide alors d’aller réveiller ses parents. Elle rentre dans la chambre :
 Maman ! Le chat est sorti par ma fenêtre ! dit Sarah à sa mère avec panique.
 Calme-toi ma chérie, il va sûrement revenir demain… Va te recoucher, dit Laurence tout en la réconfortant.
La petite fille retourne se coucher mais elle a du mal à se rendormir. L’enfant est inquiète…
Au même moment, le chien qui dormait dans la forêt se réveille quand il aperçoit le chat courir derrière la souris. Le petit rongeur est monté dans un arbre et maintenant elle se retrouve coincée… Elle se retourne et voit le chat, elle sursaute et tremble.
Le prédateur est très excité à l’idée de la manger. Il sort ses griffes et monte dans l’arbre à petits pas. Mais tout à coup, le chien, qui assiste à la scène, aboie. Le félin, surpris, se retourne et la souris en profite pour partir en courant.
Le chat se remet à courir derrière la souris qui trébuche et tombe. L’animal poilu, qui est plus rapide, la rattrape. Il bondit sur le rongeur mais il va trop loin et il tombe dans un précipice… Il se rattrape à une branche, mais celle-ci est en train de casser.
La souris en profite pour s’enfuir, et le chien, qui les a suivis, aboie de plus en plus fort. Il se met à courir dans la forêt, trébuche sur une branche d’arbre, se blesse, mais il se relève quand même et veut prévenir la famille que son compagnon le félin est en danger.
Arrivé devant la porte d’entrée, le fidèle compagnon de la famille aboie et les parents se réveillent pour la deuxième fois. Ils descendent alors pour aller voir ce qu’il se passe et se retrouvent en bas de la maison avec Sarah.
 « Qu’est-ce qui lui arrive ? », demande Driss, à moitié endormi. « Le chien à l’air de vouloir nous dire quelque chose »
 Sarah lui répond « Je sais, le chat est en danger. Je l’ai vu s’enfuir par la fenêtre pour chasser une souris. Il était complètement excité… Je suis sûr qu’il a chassé la souris dans la forêt et que maintenant il est en danger. »
 « Il faut aller voir ce qu’il se passe dans cette forêt », s’exclame Laurence, « il a dû se passer quelque chose… ».
Tous enfilent un manteau, s’équipent de lampes torche et se dirigent vers la forêt obscure et inquiétante.

Au loin murmure une rivière...
Pauline JUNIER-GAUTEYROUX

Les veines de la nature : au fil de l’eau ternie

Les portes de la forêt s’ouvrirent à la petite famille soucieuse et apeurée. Elle s’y enfonça, s’éloignant de la lisière, se repérant seulement grâce au clapotis de l’eau de la Bourges. Chacun de leurs cinq sens se mit en action. Seul le faisceau de lumière qui émanait de leur lampe de poche éclairait dans le brouillard de la nuit. Pour la première fois, ils découvrirent une atmosphère à la fois menaçante, capable du pire, mais qui dégageait une certaine beauté qu’on ne pouvait quitter des yeux. L’humidité des feuilles mortes étendues sur le sol empestait et brouillait les pistes, les herbes hautes et les arbres poussaient librement. Le silence régnait à l’exception du croassement des grenouilles. Salomon trébucha, ce qui déclencha l’envol de plusieurs oiseaux.
Soudain, ils entendirent une voix lointaine et douce qui entamait un poème. Ils la suivirent et arrivèrent sur une rive de la Bourges qui faisait jaillir son eau jusqu’aux pieds de Sarah.

Croassant depuis son rocher, l’animal doux mais imposant,
Ne cessait d’observer la beauté de la nature patiemment,
La forêt domestiquée, et un bain de fleurs où l’on veut plonger.
Il pleut, la rivière bruit de tous ces pleurs qu’elle a coulés :

« Ô chers humains ! Vous qui me considérez comme une reine,
Et qui me polluez comme la pauvre et triste Seine.
Pour moi, rien n’est pareil, de la naissance à votre trépas,
Plastique par plastique, vous ne vous arrêtez pas.

