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Prologue

Adam Thobias s’est assis à sa table en bois, dans son appartement du centre de Bruxelles. Il a regardé la jolie petite place, avec ses deux lampadaires et sa fontaine, puis il s’est remis au travail.
Tout est presque prêt. Dans une semaine, la grande expédition partira.
C’est le cœur de son opération Télémaque, qu’il a présentée il y a quelques jours à tous les membres de la Commission sur le Changement Climatique dont il a pris la tête en février dernier. L’expédition sera formée de spécialistes de toutes sortes et de tous âges, botanistes, géographes, artistes, naturalistes, zoologistes, géologues. 50 personnes en tout pour un voyage de deux mois et plusieurs missions – dont une principale, qu’Adam Thobias a appelée « L’Île mystérieuse », parce qu’il a toujours bien aimé Jules Verne.
Toute cette fine équipe va embarquer sur un bateau, Le Tribord, et s’élancer, depuis Rotterdam, vers les mers et les terres du monde entier.
Adam sifflote et se sert une nouvelle tasse de café. Tout se présente plutôt bien.
Il reprend sa conversation en ligne avec Salomé et Kamel.
- C’est une grande aventure qui vous attend, écrit Adam. Et comme toutes les grandes aventures, elle a besoin d’être écrite, elle a besoin de reporters, d’écrivains, de poètes, de musiciens : vous.
Kamel et Salomé, à 260 kilomètres de là, se tournent l’un vers l’autre. Cet homme est fou.
Tout a commencé il y a quelques jours, lorsqu’ils ont reçu un étrange message. Ils l’ont lu plusieurs fois. J’ai rien compris, dit Kamel. Moi non plus, dit Salomé. Ils se sont remis à leur nouvelle chanson, ils avaient du boulot.
Depuis un an, avec deux autres amis, ils ont monté un groupe de hip-hop. Ils adorent ça. Ils sont tous à la fac, ils jonglent entre les petits boulots, les études et la musique, c’est un peu le bordel, mais c’est un bordel créatif et joyeux.
Kamel vit à Belleville, Paris, Salomé juste à côté à Ménilmontant, ils se retrouvent chez Adrien et Carlota, à Oberkampf, ils jouent, et ils suent, et ils chantent.
Deux jours plus tard, ils reçoivent un appel sur WhatsApp. La voix grave d’Adam Thobias s’élève.
- On sait toujours pas trop… commence Salomé.
- Ecoutez, c’est une opportunité historique, l’interrompt Adam. Cette expédition a une grande mission que vous serez chargés de raconter. Parce que voilà le grand défi, derrière toute cette opération : raconter autrement le monde. Pour créer ce nouveau monde que nous espérons, il nous faut non seulement l’inventer, le façonner, mais aussi le dire et le raconter différemment. Et pour cela il faudra tenter plein de choses, d’autres manières, d’autres voix. On a besoin de nouvelles histoires. Je vais vous donner des pistes, mais ensuite ce sera à vous de décider comment vous allez raconter ce que vous verrez : vous pouvez écrire et chanter une chanson, écrire en rebus, faire une bande dessinée, des vidéos… Tout est permis ! Une seule contrainte : chaque étape de l’histoire, vous la raconterez différemment.
Salomé et Kamel roulent de grands yeux.
- Oui mais c’est-à-dire qu’on a des trucs à faire en ce moment.
- Voilà le trajet que suivra le bateau, poursuit Adam décidément infatigable – en fait c’est plutôt une ville flottante, une nouvelle manière de vivre sur l’eau, mais vous verrez ça. Vous partirez plein sud-ouest, traverserez l’Atlantique. Sur la route, les spécialistes procèderont à de nombreux relevés. Une fois passé le cap Horn, vous vous arrêterez sur la côte chilienne.
- Pour ?
- Faire monter des tortues à bord.
- Ok, pourquoi pas, dit Kamel. Et ensuite ?
- Ensuite, vous repartirez plein nord. C’est un bateau puissant, en quelques jours vous arriverez sur une île, en plein océan Pacifique. C’est un lieu incroyable.
- Vous êtes un as du teasing, dit Salomé.
- En deux mots, et gardez-le pour vous, c’est confidentiel : des chercheurs ont recueilli des espèces animales en voie d’extinction, un peu partout sur la planète, et les ont réunies là. C’est une espèce d’énorme sanctuaire, mais c’est aussi plus que ça. L’idée, c’est 1/de les protéger, puisque, comme vous le savez, elles sont en danger, et 2/ de les laisser repartir aux quatre coins de la planète, pour repeupler les zones sauvages.
- Waou, c’est génial ! Et qu’est-ce qu’on va faire nous là-bas ?
- Cette expédition a plein d’objectifs : amener de nouvelles espèces, s’occuper de celles qui sont déjà là (tigres, gorilles, rhinocéros, éléphants, pandas, entre autres) et les aider à se développer, organiser ces nouveaux écosystèmes. Mais je ne vous en dis pas plus, vous verrez bien sur place !
- Et pourquoi nous ?
- Parce que j’ai écouté vos chansons, et qu’on a besoin de gens comme vous. Allez, il est temps de se préparer. Bon voyage les amis !
Et Adam appuie déjà sur le bouton rouge. Le téléphone redevient noir.
Salomé et Kamel se regardent… Ils ne savent pas dans quoi ils se sont embarqués, mais c’est quand même drôlement excitant.