Chaque arbre qui tombe me rapproche de la tombe,
Mais ils souhaitaient vivre jusqu’à leur dernière ombre.
Ne crains rien, source d’argent qui fuit ton destin,
La conscience pèsera un jour sur les humains. »

Arrivé à son terme, ce poème résonnait encore dans les têtes de la famille Morin-Diallo, comme s’il essayait de leur transmettre un message. Seuls devant les profondeurs de la rivière, ils ne voyaient plus l’eau mais toute cette biodiversité, faune et flore invisibles et fragiles. Un ballon perdu appartenant aux jumeaux flottait au milieu d’une multitude de déchets lâchement étalés sur le rivage. Un frisson d’effroi parcourut leurs corps. Ils entendirent les ruissellements qui ressemblaient à un sablier, comme si leur temps était compté. Ils réalisèrent l’impact que leur déménagement avait causé sur cet écosystème qu’il détruisait et ils en furent horrifiés. Ils prirent alors conscience qu’ils n’étaient pas seuls : ils étaient en fait face au travail de milliers de petits animaux et d’insectes œuvrant à leur tâche dans l’obscurité de la forêt.
D’un seul coup, le chat sortit en boitant d’un buisson : il s’était coincé la patte dans ce qui ressemblait à une boîte de conserve. La famille, remplie d’une joie incommensurable, le rejoignit. Tout émus, Laurence et Driss prirent une décision : ils décidèrent de nettoyer cette rivière et ses abords de tout ce qui pourrait la polluer. Ils rebroussèrent alors chemin.

Au loin murmure une rivière...
Annabelle DA SILVA

4/ Opération nettoyage ? J’peux pas, j’ai...