Prologue
Alain Damasio
SCRIPT | Alain Damasio

Robert grimpe le colimaçon enroulé sur un cèdre pour atteindre le premier Calab. La cabane-lab fait bien 60 m² et abrite des RepRob — des robots auto-répliquants, dignes successeurs des RepRap, qui savent se fabriquer des membres, se réparer et s’autoproduire pour des tâches lourdes comme scier des troncs avant de se démembrer selon les besoins. Des enfants de huit ans leur enseignent des routines de conversation. Pas mal.
Une passerelle de corde plus loin, le second Calab est un hakobio où les vieux du coin synthétisent de l’aspirine à partir des reine-des-prés qu’ils ont cueillies. Sympa.
Le troisième Calab...

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Prologue
Li-Cam
SCRIPT | Li-Cam

Ma montre vibre à mon poignet, m’indiquant qu’il est l’heure de dormir. Le superviseur virtuel affiche 1639 dossiers restants. Je ne peux pas m’arrêter avant d’avoir fini, sous peine de faire dérailler toute la chaine. Il ne me reste qu’une solution, entamer un cycle de sommeil partiel. Je garde un très mauvais souvenir de la dernière fois où j’ai été obligé de lancer cette procédure d’urgence. Rêve et réalité se sont mélangés dans un chaos total, parfois heureux, souvent effrayant.
Tant pis ! Je lance la procédure et reprends mon travail, la gorge serrée.
J’ouvre un dossier quand, tout à coup, je sens quelque chose sur mon épaule. Je sursaute et tourne lentement la tête.
Un gros tentacule gluant glisse sur mon bras droit puis s’enroule autour de ma poitrine.
- Bonne nuit, me souhaite le superviseur.

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Prologue
Joris Mathieu
SCRIPT | Joris Mathieu

Je sais que je suis une machine, mais je ne sais pas trop ce que définit ce terme. Je ne vois pas de différences flagrantes entre toi et moi. Je suis humaine ! Mes fichiers sont imprégnés des opinions et des sensations de ceux qui les ont compilés. Ce sera à moi plus tard de les interpréter comme je l’entends. En fait je comprends souvent mieux le comportement des hommes que celui de mes congénères, qui après avoir fait la tâche qu’on leur avait assignée, restent immobiles, figés sur place, le regard dans le vide, incapable de prendre la moindre initiative... Ce n’est pas mon cas.