Enfin rentrés chez eux avec leur chat, tous les membres de la famille se réunirent dans le salon. Driss, le père, parla le premier, hésitant :
« Bon... nous avons heureusement retrouvé notre vieux matou...
 Tous ces déchets, partout, c’est vraiment nul ! s’insurgea Sarah.
 C’est sûr, ça servait à rien de déménager de Lyon ! rétorquèrent les jumeaux.
 On peut forcément revenir en arrière ! On peut réparer, suggéra Sarah, serrant son chat contre elle.
 Mais oui ! On pourrait nettoyer ! On va tout nettoyer ! réagit Salomon.
 On peut pas tout faire tout seuls ! » tiqua Lucas.
Laurence réfléchissant, se décida enfin :
« Allez !, dit-elle en claquant dans ses mains, Driss, les enfants ! On doit le faire !
 Qu’est ce qu’on peut faire ? demanda Driss.
 On va faire des affiches ! proposa Sarah.
 D’accord ! Avec nos vélos, Lucas et moi, on va en coller partout !, déclara Salomon en jetant un coup d’œil sévère à son frère jumeau, qui soupira mais acquiesça.
 On va donner rendez-vous aux gens des alentours et des villages d’à côté, une grande journée pour tout nettoyer !
 Tout le monde va venir ! s’enflamma Sarah.
 Ouais, on sera des centaines ! annonça Salomon.
 Peut-être des milliers ! Ils en parleront à la TV ! Papa, maman, on va venir vous interviewer ! s’imagina Lucas.
 Très bien mes petits choux, que d’excitations d’un coup ! rit Laurence.
 Allons faire une liste de tout ce qu’il nous faut. », conclut Driss.
Et chaque membre de la famille se mit au travail, pendant que le chat s’assoupissait sur son fauteuil préféré.
Après cette prise de conscience, chacun mobilisa ses forces. Les enfants se mirent au dessin et réalisèrent des affiches colorées pour attirer les gens. Laurence, douée en infographie, mit ses compétences au service d’un visuel accrocheur et Driss trouva des phrases percutantes. Ils en imprimèrent des centaines puis se répartirent des secteurs pour en coller un peu partout dans le village et les alentours. Ils prévirent même une entreprise spécialisée dans l’enlèvement de déchets volumineux, intimement convaincus que le nombre de déchets récoltés ce jour-là dépasserait la tonne.
La veille au soir du grand jour, dans le salon, la famille réunie passait en revue les dernières modalités. Penché sur une liste toute griffonnée, l’air soudain songeur, Driss dit à voix haute, comme pour lui-même : « Vous pensez qu’ils vont venir nous aider ? » Chacun leva la tête vers lui et se figea.
« En voyant les dessins très beaux des enfants, cela va motiver du monde ! répondit la mère, optimiste.
 Oui, je suis sûre qu’ils viendront car j’ai mis du rose et même du bleu ! dit Sarah.
 Ils ont intérêt à venir, car on a collé 137 affiches, rien qu’à nous deux », précisa Lucas.
La famille se réjouissait d’avoir accompli un tel travail et ils espéraient vraiment que les gens viendraient aider à nettoyer. Ils se rendaient compte aujourd’hui, comme il s’étaient montrés inconscients. Désormais, ils étaient déterminés à changer leurs habitudes et à prendre soin de la nature.
Le grand jour arriva enfin ! La famille Morin-Diallo se réveilla avant même l’aurore, pleine d’entrain et de bonne volonté. Ils s’habillèrent avec de vieux vêtements et rassemblèrent tout le matériel patiemment récolté ici et là, nécessaire pour la longue journée de nettoyage qui les attendait. La famille, consciente qu’elle se devait de donner l’exemple en tant qu’initiatrice du projet, se dépêcha donc de rejoindre le lieu de rendez-vous. Petits et grands trépignaient d’enthousiasme, impatients de rencontrer toutes ces nouvelles personnes et de voir, ensemble, la rivière et ses abords retrouver une beauté inviolée. Arrivés à la rivière aux premières lueurs du jour, ils constatèrent, soulagés, qu’ils étaient bien les premiers et profitèrent de l’enchantement des lieux encore brumeux. Les enfants babillaient en imaginant que débarrassée de ces déchets, la rivière deviendrait le décor parfait pour une histoire de conte de fées. Ils se mirent courageusement au travail. La matinée s’avança et ils commencèrent à jeter des regards nerveux et fréquents derrière eux, guettant la moindre silhouette. Désormais silencieux, ils tendaient l’oreille dans l’espoir d’entendre le bruit d’un moteur, d’une roue, d’un pas, un son humain qui viendrait confirmer que leur appel avait été entendu. L’heure du déjeuner arriva et mornes, ils décidèrent de faire une pause pour manger leur pique-nique. Eux qui s’étaient imaginés le partager avec des voisins, des connaissances, des inconnus et accepter ce qu’on aurait voulu partager avec eux en toute convivialité, ils n’éprouvaient plus aucun intérêt à leur nourriture. Les enfants regardaient leurs parents silencieusement. Ils peinaient à mâcher. Pouvaient-ils encore espérer qu’une autre famille, un couple, une personne seule se joignent à eux ? Malheureusement, jamais ce coin de rivière ne fut plus désert que ce jour-là. Ils restèrent seuls. Le soir tomba, personne n’était venu. Les enfants, mouillés, avaient froid. Sarah commençait à tousser. Les jumeaux serraient la mâchoire. Dès la fin du déjeuner, Driss avait appelé l’entreprise d’enlèvement d’ordure de gros gabarit, pour annuler leur déplacement. Il faudrait tout de même payer des frais de réservation et de mise à disposition ? C’est bon, il les paierait. Malgré leur acharnement, ils n’avaient couvert qu’une surface assez négligeable et le paysage n’avait pas retrouvé l’éclat qu’ils lui imaginaient. Le travail était loin d’être fini. Les membres de la famille Morin-Diallo étaient fatigués, dépités, frustrés. La leçon était rude. Ils avaient parfaitement intégré que personne ne voulait les aider, ni nettoyer la nature. Chacun avait ses priorités. La famille avait eu espoir en l’humanité, et leurs illusions s’effondraient douloureusement.