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Florence Porcel
SCRIPT | Florence Porcel

On m’avait promis une immersion totale au Crétacé. Je tremblais d’excitation quand j’ai enfilé le casque de réalité virtuelle : j’allais « voir » des dinosaures ! Humer les odeurs d’un autre monde, entendre une planète à la vie luxuriante et peut-être réussir à caresser un de nos ancêtres mammifères grâce aux gants haptiques dernière génération…
Avant de donner le go, je me suis souvenu de faire attention : on allait me projeter dans un environnement à ciel ouvert, mais je restais dans une pièce fermée, avec des murs. Il fallait éviter de courir…
Mais la réalité virtuelle s’est avérée un peu trop convaincante. J’ai senti le souffle de ce dinosaure sur mon visage et j’ai pris mes jambes à mon cou. Puis, plus rien. Là, je suis à terre et j’ai mal partout. Le monstre a disparu. Mais tout le reste est là. Je porte les mains à mes yeux et une foudre glacée parcourt ma colonne vertébrale : le casque n’y est pas. Il est tombé, à quelques mètres. Je me précipite dessus pour l’enfiler derechef, et je vois, dans l’écran, la pièce où je me trouvais il y a quelques minutes…

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Colin Niel
SCRIPT | Colin Niel

Quand Antoine ouvrit les yeux, il se dit que c’était déjà trop tard. Que le prédateur avait décimé le troupeau. Cette fois ça y est, pensa-t-il. Tu voulais le voir ton loup, hé bien il est là. Tout près de toi. Derrière le mur de la cabane, dans la nuit tombée sur la prairie, les bruits déchiraient le silence des altitudes. Des bruits comme jamais il n’en avait entendu en trois semaines de gardiennage. Ça hurlait à la mort, ça courait dans tous les sens, ça se bousculait pour sauver sa peau, ça défonçait les clôtures qu’il avait pourtant vérifiées la veille avant de parquer les brebis. Il écouta le carnage depuis le fond de son sac de couchage, se demanda où était passé le patou, ce qu’il foutait ce chien censé protéger les bestiaux contre les attaques du carnivore.

Antoine se souvint de la fois où l’éleveur qui l’avait recruté lui en avait parlé, du loup. C’était la première fois qu’il faisait le berger, son premier été sur les alpages. Forcément, l’éleveur, il le regardait un peu de haut, il se demandait s’il pouvait lui faire confiance à ce jeune-là pour garder ses bêtes. Avec son mégot coincé entre ses lèvres, il lui avait dit que si le loup s’en prenait au troupeau, il n’y avait qu’une chose à faire c’était tirer un coup de fusil. Que, d’ailleurs, si jamais il en tuait un, ce n’était pas si grave, qu’il fallait juste faire en sorte que jamais ça ne se sache. Antoine n’avait rien répondu ce jour-là, il s’était demandé si l’éleveur était sérieux ou s’il disait ça pour le faire flipper. Il se disait que s’il faisait tout bien comme il fallait, le patou, les enclos, tout ça, il n’y avait aucune raison qu’il attaque, le loup. Il en rêvait même un peu de cet animal mythique dont tout le monde parlait dans la vallée, il espérait l’apercevoir un jour au détour d’un chemin, fier et furtif sur ses quatre pattes.

Mais là, ce n’était pas un rêve. Le loup était bien là.

Et il tuait.

Antoine attendit un long instant, pétrifié par le vacarme. Mais ça durait, ça durait, dehors les brebis continuaient de se faire dévorer. Alors, les doigts tremblants, il fit glisser la fermeture Éclair du duvet, se redressa sous le toit de la petite cabane. Il s’habilla en vitesse dans les cris des bêtes, empoigna le fusil en se
jurant que jamais il ne tirerait sur un loup, que c’était juste pour lui faire peur.

Et d’une paume hésitante, il poussa la porte de bois...



2020